La Commission européenne s’inquiète de la situation de quasi-monopole qu’exerce Google en Europe, et brandit la menace du démantèlement du géant du web en cas d’abus.
Le torchon brûle-t-il entre Bruxelles et la multinationale américaine Google ? D’une part le géant du web avait déjà été condamné l’année dernière à payer une amende de 2,4 milliards d’euros pour avoir favorisé son comparateur de prix Google Shopping auprès des marchands et des consommateurs – il fait actuellement encore l’objet de deux enquêtes pour abus de position dominante. D’autre part, Margrethe Vestager, la commissaire européenne à la concurrence, a pris la parole le 15 mars dernier pour expliquer que la menace de diviser l’activité européenne de Google en petites entreprises était encore « à l’ordre du jour ».
« Il faut payer ses impôts là où on crée de la valeur. Il faut faire accepter ce principe aux pays européens », a développé celle que certains ont surnommé « l’Eurocrate qui fait trembler les entreprises américaines ». Le géant des moteurs de recherche est cette fois accusé de se servir de sa position dominante pour imposer aux constructeurs de smartphones l’intégration de certaines de ses applications, comme search ou Google Maps. Possédant plus de 90 % de parts de marché, Google est contraint par la loi européenne de ne pas utiliser sa position clairement dominante pour mettre en avant ses autres services.
« Nous n’y sommes pas encore, mais c’est important de garder l’œil ouvert », a-t-elle affirmé en guise d’avertissement. « Vous avez le droit de devenir dominant et vous prenez la responsabilité spéciale qui consiste à ne pas détruire une compétition déjà affaiblie », explique-t-elle. La Commissaire danoise s’inquiète en effet d’une croissance de Google, rendant son outil indispensable aux autres entreprises et à ses usagers, la plaçant en-deçà du contrôle national ou communautaire. L’idée n’est pas neuve : en 2014, le Parlement européen avait adopté à une large majorité une résolution non contraignante proposant de « séparer les moteurs de recherche des autres services commerciaux » du groupe.
Microsoft avait lui aussi été menacé de démantèlement dans les années 1990, aux États-Unis, accusé de favoriser son navigateur Explorer. Après une décennie de bataille judiciaire, la procédure s’est soldée par un échec. Bernard Benhamou, secrétaire général de l’Institut de la souveraineté numérique et en garde contre « des procédures extrêmement longues face à de tels mastodontes ». Pour lui, ces poursuites ne sont « pas (…) la bonne solution pour obtenir davantage de concurrence en Europe. Si nous ne développons pas notre propre écosystème, toute régulation aura ses limites. L’Europe doit faire émerger des géants éthiques. »
Le Règlement général sur la protection des données (RGPD), qui entre en vigueur le 25 mai prochain, pose des bases claires pour un tel modèle. « Nous, Européens, commençons à avoir le vent en poupe grâce à notre vision de la protection des données, estime Bernard Benhamou. L’ancien patron de la FCC [autorité américaine de régulation des télécommunications, ndlr], Tom Wheeler, fait même l’apologie du RGPD dans les colonnes du New York Times ! » Pour ce dernier, la vision protectrice européenne connait un retour en grâce après la multiplication des scandales autour de l’exploitation des données personnelles.