Paris a accepté de geler sa taxe GAFA dans l’attente d’un accord international. La Commission européenne a haussé le ton, promettant une mesure régionale faute de résultats probants à l’OCDE.
La France et les Etats-Unis ont convenu de mettre un terme à la fuite en avant vers une guerre commerciale numérique qui couvait depuis que Paris avait adopté cet été une taxe sur les services numériques visant notamment les géants technologiques américains (Google, Amazon, Facebook, Apple, entre autres). Les deux pays ont conjointement annoncé qu’aucune taxe n’entrerait en vigueur avant fin 2020, ce qui signifie que la France retardera la perception de son nouvel impôt, et que Donald Trump renonce à imposer des droits de douane punitifs aux importations françaises comme initialement annoncé.
Si Paris semble faire marche arrière, elle n’a cédé qu’en échange d’un engagement à ce que les discussions pour imposer les géants du numérique se poursuivent au sein de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). Une bonne nouvelle pour les autres membres de l’organisation qui avaient mis en garde contre le risque qu’une guerre commerciale numérique entre les deux nations ne ralentisse sévèrement les négociations. Maigre consolation, les paiements perçus par le Fisc français depuis novembre dernier et ne seront toutefois pas remboursés. Il faut toutefois rappeler que leur montant était avant tout symbolique.
Le secrétaire d’Etat au trésor américain, Steven Mnuchin, menace désormais le Royaume-Uni et l’Italie qui ont, à l’instar de Paris, un projet de taxe Gafa dans les tuyaux. Si individuellement, les états européens semblent condamnés à faire marche arrière face aux menaces de Washington, l’exécutif européen, jusqu’alors très réservé sur la question, a décidé de renter dans le débat. Le commissaire européen au Marché intérieur, Thierry Breton, a ainsi assuré que l’UE « prendrait ses responsabilités » et instaurerait une taxe spécifique visant les géants du numérique si les membres de l’OCDE ne parviennent pas à un consensus sur le sujet.
« Ça veut dire tout simplement que nous déciderons à ce moment-là, au niveau européen, d’une taxe sur l’ensemble du territoire européen à vingt-Sept », a précisé l’ex-ministre français de l’Économie français. Thierry Breton a par ailleurs assuré que l’UE prendrait des mesures de rétorsion si les États-Unis devaient alourdir les droits de douane sur les importations de tout état membre. En avançant de la sorte, Bruxelles se place au même rang que les états européens contraints de reculer devant les pressions américaines, montrant en quelque sorte une Europe qui fait front uni – d’abord pour une solution internationale mise en place à l’OCDE, puis pour une réponse unie le cas échéant.
Comme pour signaler qu’une telle taxe serait inévitable, Tim Cook, le PDG d’Apple, a pris parti pour une taxe sur les multinationales décidée qu’à l’échelle internationale ce lundi. Tous les grands groupes qui ont recours à des techniques d’optimisation fiscale pour éviter de déclarer l’essentiel de leur chiffre d’affaires dans des pays où la fiscalité est contraignante, pourraient ainsi faire l’objet d’une mesure collective. Les divergences d’intérêt sur la question devraient toutefois pourraient toutefois faire dérailler les négociations – ou mener à une solution très en deçà des attentes européennes – poussant ainsi l’UE à légiférer seule.