Récemment une polémique a vu le jour en France sur l’enseignement des sciences. Selon Luc Ferry, ancien Ministre de l’Education, celui-ci est réduit à un pur objectif de sélection des élèves ; ensuite les méthodes souffriraient d’un manque de pédagogie « les vrais matheux sont des gens qui ne comprennent pas qu’on ne comprenne pas. Ça les énerve (…) Quand ils voient une équation, c’est comme un musicien qui lit une partition, ça lui chante dans la tête » ; enfin, d’après lui, les maths enseignés à l’école ne servent à rien dans la « vraie vie » ce qui lui fait dire : « comme 90 % des Français, je n’ai jamais utilisé, même pas trente secondes, ce que j’ai appris en maths tout au long de ma scolarité ».
La réponse de Ferry vient contredire le plan du député et mathématicien Cédric Villani qui a été chargé par le gouvernement de mener à bien une mission de réflexion pour redonner le goût de l’enseignement des maths et de la physique aux jeunes français. On soulignera qu’un pays comme la France est particulièrement mal noté en la matière. Car comme le révélait une étude publiée en 2016, par l’Association internationale pour l’évaluation de la réussite éducative (IAE), une association scientifique indépendante basée aux Etats-Unis « Les élèves (français) de CM1 affichent un score de 488 points en mathématiques et 487 en sciences, en deçà de la moyenne internationale (500) et de la moyenne européenne (527 en maths, 525 en sciences). » Ce qui fait de la France le dernier pays de l’UE sur ce même classement. Cette même étude révèle qu’au sein de l’UE, l’Irlande du Nord, l’Irlande et l’Angleterre se trouvent sur le podium. Au niveau mondial on trouve que ce sont les pays d’Asie qui dominent avec Singapour, Hong Kong, Corée du Sud, Taïwan, Japon, l’Irlande du Nord arrivant à la sixième place mondiale.
C’est donc à cette mauvaise situation qu’il faut s’attaquer. Comment faire pour rendre plus pertinent l’enseignement des sciences ? Cette question n’est pas nouvelle. Pour citer un exemple fameux, on se rappellera que Marie Curie, estimant que ses filles Irène et Eve, étaient soumises à un surmenage excessif dû à l’enseignement des écoles de la République, avait imaginé avec un groupe d’enseignants. Cette coopérative était composée de Jean et Henriette Perrin, Paul et Jeanne Langevin, Edouard et Alice Chavannes, Henri et Irène Mouton ; l’enseignement y était dispensé à tour de rôle par les parents. Outre le fait qu’il s’agissait d’enseignants hors normes, la véritable originalité de ce petit groupe résidait dans ses méthodes pédagogiques axées sur les exercices pratiques.
Ainsi comme le raconte l’historien Jean-Pierre Poirier, « Marie Curie, enfin à l’Ecole de Physique et Chimie, inculque aux enfants les bases de la physique élémentaire ; elle illustre de façon amusante les phénomènes abstraits que décrivent les manuels : démontant les roulements à billes d’une bicyclette, elle trempe les billes dans l’encre, et leur fait inscrire une parabole sur un plan incliné pour illustrer la loi de la chute des corps ; un autre jour, c’est un pendule qui inscrit ses oscillations régulières sur du papier noirci au noir de fumée ; ou bien les élèves construisent un thermomètre à mercure et constatent que ses résultats sont concordants avec ceux d’un thermomètre de laboratoire. »
Marie Sklodowska Curie imaginera une de nombreuses expériences drôle et originales pour rendre concrets et illustrer les grands principes de la physique et de la chimie. Voici donc un modèle tout à fait inspirant. Plus récemment on citera l’initiative menée par la Fondation La Main à la pâte. Cette association, fondée par le prix Nobel de Physique Georges Charpak, s’appuie sur la démarche d’investigation. Cette dernière fondée aux USA vise à enseigner les sciences en s’appuyant sur l’expérimentation, l’observation, le questionnement, ce dans l’objectif de développer les capacités d’écoute et de raisonnement des enfants.
Comme l’affirme dans une interview Daniel Rouan, le président de l’Association et membre de l’Académie des Sciences, « Cela peut être fait à partir de choses très simples, comme un objet qui coule et un qui ne coule pas. Plutôt qu’un cours magistral, les élèves discutent entre eux, essayent d’imaginer la réponse. Les matériels mis à leur disposition les guident un peu et l’enseignant est là pour les aider. Il faut aussi travailler l’écrit en remplissant un cahier d’expériences et développer le langage scientifique. Cela donne des cours passionnants et installe un excellent climat dans la classe. »
A noter que cette méthode est proche de celle de Singapour, qui, comme nous l’avons signalé est sur la première marche du podium pour l’enseignement des sciences. Au sein de l’UE, le projet Fibonacci a pour principal objectif « de concevoir, mettre en œuvre et tester une stratégie de dissémination d’un enseignement des sciences et des mathématiques basé sur l’investigation, en s’appuyant sur des centres de référence. » Au niveau mondial, d’autres initiatives existent également telles que MathRidersR du groupe Educatif Helen Doron qui vise à apprendre les mathématiques dès le plus jeunes âges aux travers de leçons créatives et imaginatives.
Ainsi de jeunes enfants sont capables de résoudre des équations en s’amusant. Tout semble indiquer que l’enseignement des sciences gagne en efficacité au contact de la réalité. Aussi, ce n’est pas parce que l’enseignement de principes abstraits n’a pas grande utilité dans la vie de tout les jours que l’apprentissage de ces mêmes principes ne doit pas s’appuyer sur l’expérience et l’étude de cas pratique et concret. Ce sont là deux problématiques différentes. Y avait-il vraiment besoin d’une polémique pour résoudre ce problème ?
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