Les 20 et 21 juin, à Saint-Rémy dans le Rhône deux essais sur tournesol menés par Terres Inovia ont été détruits par des faucheurs volontaires. Quelles sont donc leurs raisons ?
Un remake de série B
C’est le retour des faucheurs volontaires ! Vous les aviez oubliés ? Et pourtant ce feuilleton a rythmé nos étés des années 2000… Entre Fort Boyard et les rediffusions de Don Camillo, les ONG engagées (et enragées ?) pour cette cause faisaient régulièrement la Une des médias. À l’époque, cela ne vous a peut-être pas sauté aux yeux, mais les faucheurs n’avaient pas tous la même cause.
En bras de chemise avec des banderoles rouges, ils luttaient pour une agriculture plus juste et contre le grand capital qui – d’après-eux – exploitait les petits paysans. En combinaison anti-nucléaire, ils ambitionnaient de lutter contre la pollution génétique. Chacun avait sa raison… (que la raison ignore ?) Et pourtant un témoin observant les deux groupes affublés d’accoutrements différents aurait pu les questionner respectivement en demandant à ceux qui allaient en bras de chemise pourquoi ils ne se protégeaient pas, puisque l’autre groupe, affirmait lui qu’il existait un danger qui nécessitait de porter un masque, des bottes et des gants, et vice versa….
Une « victoire » en France et en Europe
Il n’en reste pas moins que les faucheurs volontaires ont fini par l’emporter. Puisqu’aujourd’hui, il n’y a plus d’OGM cultivés en France, et il y en a très peu en Europe. De procès avortés en victoires politiques – rappelez-vous cette scène mythique lors de laquelle NKM embrasse José Bové– ils ont réussi à imposer ce que nous avions appelé jadis « l’exception culturale ». C’est-à-dire qu’un pays décide d’aller contre le sens de l’évolution du progrès technologique en agriculture qui se développe un peu partout dans le monde et choisit volontairement de se priver d’une solution éprouvée et reconnue par d’autres pour d’obscures raisons. Sachant que l’on cultive des plantes génétiquement modifiées depuis 1996, si on ajoute les essais en plein champs, cela fait désormais plus de trente années de recul et déjà en 2010, on avait recueilli suffisamment d’informations scientifiques pour se rassurer (1). D’ailleurs on ne parle même plus d’OGM, puisqu’une nouvelle technologie, Crispr-Cas9 (« Crispeur Cas neuf ») a fini par s’imposer par sa simplicité. Plus performante, elle permet de transformer les plantes sans passer par la transgenèse végétale, technique à l’origine de l’opposition idéologique des anti-OGM. Mais cette avancée technologique n’a pourtant pas empêché la CJUE de légiférer l’année passée. Alors comment les faucheurs ont-ils réussi à imposer leur vision anti-science ? « Dans OGM, moi non plus » (2), nous avions rédigé un dialogue imaginaire entre des personnages fictifs qui, chacun, représentaient les protagonistes de la Querelle des OGM. Voici les raisons invoquées par le chef des faucheurs :
Épisode 4 : De l’art de bien faucher
Antiogéhème, Ohèngé, Sansavis, Touropérator, Polémédia, Les Bobovés,
Antiogéhème est monté sur une caisse retournée à l’entrée du champ. Il s’adresse au groupe de faucheurs volontaires.
Antiogéhème : Camarades ! Si nous sommes réunis ici aujourd’hui, c’est au nom du principe de précaution. Principe qui, je vous le rappelle, nous oblige à agir, alors même que nous ne savons pas si nous devons agir. Mais c’est justement parce que nous ne savons rien que nous devons faire quelque chose. Ca paraît clair pour tout le monde ?
Nolwenn Bobové : Ben ouais c’est clair quoi. De toute façon, on agit pour les générations futures donc on n’a pas à se poser de questions.
Médéric Bobové : C’est clair, on est ici pour lutter contre les multinationales, donc on a encore moins à se poser de questions surtout que ces salauds, ils affament les populations africaines. T’inquiètes pas Antiogéhème, on n’aurait pas fait tous ces kilomètres si on n’était pas persuadés par le bien-fondé de ton combat.
