Facebook est dans le collimateur de Bruxelles pour son rôle potentiel dans le scandale Cambridge Analytica. Le Parlement a ouvert une enquête, alors que la Commission appelle les états membres à faire de même.
Rien ne va plus pour Facebook. Après d’inquiétantes révélations sur les méthodes de travail de l’agence anglaise d’analyses britannique Cambridge Analytica (CA) par le New York Times et le quotidien britannique, The Observer, le réseau social de Mark Zuckerberg est accusé d’avoir permis l’utilisation des données personnelles de plus de 30 millions de ses utilisateurs à des fins politiques. Lors des dernières présidentielles américianes, le cabinet CA, qui a supervisé la campagne de Donald Trump, avait en effet créé une application Facebook, nommée « thisisyourdigitallife » (« c’est votre vie numérique ») qui piratait les informations personnelles de l’usager et de tous ses contacts.
« Nous nous sommes servis de Facebook pour récolter des millions de profils d’utilisateurs. Et construire des modèles pour exploiter ce que nous savions d’eux en ciblant leurs petits secrets », a expliqué le lanceur d’alerte canadien Christophe Wylie, qui travaillait pour CA au moment de cette campagne. Les données récoltées auraient permis d’élaborer un logiciel capable de prédire et d’influencer le vote des électeurs. En réaction à ce rapt massif de données, une commission d’enquête britannique, l’ICO (Information Commissionner’s Office), a décidé de se pencher sur le fonctionnement interne, jusqu’ici opaque, de Facebook, et l’utilisation qu’il ferait de la masse d’informations qu’il détient sur ses usagers.
La diffusion lundi soir par la chaîne britannique Channel 4 d’une séquence en caméra cachée dans laquelle le PDG de l’entreprise, Alexander Nix, explique ses méthodes peu scrupuleuses, place plus que jamais l’entreprise dans le viseur de l’ICO. Les autorités européennes de la protection des données, qui se réunissaient ce mardi à Bruxelles, se sont également saisies de l’affaire. Le détournement présumé de données Facebook constitue une « violation inacceptable des droits à la vie privée des citoyens », a estimé Antonio Tajani, le président du Parlement européen. L’institution « enquêtera de manière complète et demandera des comptes aux plateformes en ligne », a-t-il ajouté.
« Cet incident n’est pas seulement une fuite de données, c’est une rupture de confiance qui menace le fonctionnement même de la démocratie », s’est inquiété Antonio Tajani. Dans le même temps, la Commission a encouragé les instances nationales à se saisir du dossier. Le 19 mars, Claude Moraes, président de la commission parlementaire sur les libertés civiles (LIBE), a officiellement invité Facebook à participer à une audition sur ces accusations, les 26 ou 27 mars, ou les 9 ou 12 avril. « Ce genre de pratiques est inquiétant et soulève d’importantes questions en termes de respect des droits fondamentaux liés à la vie privée, à la protection des données et à la liberté d’expression des utilisateurs ciblés », écrit l’eurodéputé britannique.
Facebook se défend en affirmant que ces informations étaient censées être utilisées à des fins scientifiques, et pas pour faire du profilage politique. Lundi, l’action du géant de la Silicon Valley a lourdement chuté lundi (-6,77%). Facebook a ainsi vu sa capitalisation boursière se réduire de près de 30 milliards de dollars.