Alors que le Parlement européen vient juste de décider que les véhicules légers neufs devaient réduire leurs émissions de CO2 de 40 % d’ici 2030, que les prix des carburants à la pompe ne cessent de grimper (dans certains pays comme la France on parle de 100 euros pour un plein) ; alors que certains experts – pourtant loin d’être alarmistes – annoncent la nécessité de la transition énergétique, pour passer d’une société qui utilise grandement les énergies fossiles à une société qui s’en passe… La voiture électrique devrait être au firmament, comme le laissait imaginer la dithyrambique mise en scène d’Elon Musk, qui avait envoyé son Roadster sur orbite. Mais cette piste aux étoiles n’est-t-elle pas pour l’instant qu’un plan sur la comète ?
Les montagnes russes de Tesla
À la suite de ce que l’on peut considérer comme l’une des plus belles opérations de communication de tous les temps, il y a eu autant de commentaires pour s’émerveiller, que pour ironiser sur le fait que le génial ingénieur essayait de masquer l’absence de rentabilité de sa société. Cette dernière a connu d’ailleurs une année pleine de rebondissements sur le plan technologique : accident d’un véhicule en mode pilotage automatique, rappel de 123 000 véhicules de la gamme modèle S….et Musk s’est fait remarquer par des déclarations inappropriées sur l’état des finances de la marque.
D’ailleurs à la suite d’un tweet annonçant une sortie anticipée du marché de son entreprise, la SEC (l’autorité des marchés US) vient de le suspendre pour trois ans de sa fonction de président et il doit régler une amende de 20 millions de $ pour mettre fin à une enquête au civile. Pourtant après cette série de soubresauts, la marque américaine annonce enfin une bonne nouvelle : la production du modèle 3 – la berline qui doit permettre au groupe d’accéder enfin à la rentabilité – a atteint son objectif de production du troisième trimestre.
Un rêve d’automobiliste
À l’image de cette marque déjà mythique, l’histoire du véhicule électrique est faite de contrastes, un peu comme une utopie qui stimulerait les rêves de l’automobiliste tout en le ramenant à chaque fois à la réalité. Une enquête récente réalisée par Cetelem dans 16 pays annonce que 85 % des automobilistes croient en l’avenir du véhicule électrique ((92 % en Chine, 73 % en France et seulement 68 % en Allemagne).
Cette croyance prend cependant une douche froide quand on sait que sur les 97 millions de voitures neuves vendues dans le monde en 2018 (des ventes qui progressent de 3 % chaque année dans le monde) il n’y aurait à peine plus d’un million de véhicules électriques. Au point qu’on se demande si cela ne démontre pas une certaine schizophrénie de la part des conducteurs qui, d’après l’enquête citée précédemment, lui accordent toutes les qualités imaginables : « véhicule propre » (pour 89 % des répondants), « agréable à conduire » (86 %), « une image positive, moderne et responsable » (85 %).
On comprend pourtant facilement d’où viennent les freins : 86 % des sondés pensent qu’elle est plus chère que son équivalent thermique. À cela s’ajoute le problème de l’autonomie : 30 % imaginent « pouvoir acheter une voiture électrique ayant moins de 300 kilomètres d’autonomie ». Enfin, le concept souffre d’un énorme déficit de connaissance puisque « 70 % des automobilistes dans le monde disent qu’ils n’ont pas suffisamment d’informations concernant cette voiture. »
Un objectif écologique inachevé
Un esprit mal tourné déduirait que ce déficit de connaissance explique l’espoir hors du commun mis par les automobilistes dans le véhicule électrique : en effet, 70 % affirment ne pas avoir suffisamment d’information. On est alors en droit de s’interroger : qui sait, par exemple, qu’en 2016, l’ADEME (l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie) a sorti un rapport dans lequel elle affirme : « Le véhicule électrique consomme moins d’énergie qu’un véhicule thermique en fonctionnement car sa chaîne de traction présente un excellent rendement énergétique. Malgré cela, sur l’ensemble de son cycle de vie, la consommation énergétique d’un VE est globalement proche de celle d’un véhicule diesel. »
D’après les auteurs, cette solution permet bien « une réduction des émissions des gaz à effet de serre », une « réduction des polluants responsables de la dégradation de la qualité de l’air » mais par contre, « le VE a des impacts négatifs sur l’environnement, majoritairement durant sa phase de fabrication, notamment sur l’acidification des milieux et le potentiel d’eutrophisation de l’eau ».
Dans l’echo.be, l’expert en énergie, Samuele Furfari s’interroge, sur cette solution miracle que « l’on doit imposer par la contrainte législative comme on l’a fait pour les énergies intermittentes ». Il rappelle les trois grands défis pour que le rêve devienne réalité : le prix (voir plus haut l’enquête Cetelem citée) ; les bornes de rechargements (le professeur de l’ULB s’interroge sur la directive européenne obligeant les états à installer ces infrastructures « qui va payer ces travaux ? ») ; enfin dernier obstacle : la génération d’électricité. Le professeur s’amuse à un petit calcul pour la Belgique, au cas où en 2030, 10 % du parc auto serait électrifié : du côté de la demande de consommation, celle-ci n’augmenterait que de 2,8 % ce qui ne poserait pas un grand problème.
Mais si on considère maintenant la puissance installée, alors : « si on a besoin d’une charge rapide avec 50 kW on arrive au chiffre incroyable de 29 GW alors que la puissance installée est 21,15 GW lorsque tout veut bien fonctionner… ». On notera également l’avertissement récent lancé par Carlos Tavares (patron de PSA) au Salon de l’Automobile à Paris « Le monde est fou. Le fait que les autorités nous ordonnent d’aller dans une direction technologique, celle du véhicule électrique, est un gros tournant. Je ne voudrais pas que dans 30 ans on découvre quelque chose qui n’est pas aussi beau que ça en a l’air, sur le recyclage des batteries, l’utilisation des matières rares de la planète, sur les émissions électromagnétiques de la batterie en situation de recharge? »
Les péripéties de ce « pilier » de la transition énergétique qu’est le VE illustre parfaitement le problème que nous avions soulevé dans un édito précédant : ce changement ne peut se résumer à une vague invocation, adressée aux politiques sous forme de pétition. Pour qu’elle advienne, il faudra que les scientifiques, les techniciens, les ingénieurs trouvent des solutions. Mais ce n’est pas tout : les automobilistes, comme on le voit, ont aussi leur mot à dire. Il est essentiel de les écouter et de s’adapter à leur demande, pour que le marché se développe de lui-même et que le rêve électrique devienne progressivement réalité et non pas un cauchemar pensé par des technocrates idéologues.
Carlos Tavares > sur les émissions électromagnétiques de la batterie en situation de recharge
Allons, Carlos…
https://www.pseudo-sciences.org/spip.php?article1150