Gil Rivière Wekstein est l’auteur du blog Agriculture et Environnement. Il est également est membre de l’Association Française des Journalistes Agricoles. Il nous présente ici son nouvel ouvrage « Panique dans l’assiette – ils se nourrissent de nos peurs », qui se penche sur les méandres de l’agroalimentaire et du bio-business.
Vous révélez l’existence de ce que vous appelez une « Fabrique de la peur ». De quoi s’agit-il ?
Les peurs alimentaires ont toujours existé, mais l’origine de ces peurs a radicalement été modifiée en effet en raison d’une véritable Fabrique de la Peur.
Historiquement, les peurs relatives à l’alimentation concernaient le risque de pénurie, celui des intoxications alimentaires, ou encore la crainte les nouveaux aliments, l’exemple connu de l’introduction de la pomme de terre étant un excellent exemple.
Or, au 20e siècle, dans les pays industrialisés, ces peurs ont disparu et elles ont été remplacées par le « syndrome de la boîte de conserve ». C’est-à-dire qu’un aliment nous apparaît suspect car il n’est plus possible de le toucher, de le sentir et de le regarder pour savoir s’il est sain. On ne sait plus d’où ces aliments viennent, comment ils ont été fabriqués et ce qu’ils contiennent. Ensuite, ces peurs se sont accentuées avec l’arrivée de plats préparés industriels et avec la malbouffe.
Et c’est sur ce terroir favorable aux peurs que de nouvelles peurs alimentaires sont apparues. Attention, il n’y a rien de naturel dans ce phénomène. Il existe en effet à des intérêts convergents – qui va de l’agro-alimentaire à certaines ONG – qui nourrissent ces peurs. Ces acteurs ont défini un « territoire d’image » : celui du « naturel » et du « sans » : « sans gluten », « sans colorant », « sans sucre », « sans pesticide », « sans conservateur », « sans lactose », « sans OGM
Ces peurs ont ensuite été amplifiées par une multitude de reportages mettant en cause l’alimentation. Rien qu’en 2015, on a relevé 85 émissions de plus de 20 minutes, qui font croire que manger serait devenu une activité à risque. Résultat : aujourd’hui 79% des Français se disent préoccupés quant aux effets de leur alimentation sur leur santé. C’est une progression de 20 points en trois ans ! C’est affolant. »
Mon livre Panique dans l’assiette, ils se nourrissent de nos peurs apporte aux lecteurs les clefs pour leur permettre de ne pas se laisser avoir par cette mécanique infernale. Car ce marketing a fait prospérer un véritable business, avec comme dindons de la farce les agriculteurs accusés de produire de la mauvaise nourriture et les consommateurs qui cassent leur tirelire pour des produits qui ne sont finalement pas meilleurs pour leur santé.
Mais alors, peut-on manger sans craintes ?
Absolument ! En tout cas en respectant une règle simple : manger de tout et de manière équilibrée, en privilégiant les fruits et les légumes. Un bon repas n’est pas un repas « sans », mais un repas composé de plusieurs types d’aliments. Non seulement parce que chacun apporte quelque chose d’essentiel, mais parce qu’il existe des effets cocktails très bénéfiques. Ainsi, l’équipe du professeur Denis Corpet a démontré que les effets potentiellement négatifs d’un bon morceau de viande rouge étaient annihilés s’il est accompagné d’un verre de vin ou d’un fromage. Il faut donc retrouver le plaisir de la table, et de la convivialité autour d’un bon repas, et arrêter de se focaliser sur des faux problèmes. Sinon, on risque de passer à côté des vrais problèmes.
Et quels sont-ils ?
Tout d’abord, il y a celui de l’orthorexie, c’est-à-dire le rejet systématique d’aliments – ou plutôt de composés nutritionnels – perçus comme malsains. L’orthorexie, c’est la forme la plus extrême de ces obsessions alimentaires qui s’expriment de manières diverses mais qui ont en commun d’apporter de l’angoisse à l’assiette. Le plus symptomatique aujourd’hui est incontestablement le rejet grandissant du gluten, mais aussi le fait que la consommation de certains fruits est devenue le symbole d’un risque. Notamment la pomme qui est souvent prise comme exemple dans les campagnes contre les pesticides. Or, savez-vous qu’il faudrait manger 25 millions de pommes avec leur peau pour ingérer autant de substances cancérigènes qu’en buvant un seul verre de vin, qu’il soit bio ou non ?
Et puis surtout l’obésité, un problème majeur bien connu qui résulte justement d’une alimentation qui n’est pas équilibrée, notamment en raison du changement de nos comportements beaucoup moins exigeants en calories.
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