Afin de nourrir l’Europe en 2050, il faudrait plus de prairies et moins d’élevage intensif nous apprend une étude qui a voulu concilier les contraintes climatiques, les enjeux de la production agricole et agroalimentaire, et les préconisations de santé publique internationales.
Une étude réalisée par l’Institut du développement durable et des relations internationales (IDDRI), adossé à l’Institut d’Etudes Politiques (IEP) de Paris s’est penché sur al question de la production agricole européenne. En particulier sur l’enjeu de nourrir plus d’habitants de façon plus équilibrée, tout en réduisant les émissions de gaz à effet de serre du secteur agricole de 40% par rapport à 2010, comme le secteur s’est engagé à faire. Autrement dit, comment produire « mieux avec moins » ?
La question n’est pas anodine. Les chercheurs estiment en effet que les exploitations agricoles européennes devraient subir une baisser de rendement compris entre 10 et 50% en fonction des cultures. L’étude détaille plusieurs chantiers qui permettraient de concilier les contraintes climatiques, les enjeux de la production agricole et agroalimentaire, et les préconisations de santé publique internationales :
« En partant d’un régime alimentaire sain, basé sur les recommandations nutritionnelles en vigueur (EFSA, OMS et PNNS), tout en conservant des attributs culturels importants comme la consommation de produits animaux et de vin, la baisse de production modélisés dans le scénario (– 30 % sur les produits végétaux et – 46 % sur les produits animaux) permet de nourrir les Européens, y compris en consacrant une fraction élevée des surfaces à des infrastructures agroécologiques ».
Aussi, l’étude préconise une « agriculture sans intrants chimiques et comportant une fraction importante de prairies permanentes extensives et autres infrastructures agroécologiques (haies, arbres…) permet d’envisager de front la reconquête de la biodiversité, celle de la qualité des ressources naturelles, et une baisse des émissions ».
Xavier Poux et Pierre-Marie Aubert, coauteurs de l’étude, reconnaissent que l’agriculture européenne a amélioré sa production de gaz à effet de serre de 20% entre 1990 et 2015. Les eux hommes soulignent que le recours quasi-systématique aux intrants chimiques (pesticides et fertilisants de synthèse) n’est « pas durable » et renforce une érosion déjà « alarmante » de la biodiversité.
Ils pointent également du doigt le régime alimentaire actuel des populations européennes « trop riche et déséquilibré » contribuant au développement de l’obésité, du diabète et des maladies cardio-vasculaires. « Si l’on produit beaucoup en Europe, on mange également trop et de manière déséquilibrée par rapport aux recommandations nutritionnelles de l’autorité européenne de sécurité alimentaire (EFSA) et de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) », note ainsi l’étude.
Dernier élément à corriger : un recours trop fréquent à l’élevage intensif. Une tendance particulièrement marquée chez les « granivores » nourris aux céréales, comme les porcs et les volailles, qui jouent indirectement un rôle non négligeable dans la déforestation au profit de surface agricole de masse.
Si cette étude propose des résultats probants, ces derniers demeurent « hors sol ». Aussi, la viabilité économique du système pour les agriculteurs à long terme n’a pas été envisagée secteur par secteur, de l’aveu même de ses auteurs. Ils estiment cependant qu’une Europe agroécologique dégagerait un excédent de production de haute qualité qui pourrait être exporté (20 % de la production laitière et des produits viticoles).