Une étude française propose l’agroécologie comme piste pour une alimentation durable pour les quelques 530 millions d’européens que nous compterons à l’horizon 2050.
Alors que la question de la croissance démographique et de la consommation alimentaire s’imposent comme les enjeux majeurs de demain, la communauté scientifique cherche des moyens de réconcilier production agricole et environnement. Dans cette dynamique, une étude publiée par l’Institut du développement durable et des relations internationales (IDDRI) pose la question des comportements alimentaires actuels, qui ne sont ni sains, ni durables. Elle explore les possibilités pour accéder à une alimentation durable pour 530 millions d’européens à l’horizon 2050.
D’après le document, les principales priorités pour affiner à cette fin sont une adaptation de notre régime alimentaire, la généralisation de la valorisation des ressources locales, une réduction drastique du recours aux pesticides, le développement d’infrastructures agroécologiques et un développement de l’élevage extensif afin de favoriser les prairies. C’est ce que défendent Pierre-Marie Aubert et Xavier Poux sont chercheurs à l’IDDRI. « Nous présentons un scénario alternatif qui peut mener à une transformation à grande échelle du secteur agricole via une transition agroécologique », expliquait le premier lors d’une prise de parole lors de l’AgroParisTech.
Ce dernier est le coordinateur de l’initiative Agriculture européenne à l’IDDRI. Il développe :« Le débat actuel sur le futur de l’agriculture s’est enlisé, face à l’impossibilité de tenir ensemble l’objectif de produire autant ou plus qu’aujourd’hui et la nécessaire réduction des impacts sur le climat et la biodiversité. Pour dépasser cette opposition apparente, nous avons renversé la question : quels sont les besoins des Européens pour une alimentation saine et durable et quels sont les modèles agricoles pour y répondre en respectant les enjeux environnementaux ».
Aussi, le rapport a analysé l’impact des habitudes alimentaires des Européens afin de trouver des améliorations potentielles, avantageuses à la fois pour la santé en l’environnement. « Si l’on se base sur les directives de l’OMS et de l’autorité européenne de la santé, nos régimes alimentaires sont trop riches en calories (légèrement), en protéines (deux fois trop) et en sucre (trois fois trop). En revanche, ils sont déficitaires en fruits et légumes et en fibres. On peut donc faire évoluer ces régimes alimentaires pour faire évoluer la matrice agriculture ».
Le rapport préconise donc une évolution de notre alimentation : plus de céréales, de fruits et de légumes, plus de protéagineux et moins de viande, d’œufs, de poisson et de produits laitiers. « À partir de là, notre étude montre qu’une Europe agroécologique serait capable de nourrir les Européens en 2050, de réduire les émissions de gaz à effet de serre de 40 % et de retrouver la biodiversité », affirme Pierre-Marie Aubert. Une surprise quand on sait qu’actuellement, l’agriculture biologique en Europe affiche des rendements inférieurs de 10 à 50 % à la moyenne, selon les cultures.
Des pertes qui peuvent « être compensées par l’argent économisé en achetant beaucoup moins d’intrants agricoles » assure le chercheur. Il ajoute qu’une telle évolution devrait « réduire sensiblement » les importations de biens agricoles étrangers – en particulier de soja d’Amérique du Sud utilisé pour nourrir le bétail.