Cette année nous fêtons le 150ème anniversaire de la naissance de Marie Curie. Quel beau symbole pour la science Européenne. Une scientifique européenne d’avant-garde, née en Pologne et enterrée au Panthéon auxquels de nombreux hommages ont été rendus par des scientifiques Français et Polonais …. Ce, alors même que, sur le plan diplomatique, les deux pays sont actuellement en froid. Preuve que la science, par son universalité est capable de réunir les grands esprits, par-delà les frontières. Pourtant, quand ce sont les politiques qui s’emparent de la science c’est souvent la division de cette unité qui en résulte. Le débat européen sur le Glyphosate vient de nous en fournir un bel exemple. La sortie des USA des accords de la COP 21 nous fournit encore un autre exemple.
Depuis Popper et Kuhn on sait que la Science ne suit pas un chemin uniforme d’une « raison qui se déroulerait de manière linéaire et sans à-coups » et encore moins d’une vérité officielle que l’état certifierait. Le premier nous a appris qu’une hypothèse scientifique était falsifiable ; le second a soutenu qu’il y avait des révolutions qui renversaient les paradigmes scientifiques auxquels des générations ont crus.
Hier ces débats se déroulaient dans la pénombre des laboratoires, aujourd’hui, ils se déroulent sous nos yeux en direct sur Twitter. Les scientifiques ne doivent plus simplement débattre au sein de leur communauté. Ils doivent également trier le bon grain de l’ivraie et démasquer, dans le débat public, les pseudo-sciences.
Nous assistons à une querelle permanente qui se déroule au grand jour. La science a quitté sa tour d’ivoire et chaque chef de laboratoire doit venir rendre des comptes à la société qui l’interroge. Sur la nocivité potentielle des ondes, sur celle du vivant issu des biotechnologies, sur celle des vaccins, sur celle de l’intelligence artificielle…. Mais également sur la fiabilité des études qu’on nous présente, la rigueur du process législatif ou sur les intérêts en présence. Dans tous ces domaines la science doit faire face à la rumeur, démasquer les Fake News et montrer patte blanche… car la blouse blanche du laborantin est devenue suspecte. Et puisqu’il n’y a pas de raison que celui-ci échappe au processus « participatif », depuis que l’Assemblée a organisé des conférences citoyennes, il réalise peu à peu qu’une thèse de 2800 pages n’a pas plus de poids qu’un tweet de 280 signes pour faire pencher la balance de l’opinion d’un côté ou de l’autre. La « Raison » scientifique est combattue de toute part. Les réseaux sociaux sont devenus la chambre d’écho de l’irrationalité qui – paradoxe au combien cynique – utilise ses puissants algorithmes pour promouvoir des opinions qui sont là pour la détruire. Mais on aurait tort de tout vouloir mettre sur le dos de la Facebook science, comme certains ont parfois tendance à le faire. Ils n’ont fait que faciliter la voix au chapitre des lanceurs d’alerte, mais les idéologies anti-science étaient bien là en germe dans l’opinion avant qu’on apprenne à les utiliser.
Dans la Querelle des OGM (PUF 2006), une des principales thèses de l’ouvrage repose sur la distinction entre controverses et polémiques. Les controverses renvoyant aux désaccords au sein de la classe scientifique qui portent sur l’interprétation des faits. Les polémiques, elles, regroupant les attaques ad hominem que s’envoient deux camps d’opposants qui ne partagent pas la même idéologie. Certains scientifiques qui sont allés défendre leur thèse devant les médias avant de la présenter à leurs pairs ont ouvert la boîte de Pandore et rendu possible cette situation d’une science ouverte aux quatre vents.
A cela s’est ajoutée l’intrusion du principe de précaution dans le débat scientifique. Introduit dans la Constitution française, il fait que désormais les scientifiques sont obligés de répondre à des questions qui n’ont pas de réponses scientifiques (par exemple l’absence de risque). Et comme la nature a horreur du vide, l’idéologie s’est introduite là où la science n’avait pas de réponse.
Challengée dans ses soubassements, la communauté scientifique est en pleine ré-organisation et essaye à son tour de trouver de nouvelles solutions pour faire face aux défis contemporains et mieux répondre aux questions qui lui sont posées. Si la vulgarisation scientifique n’est pas nouvelle et ne manque pas de ressources, l’engagement des communautés scientifiques dans le débat relatif à la politique scientifique reste encore timide. Or plus que jamais celui-ci est nécessaire, car, il est essentiel que les scientifiques s’engagent, eux aussi.
Depuis plus de dix ans maintenant je fais la promotion des opinions de la communauté scientifique dans les médias. Aussi pourquoi ne pas créer un espace entièrement dédié à ce débat ? Tel est l’objectif de The European Scientist. Informer le grand public avec des brèves de vulgarisation scientifique et donner la parole aux scientifiques européens qui veulent s’exprimer sur la politique scientifique et s’engager, en anglais, en allemand et en français dans un premier temps et d’autres langues de la communauté européenne par la suite. The European Scientist ouvre le débat : vous y trouverez parfois des avis contradictoires pour disposer de tous les éléments. N’hésitez-pas à prendre la parole en nous faisant suivre vos contributions.
This post is also available in: EN (EN)DE (DE)