Une équipe de chercheurs chinois en biologie moléculaire vient de découvrir qu’une modification du génome de certaines plantes, destinée à les rendre plus résistantes à la chaleur, leur permettait également d’être plus productives que les variétés normales. En effet, cette découverte pourrait permettre aux cultures de mieux résister au réchauffement climatiques, alors que les experts prédisent des vagues de chaleur de plus en plus fréquentes.
A l’origine de ce résultat: un pari. En effet, durant le processus de la photosynthèse, la lumière du soleil est transformée en sucre. Cette opération est rendue possible par un complexe enzymatique baptisé photosystem II (PSII) qui absorbe les photons et se sert de leur énergie pour exciter les électrons avant de les transférer à une coenzyme, la plastoquinone. Néanmoins, la chaleur ou l’exposition à un éclairage intense peuvent endommager la D1, une sous-unité de la PSII, interrompant le processus jusqu’à ce que la plante la répare.
Jusque là, les scientifiques pensaient que les chloroplastes, qui abritent la photosynthèse, disposent de leur propre ADN et produisent en leur sein la D1 à partir du gène codant. Or il est plus difficile de travailler sur le génome du chloroplaste que sur celui du noyau de la plante.
Pour l’équipe de la Chinese Academy of Science dirigée par le biologiste Fang-Qing Guo, il était possible que des protéines de D1 synthétisée à partir du noyau puissent être aussi efficaces que celle fabriquées dans le chloroplaste. Pour confirmer cette hypothèse, les scientifiques chinois ont effectué des tests sur une variété de moutarde: l’Arabidopsis thaliana. Ils ont extrait de son chloroplaste le gène codant de la D1 qu’ils ont inséré dans une séquence ADN qui s’active durant des période de stress thermique, avant de replacer le tout dans le noyau de la plante.
Les premiers résultats de l’expérience ont démontré que la variété modifiée d’Arabidopsis pouvait survivre à l’extrême chaleur (41 degrés celsius) pendant huit heures et demie, en laboratoire, alors que la plupart des plantes de contrôle étaient déjà mortes. L’expérience a été ensuite reproduite sur du tabac et de riz avec le même succès.
In vivo, la vague de chaleur de 2017 qui a affecté Shangaï a permis de constater que les récoltes du riz transgénique était supérieure de 8 à 10% à celle des variétés ordinaires. Si ces résultats constituent déjà en soi une performance, la surprise pour les scientifiques a été de constater les performances des variétés transgéniques dans les conditions normales de température. Ainsi, la récolte de tabac a augmenté de 48% par rapport aux variétés de contrôle, tandis que la hausse était de 20% pour le riz transgénique. l’Arabidopsis a, quant à elle, affiché une augmentation de 80% de sa biomasse… “Nous étions véritablement surpris. C’est comme attraper un poisson de taille exceptionnelle” a déclaré Fang-Qing Guo. Selon le scientifique, cette performance s’explique par le fait que la plante s’est vu réinjecter son propre gène. Il estime dont que les résultats pourraient être aussi spectaculaires avec le riz ou le tabac si l’expérience était reprise avec des gènes issus de leurs propres chloroplastes plutôt qu’avec des gènes codant la D1 provenant de la moutarde.
Dans la communauté scientifique, les réactions sont diverses. Ainsi, si Maria Ermakova qui travaille sur l’amélioration de la photosynthèse au sein de l’Australian National University, estime que c’est “une nouvelle extraordinaire”, son confrère Donald Ort de l’University of Illinois, Urbana-Champaign, se veut plus sceptique. Il estime que le groupe chinois présente des preuves crédibles, mais n’est cependant pas convaincu que la protéine de D1 fabriquée au sein du noyau puisse réparer la PSII dans le chloroplaste. “Toute découverte potentiellement aussi importante doit être prise avec un certain scepticisme. Il y a encore beaucoup d’expérience a mener pour comprendre pourquoi ces résultats ont été obtenu” a-t-il affirmé à sciencemag.org