Forte d’un nouveau parlement, l’Union européenne va devoir se pencher sur l’épineuse question de la nouvelle PAC.
La Politique agricole commune (PAC) a toujours divisé les européens. Dès sa création, en après six mois de politique de la chaise vide par le Président français Charles de Gaulle, elle était éminemment politique. Aujourd’hui un des plus gros budgets de l’Union européenne, la PAC regroupe 58 milliards d’euros par an – 38 % du budget total de l’UE – dont 9 milliards par an pour la France. Vient ensuite l’Espagne, avec 7,4 milliards d’euros et l’Allemagne, avec 6,8 milliards d’euros. Chaque citoyenne et citoyen européen lui verse ainsi 114 euros par an pour soutenir l’agriculture.
La PAC est également politique car elle soutien une vision de l’agriculture, en subventionnant davantage certains comportements. Ainsi, « ceux qui exploitent beaucoup de terres, reçoivent beaucoup d’argent », comme le rappelle l’Atlas de la PAC 2019 – la majeure partie des subventions étant attribuées par rapport à la surface exploitée (267 euros par hectare en moyenne). Aussi, 82 % des fonds agricoles de l’UE sont perçus par les 20 % des bénéficiaires – qui sont également les plus gros propriétaires terriens.
Il est désormais question de mettre en œuvre pour le nouveau cycle de la PAC (2021 – 2027) un plan de réduction drastique, présenté par la Commission, faisant passer son à 365 milliards d’euros sur toute la période (contre 408 milliards d’euros pour la dernière). D’autres, plus radicaux, demandent même sa suppression. C’est le cas des signataires d’une tribune publiée dans le cercle Les Echos mi-avril dernier, des économistes de la Toulouse School of Economics. Ces derniers jugeaient la PAC obsolète et inutile, puisque l’UE « ne connaît plus de pénuries alimentaires depuis longtemps ».
Seulement, les acteurs de la production agricole sont aujourd’hui plus que jamais soumis à une concurrence très forte – déjà au sein de l’UE, mais aussi de la part d’acteurs extracommunautaires (Brésil, Ukraine…) avantagés par des normes fiscales, sociales et environnementales beaucoup moins exigeantes. Aussi, la PAC a ses défenseurs. « La méconnaissance dont font preuve les tenants de ce courant de pensée fait frémir. Au grès de tribunes publiées dans de grands quotidiens nationaux, ils sèment le doute dans l’esprit des lecteurs » estime ainsi Thierry Pouch, Chef du service des études économiques à l’APCA.
Le grand chantier qui attend le nouveau parlement européen – et la Commission qu’il composera – sera donc de réformer le PAC afin de l’adapter aux besoins actuels. Seulement pour l’heure, malgré de grandes déclarations d’intentions du Commissaire à l’Agriculture sortant, Phil Hogan, les directions du futur texte sont encore bien mystérieuses. « Il n’aura échappé à personne que, pour le moment, le flou domine. Flou sur le budget – sera-t-il reconfiguré dans le sens de la hausse – sur les systèmes d’aides, sur les intentions de la Commission en matière de négociations commerciales », note Thierry Pouch.
Devant l’ampleur de la tâche, Bruxelles a en quelque sorte botté en touche. Il existe désormais une « marge de manœuvre de deux ans supplémentaires pour négocier la réforme », explique l’agroéconomiste Jean-Marie Séronie. « En effet, compte tenu des règles et de l’agenda européen, une nouvelle Pac ne pourra entrer en application qu’en 2023. »