La Commission européenne pourrait décréter l’interdiction temporaire de la reconnaissance faciale automatique, après la fuite d’un brouillon de livre blanc contradictoire.
Tout a commencé en Allemagne, lorsque ministre de l’Intérieur, Horst Seehofer, a annoncé son intention d’équiper 134 gares et 14 aéroports du pays de caméras dotées d’une technologie de reconnaissance faciale automatique. L’annonce à provoqué un véritable tollé auprès des groupes d’activistes, le parti de gauche Die Linke, mais parmi les sociaux-démocrates (SPD), formation qui fait partie de la coalition au pouvoir, malgré un ministre qui martèle que ces systèmes « rendraient le travail de la police encore plus efficace, améliorant ainsi la sécurité des citoyens ».
La technologie actuelle n’est pas suffisamment développée et peut conduire à des identifications erronées, appelées « faux positifs » met en garde Viktor Schlüter, militant et fondateur de l’« initiative en faveur de la liberté numérique » (Digital Freedom Initiative). « Les systèmes ont prouvé leur efficacité de manière impressionnante, leur introduction à large échelle est donc possible » avait rétorqué le Ministre, ouvrant la voie à un large débat public – notamment sur le taux de réussite effectif de ces équipements.
Il n’en fallait pas plus pour que le débat ne remonte à Bruxelles, mères des règlementations. Dans le sillage de débat public allemand, un brouillon de livre blanc sur l’IA piloté par la Commission européenne s’est en effet retrouvé entre les mains de journalistes. Il présente le projet, jusque là confidentiel, de l’exécutif européen de bannir temporairement la reconnaissance faciale automatique aussi bien dans le secteur public que dans le privé. Une mesure qui arrêterait net plusieurs projets lancés par des pays membres – comme l’Allemagne ou le au Royaume-Uni où la technologie s’est déjà imposée dans certains espaces.
Dans ce document, la Commission prend semble prendre le parti des opposants au projet, estimant que « l’utilisation des techniques de reconnaissance faciale par des acteurs publics ou privés dans des espaces publics serait interdite pour période définie (3 à 5 ans par exemple), durant lesquels une méthodologie rigoureuse destinée à évaluer l’impact de cette technologie et d’éventuelles mesures de gestion des risques pourraient être identifiées et développées ». Il ne s’agit toutefois que d’un premier jet, et la version définitive du livre blanc devrait être publiée en février.
La fuite de ce livre blanc semble en tout point intentionnelle, comme un appel de pied à Berlin. Le document stipule toutefois qu’ « une telle interdiction serait une mesure radicale qui pourrait handicaper le développement de cette technologie » et qu’ « il serait préférable de se concentrer sur les mesures mises en place par le RGPD pour le moment », semant le doute sur les intentions de Bruxelles. Aussi, il est fort à parier que le débat qui divise aujourd’hui l’Allemagne s’étende à Bruxelles au cours des prochaines semaines.