Si la prolifération des fake news vous pousse à croire qu’Internet profite davantage à la diffusion de la théorie du complot qu’à celle de la connaissance scientifique, la série Five Levels de Wired pourrait bien vous faire changer d’avis.
Vous n’êtes qu’à cinq degrés de compréhension des lois de l’Univers
Five levels, est une série originale lancée par la revue Wired… Il suffit de regarder un seul épisode de ce programme, pour réaliser à quel point le web est un outil fantastique pour la propagation du savoir et la vulgarisation scientifique. En effet, le concept est simple et répond à une seule question : « Tout peut-il être expliqué à tout le monde dans des termes compréhensibles en fonction du niveau de chacun ? »
Pour y répondre un expert a pour mission de partager son savoir dans son domaine d’expertise avec cinq interlocuteurs différents et de manière progressive. Il commence par la naïveté du junior pour aller jusqu’à la maîtrise absolue d’un pair en passant par le collégien, le lycéen et l’étudiant. Un menu alléchant qui appâte notre curiosité : Neuroscience et connectome, Biotechnologie et CRISPR, Réalité virtuelle, Blockchain, Harmonie, Ordinateur quantique, Physique et l’Espace-Temps et enfin Astronomie constituent les huit premiers chapitres de cette première saison.
Tels des Socrates des temps modernes, les huit experts pratiquent une maïeutique pour faire accoucher leurs interlocuteurs des notions qu’ils ont assimilées. Chacun pourra vérifier son niveau de compréhension pour ces sujets complexes et aussi progresser d’un ou deux niveaux dans la compréhension intuitive des sujets.
Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur le connectome
Pour comprendre voici une petite recension de l’épisode sur les neurosciences.
- Au commencement, on est émerveillé de voir le neuro-scientifique Bobby Kasthuri parler du connectome à un enfant de cinq ans qui a su définir le cerveau comme « ce qui sert à se rappeler les choses ». L’expert utilise une image qui laisse à l’enfant la bouche bée : « il y a plus de cellules dans ton cerveau que d’étoiles dans le ciel, et le connectome veut voir où se trouve chacune de ces cellules et comprendre comment elle échange avec les autres. ».
- Exposée à un collégien de 13 ans, cette description se complexifie d’un degré et devient chiffrée : Bobby parle de « 100 milliards de connections » et il peut poser une question intéressante : « Si l’on mettait toute cette information dans un ordinateur, est-ce que celui-ci deviendrait toi ? » Question à laquelle le jeune répond par la négative, car il pense que les ordinateurs n’ont pas de sentiments.
- Ensuite vient une lycéenne à laquelle notre expert peut expliquer qu’on scanne le cerveau à l’aide d’un microscope à électron afin de le découper en région pour obtenir cette carte virtuelle : une nouvelle étape a été franchie dans la complexité.
- L’étudiante en première année de neuroscience, elle, est en mesure de donner une définition du concept et de dire qu’il s’agit d’une représentation d’un réseau neuronal qui ne nous donne pas la manière dont pense une personne. Une conversation passionnante s’ensuit alors entre Bobby et l’étudiante pour savoir si cette représentation nous donne la manière exacte dont pense la personne ou pas, puis un petit débat sur le fait de savoir si on peut faire la cartographie de différents types d’individus (mâle, femelle, caucasien, indien …) avec les problèmes que cela peut représenter en terme d’interprétation.
- En dernier arrive l’entrepreneur spécialisé sur le connectome qui permet un échange de pair à pair. Les deux experts s’interrogent alors sur les éléments qui devraient composer la carte pour que celle-ci soit complète et également sur les limites de la représentation : celle-ci permettra-t-elle un jour d’extraire les mémoires d’un individu, par exemple et le cas échéant, laissera-t-on faire ? Deux nouveaux éléments se sont glissés dans le débat : l’incertitude et la contradiction. Au travers de cet épisode, on comprend toute la logique de la série qui est un chef-d’oeuvre de pédagogie et on a envie de dévorer les autres pour emmagasiner un maximum de savoir.
Tenez votre rang sur les forums
S’il y a une leçon à tirer de 5 levels, c’est forcément l’humilité nécessaire face au savoir et la patience dans l’apprentissage. Ces deux valeurs sont d’autant plus utiles aux internautes quand on voit parfois les échanges violents qui ont lieu sur les réseaux sociaux et qui le plus souvent se terminent en pugilat. Certes Internet a démocratisé le débat, rendant possible l’échange de personnes qui n’auraient jamais pu le faire auparavant et cela va dans le bon sens. Ce faisant, une rupture à eu lieu : très souvent derrière nos claviers et nos écrans nous oublions de tenir nos rangs et nous nous permettons des réflexions ou des attitudes que nous ne nous serions jamais permis dans la vie réelle. Ainsi, chacun se intervient sur des sujets pour lesquels il n’y connaît rien sans aucune précaution. Le meilleur exemple est celui de l’étudiant qui interpelle le professeur en étant sûr de lui et en proférant des attaques ad hominem.
Pour un scientifique vous n’êtes pas si brillant, complitiste de pacotille a la solde des puissants, petit personnage, petite personne, avec une trop large audience … Retourne donc conduire ton 4×4 tiens ?
— DoctAurebod (@Aure49) November 5, 2019
De ce fait, au lieu d’être un espace propice à la pédagogie, les forums sont d’immenses pugilats. Chacun y ramène « sa science » au lieu d’y ramener la science et plus personne n’arrive à s’entendre sur les sujets. Oui reconnaissons que l’échange est propice au savoir, mais qu’il y a des degrés et qu’un bon échange est celui au cours duquel tout le monde tient son rang en fonction de ses connaissances, comme l’illustrent bien les schémas ci-dessous. Il nous reste tant de choses à apprendre sur le net que nous aurions tort de griller les étapes.
C’est très vrai …
Le « débat démocratique » est aujourd’hui bien paralysé par des causes connues et analysées depuis des millénaires … pic.twitter.com/GsSv5amwaW— Pierre TARISSI ن (@P_TARISSI) November 5, 2019