Dire que, le plus souvent, les relations sont tendues entre le monde des ONG et celui de l’agro-industrie est un doux euphémisme. Et pourtant en s’y penchant d’un peu plus près, on constate que les revendications des premiers, souvent faites de vœux pieux, prennent de plus en plus corps dans les solutions technologiques utilisées par les seconds. Voici quelques exemples qui illustrent un véritable phénomène de société.
Toast Ale : une bière rev-Ale-utionnaire s’engage contre le gaspi
Commençons par Toast Ale, l’un des lauréat de la 15ème édition de FoodBytes SF 2019 un concours d’entrepreneurs qui réunissait des start-up autour de trois grandes catégories : « technologie agroalimentaire, produits de consommation durables et le choix du public ». Choisie grâce à des votes Facebook, cette start-up qui utilise les stocks invendus de pains pour les redistribuer aux brasseurs, a attiré l’attention des non-spécialistes par son engagement et sa technologie. Sur le site de l’entreprise, on trouve quelques rappels qui situent bien le problème : un tiers des aliments que nous produisions sont gaspillés : « Le pain figure en tête de la liste des produits alimentaires les plus gaspillés. Au Royaume-Uni, jusqu’à 44% ne sont jamais consommés. Chez nous, nous gaspillons près de 900 000 tonnes chaque année, soit environ 24 millions de tranches par jour. » Pour lutter contre le gaspi, on peut redistribuer aux nécessiteux ou composter. Et désormais il y a cette solution proposée par Toast Ale : identifier les sources de « surplus » dans les boulangeries et livrer les tranches de pains aux brasseurs. Notons que si le projet entrepreneurial se veut mondial, les brasseries, elles, ainsi que les dépôts de pain sont locaux. Enfin l’entreprise reverse ses bénéfices aux ONG qui s’engagent contre le gaspillage.
Golden Rice : enrichi en vitamine A, contre la cécité au Bangladesh
Loin d’être la dernière start-up à la mode, le riz doré est plutôt un cas d’école en matière d’innovation technologique qui ambitionne d’accomplir le rêve de certaines ONG. Ce riz issu des biotechnologies et qui est enrichi en beta-carotène, un précurseur de la vitamine A, a fait couler beaucoup d’encre ces vingt dernières années. En 2016, plus de 109 Prix Nobel ont signé une pétition pour demander à Greenpeace de cesser leur campagne de dénigrement contre le riz doré et aux gouvernements du monde entier d’ignorer cette campagne de Greenpeace. Cette histoire n’est pas nouvelle, mais on a appris récemment que la culture de la « semence miracle » a été autorisée au Bangladesh, un pays particulièrement concerné par cette innovation où la déficience en vitamine A se fait cruellement sentir dans la population et le riz fait partie des cultures de base de l’alimentation. L’Organisation mondiale du commerce, estime que « qu’entre 250 000 et 500 000 enfants carencés en vitamine A deviennent aveugles chaque année, la moitié d’entre eux décédant moins de 12 mois après avoir perdu la vue ». Un consortium international a donc réfléchi sur la possibilité d’améliorer la semence en renforçant la présence des micro-nutriments nécessaires et de le rendre accessible aux agriculteurs qui le cultivent localement. On s’interrogera cependant sur la réaction virulente de certaines ONG à l’égard de cette innovation : y verraient-elles un concurrent ?