Antiogéhème : Bon merci de votre soutien à tous, vous ne serez pas déçus du voyage. Alors, je vous fais une petite démonstration. Vous prenez…
Sansavis : J’aurais tout de même une petite question, Antiogéhème.
Antiogéhème : Patience, je vais t’expliquer pour que tu saches comment t’y prendre.
Sansavis : Oui, ça j’ai compris, il suffit de prendre le pied de maïs dans une main, la faucille dans une autre et de donner un coup sec. Mais je voulais te poser une question par rapport au principe de précaution.
Antiogéhème : Que veux-tu savoir ?
Sansavis : Eh bien voilà, c’est tout simple. Je voudrais savoir comment tu peux affirmer que l’on doit agir alors que l’on ne sait rien. Justement, ne devrait-on pas plutôt attendre, avant d’agir ?
Antiogéhème : N’as-tu donc pas écouté ce que j’ai dit ? C’est parce que l’on ne sait pas ce qui peut advenir demain avec ces plantes que l’on doit les détruire maintenant.
Sansavis : Ah… D’accord, mais je pensais que quand on ne savait pas, justement, cela impliquait que l’on fasse des expériences scientifiques, justement pour savoir.
Antiogéhème : Eh bien non, justement !
Sansavis : D’accord, mais comment pouvons-nous savoir a priori si une technologie est bonne ou mauvaise…
Antiogéhème : Bon, assez discuté, il est temps de passer à l’action. Justement nous faucheurs volontaires, tous, ici réunis décrétons à la majorité que la technologie OGM est mauvaise, c’est la raison pour laquelle nous nous devons de détruire ce champ au nom du principe de précaution.
Le groupe en cœur : Bien dit, bravo. Au travail.
Alors que le petit groupe commence joyeusement à saccager le champ, arrivent Transgénèthe, Biotechnicos, Productivis, accompagnés de Céhéresse.
Mais pourquoi ?
Cette parodie évoque sur le ton de l’humour des problèmes on ne peut plus sérieux. Car il s’agit d’illustrer l’absurdité de l’attitude anti-science qui a présidé à ces actes de sabotage qui se sont déroulés pendant des années et durant lesquels l’État a fermé les yeux sur le fait que des individus décident de s’en prendre à la propriété d’autrui ou de saccager les recherches de chercheurs. Et on peut en rire ou en pleurer, il n’en reste pas moins que les conséquences pour la recherche et l’agriculture sont terribles. Aussi, étonnamment, c’est le remake de ce scénario qui vient de se produire à Saint Exupéry. Sur le site de Terres Inovia, la société victime de ce fauchage, on peut lire : « Ces deux essais utilisent des solutions homologuées et autorisées. Ils entrent dans le cadre de l’agroécologie. Ils permettent aux agriculteurs de trouver des solutions innovantes pour lutter contre l’ambroisie, plante invasive et fortement allergène pour la population. L’ambroisie qui est de la même famille botanique que le tournesol colonise et pollue les parcelles jusqu’à rendre impropre la moisson. » Il ne fait aucun doute que les faucheurs qui ont saccagé ces champs ont leurs raisons, mais quelles sont-elles ? Le mystère des faucheurs volontaires risque de durer encore des années… Car eux-mêmes ne savent pas ce qu’ils cherchent ; et pendant ce temps, les autres pays continueront de développer des technologies que nous serons obligés d’importer. Mais ça, à leurs yeux, ce n’est sans doute pas une raison suffisante.
(1) « La conclusion principale à tirer des efforts de plus de 130 projets de recherche, couvrant une période de plus de 25 ans de recherche, et impliquant plus de 500 groupes de recherche indépendants, est que la biotechnologie, et en particulier les OGM, ne sont pas intrinsèquement plus risqués que par exemple les technologies conventionnelles d’amélioration des plantes. » Commission Européenne, A decade of EU-funded GMO research (2001- 2010) », http://ec.europa.eu/research/biosociety/pdf/a_decade_of_eu-funded_gmo_research.pdf
(2) http://restonscorrect.20minutes-blogs.fr/archive/2009/10/05/ogm-moi-non-plus.html
L’obscurantisme est à son comble ,il est porteur de notre relégation et ni la justice ni les dirigeants n’osent rétablir les enjeux,le droit la science et les faits.!
Idéologie quand tu me tiens…