
Face à une Europe divisée, la France a choisi d’imposer une taxe numérique nationale. Une solution soutenue par une large majorité du Parlement européen.
Ce lundi, la France a passé le cap : dès janvier 2019, le pays compte taxer les grades multinationales du numérique, aussi appelés Gafa (Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft, Uber, etc.). Cette taxe « s’appliquera en tout état de cause au 1er janvier 2019 et portera donc sur l’ensemble de l’année 2019 pour un montant que nous évaluons à 500 M€ », a annoncé le ministre de l’Économie français, Bruno Le Maire.
Les critiques se sont multipliées contre les géants américains d’Internet, qui, grâce à d’astucieux montages fiscaux, ne paient que des sommes minimes en Europe. Leur niveau de taxation est ainsi estimé à 9%, là ou la moyenne des entreprises traditionnelles est de 23%. Google France a ainsi payé un impôt de 14 millions d’euros pour un chiffre d’affaires déclaré de 325 millions d’euros en 2017. Mais selon une étude du cabinet PwC, son vrai chiffre d’affaires serait supérieur à deux milliards.
Le ministre a précisé que la « taxe GAFA » ne se limitera pas au seul chiffre d’affaires de ces entreprises, comme prévu dans la directive actuellement discutée au niveau européen. Le chiffre d’affaires de ces entreprises serait imposé à hauteur de 3 % sur leurs revenus publicitaires, la mise en relation entreprise-client et la revente de données personnelles notamment, mais pas sur le commerce électronique.
Si la France a décidé de faire cavalier seul, c’est que les ministres des Finances de la zone euro peinent à se mettre d’accord sur la question de l’harmonisation fiscale. Certains états comme l’Irlande ou le Luxembourg, soucieux de préserver leur modèle de taxation, se sont opposés à la mesure. D’autres, comme les pays scandinaves ou l’Allemagne, craignent des représailles américaines sous forme de droits de douanes, qui les pénaliseraient.
Malgré ces divisions, le commissaire européen Pierre Moscovici a assuré mardi que la proposition de taxe européenne était « toujours sur la table ». D’après lui, « on doit faire le maximum d’ici le mois de mars pour y arriver ». Un engagement qui fait écho aux appels de M Le Maire : « Notre détermination à obtenir avant le mois de mars 2019 une décision européenne à l’unanimité sur une directive est totale » précisa-t-il lors de son annonce.
Dans le même temps, le parlement européen a rappelé son intention de rehausser l’ambition de la taxe numérique. Un premier texte provisoire a donc été adopté par 451 voix pour, 69 contre et 64 abstentions. Il prévoit que les entreprises dont le chiffre d’affaires annuel total est supérieur ou égal à 750 millions d’euros paieront l’impôt dans le pays d’où proviennent les recettes, plutôt que dans leur pays de résidence fiscale.
« Que ce soit le Parlement ou le peuple européen, nous voulons voir les géants numériques payer leurs impôts », a martelé l’eurodéputé socialiste Paul Tang, à l’annonce des résultats. Rappelons toutefois que ce vote n’a qu’une valeur consultative, et que les décisions fiscales reviennent au Conseil (assemblée des Ministres de finances des états membres) qui doit les accepter à l’unanimité.
« Les querelles et les vétos mutuels au Conseil ont rendu l’UE incapable de s’attaquer à ce problème », a déclaré Dariusz Rosati (PPE), rapporteur du second dossier sur la taxe sur le numérique. Une paralysie qui a poussé la France, mais aussi l’Espagne et le Royaume Uni, à faire voter des lois nationales. L’Italie s’est également engagée à faire de même en début d’année, faute d’accord.