Cropin : le big-data pour nourrir la planète, en respectant l’environnement
L’agriculture de précision a le vent en poupe. Mais ses challenges ne sont pas des moindres. Comme le rappelle Krishna Kumar, l’indien qui a fondé la société Cropin : « La population mondiale devrait franchir la barre des 10 milliards d’ici le milieu du siècle et son impact conjugué avec l’urbanisation et l’essor de la classe moyenne ne peut que créer une demande accrue d’aliments sains, produits de manière équitable et durable… cela nécessitera de doubler la production actuelle. Pour atteindre cet objectif, les solutions de l’agriculture intelligentes pourraient s’avérer utiles en optimisant les pratiques agricoles, en minimisant les déchets, en développant la résilience au climat et en fournissant des conseils agricoles en temps voulu. » Aussi Krishna Kumar a eu l’idée de Cropin lors de la crise agraire qui menaçait dans les zones rurales du Karnataka en 2010. Les agriculteurs locaux étaient confrontés à « toute une gamme de problèmes allant de la non-disponibilité des ressources financières aux aléas climatiques, dégradation des sols, infestation par des ravageurs et maladies, inefficacité opérationnelle et absence de prévisibilité des rendements ». La solution qu’il propose alors est de fournir des services SaaS aux agriculteurs. Grâce à ces outils d’aide à la décision, les fermiers peuvent faire de meilleures prévisions. Grâce à ces solutions intelligentes, les agriculteurs peuvent archiver des modèles et prévoir des tendances…. Bref optimiser la rentabilité et la durabilité de leur cultures tout en sauvant gagnant convenablement leur vie (rappelons qu’en Inde, les suicides d’agriculteurs sont particulièrement nombreux)… des objectifs louables et digne d’une ONG qui s’engagerait sur place pour lutter contre la misère, par exemple.
Telaqua : optimiser l’utilisation des ressources d’eau pour faire face à la sécheresse
Dans notre petit inventaire, on ne pouvait pas passer à côté des l’optimisation des ressources précieuses. Telaqua, est une société française qui propose une technologie intelligente, qui permet aux agriculteurs de « piloter leur irrigation à distance, de surveiller leur installation et d’augmenter leurs rendements » A l’aide d’un smartphone l’agriculteur peut piloter l’irrigation de ses parcelles, gérer son calendrier et adapter son irrigation en fonction de l’humidité du sol. Comme le rappelle les initiateurs de ce projet, l’agriculture représente 70% de la dépense mondiale d’eau : « En agriculture, l’eau est une ressource vitale et indispensable à laquelle vient s’ajouter une probable augmentation des restrictions des volumes d’eau alloués à ce domaine d’activité. L’irrigation est vitale pour répondre aux besoins des différentes cultures (Blé, tomate, Soja, melon, etc…). Prise entre la rareté de la ressource et la montée en puissance de l’agriculture intensive. » la question cruciale étant « Comment développer l’agriculture ainsi que l’irrigation tout en économisant une ressource qui se raréfie ? »
On pourrait sans aucun doute encore trouver des milliers d’exemples pour illustrer cette idée simple. Mais il ne fait aucun doute que plus l’industrie agro-alimentaire, les NBT et l’agriculture de précision se développent, plus elles adressent des problématiques qui jadis étaient des prérogatives des ONG…. lutter contre le gaspillage, soigner les nécessiteux, outiller les plus pauvres, épargner les ressources rares… Et une quantité d’autres beaux combats en perspective.
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Si les ONG sont contre la culture du riz doré, c’est parce qu’elles craignent que le riz doré tienne ses promesses, à savoir permettre de sauvegarder la santé des enfants en déficit de vitamine A et de ce fait aveugles. Et si le riz doré tient ses promesses, compte tenu de toutes les années perdues pour sa culture du fait de la manipulation de l’opinion par les ONG et Greenpeace en particulier, les ONG changeront de statut: au lieu d’être des procureurs ou des marchands de peur, elles seront accusées, preuves à l’appui, d’avoir effectué des actions criminelles. On peut alors entrevoir un procès public contre ces ONG pour crime contre l’humanité. De plus si le riz doré s’avère un succès, les ONG ne pourront plus dire que « tous » les OGM sont à condamner. L’enjeu est donc tellement stratégique pour ces ONG qu’on peut imaginer à nouveau des actions spectaculaires de leur part dans un avenir proche pour retarder encore la mise en culture ou des actions de nouvelles destructions des cultures de riz doré bien qu’autorisées. Pourtant il serait plus malin de leur part d’attendre les résultats de cette innovation puisque ces ONG semblent si sûres de leur diagnostic en annonçant par avance l’échec ou l’innulité de ce riz doré