La redéfinition de la PAC dans un nouveau cadre budgétaire européen continue de diviser les pays membres et les forces politiques européennes. Si les opposants à une renationalisation s’organisent, ils semblent aussi se résigner à un certain changement.
L’union européenne nage dans le doute depuis le lancement de l’idée que la Politique agricole commune (PAC) 2020-26 devait être décentralisée, afin de laisser plus de flexibilité aux états membres pour qu’ils puissent l’adapter à des cas particuliers. Dans l’actuelle bataille entourant une redéfinition du budget européen post-Brexit, qui va réduire les ressources de 10 milliards d’euros par an (Rethinking the EU’s post-Brexit Budget Priorities, Zsolt Darvas et Guntram Wolff, Bruegel, mars 2018), mais aussi marquéE par l’apparition de nouvelles priorités – numérique, jeunesse, climat, protection des frontières, accueil des réfugiés, sécurité – Les escarmouches entourant la PAC se sont multipliées, et un front anti-nationalisation semble en train de se former.
Alors que la Commission européenne doit dévoiler vendredi 1er juin son projet global pour la prochaine PAC, des voix se sont levées pour s’opposer au renforcement du rôle des États membres dans la mise en œuvre de cette politique. « La structure qui nous est présentée risque de rendre la PAC complètement technocratique », a dénoncé l’eurodéputé PPE Michel Dantin lors d’une table ronde à l’Assemblée nationale française le 23 mai. Une accusation qui fait écho aux mises en garde de la commission AGRI du Parlement européen, menée par l’eurodéputé socialiste Paolo de Castro, qui s’inquiétait d’un système susceptible de « démultiplier la complexité bureaucratique » de la PAC.
« Depuis 2003, la PAC a évolué vers plus de subsidiarité, or cette dernière a entrainé des distorsions de concurrence entre les agriculteurs au sein de l’Union et des lourdeurs administratives au niveau des producteurs » détaille Patrick Ferrère, délégué général du think tank Agridées. Pour cet organisme qui prône une « re-européanisation » de la PAC, Bruxelles est en train de se fourvoyer. « Les aides directes ne sont plus aujourd’hui une aide aux revenus, mais une contrepartie aux obligations en matière d’environnement et de bien-être animal. Ces obligations sont les mêmes pour tous les agriculteurs européens et il est donc normal que tous bénéficient des mêmes indemnités. »
Si la contestation à cette réforme s’organise, une question subsiste : pèseront-ils assez pour dérailler le train de la réforme, appelé de ses vœux par de nombreux états membres. Car c’est aujourd’hui une fracture largement nationale qui s’opère sur le sujet : la France, principale bénéficiaire des aides agricoles, a rejeté cette réforme en bloc. Elle a rapidement été rejoint par plusieurs grands pays agricoles comme l’Espagne, l’Italie ou l’Irlande. Mais au vu des dernières manœuvres de Paris, ellesemble avoir changé de stratégie : la France semble désormais vouloir éviter un compromis avant les élections européennes de mai 2019 – ce qui serait un signe de son ouverture à un compromis.
Pour l’eurodéputé Polonais Jan Olbrycht, cette stratégie est dangereuse. « Certains pays ne veulent pas finaliser. Ils n’y croient pas. Diplomatiquement ils disent : on pense que ce n’est pas possible », confie-t-il. Il souligne que, faute d’accord en mai 2019, la négociation sera gelée pendant pendant six mois en raison du renouvellement des institutions européennes, ce qui ne risque pas de faire baisser les tensons actuelles. Mercredi, les députés européens des quatre principaux groupes politiques du parlement européen devront se prononcer sur une baisse de 15 % ou de 10 % de la PAC. Leur choix devrait nous éclairer sur l’avenir de cette politique.