
Ce samedi l’Association Française d’Information Scientifique fêtait ses cinquante ans au Palais de la Découverte à Paris. Née en 1968 à l’initiative du journaliste scientifique Michel Rouzé, l’association s’est illustrée en faisant éclater la controverse de la mémoire de l’eau, une hypothèse fantasque du médecin immunologiste Jacques Benveniste, ou encore en dénonçant le doctorat en sociologie de l’astrologue Élizabeth Teissier. L’AFIS est également connue pour sa revue Science et Pseudo-Sciences. Comme l’a rappelé son rédacteur en chef, Jean-Paul Krivine, depuis sa création, l’association a trois grandes missions : assurer l’information scientifique, dénoncer les pseudo-sciences et intervenir sur la thématique science et décision. Aussi peut-on dire que le programme de la journée était à la hauteur de cette ambition. Puisque nous sommes sur un média européen, il est important de rappeler que la thématique de la lutte contre les pseudo-sciences et la défense de la rationalité sont partagées par d’autres en Europe. Ainsi étaient présents Élizabeth O’Casey de l’International Humanist and Ethical Union, Tim Trachet de l’European Council of Skeptical Organisation, Jacques Van Rillaer du Comité Para, Paul De Belder de Skepp, et enfin, au niveau international, la prestigieuse Richard Dawkins Foundation for Reason & Science , venue avec un message de Richard Dawkins en personne « In recognition of your 50th anniversary, I would like to congratulate you on this momentous occasion. Fighting the forces of pseudoscience is not an easy task anywhere in the world. Superstition dogma, and the contrived paranormal have a strong hold on the Human psyche (…) Thank you to the Association française pour l’information scientifique for all you have done over 50 years to further the cause of scientific skepticism and for all you will continue to do for the next 50 and beyond. »
Tous étaient venus souhaiter un « joyeux anniversaire rationaliste » à l’AFIS, une belle occasion pour s’apercevoir que le combat contre les pseudo-sciences est – comme la science – universel. Aussi, cette journée fut-elle également l’occasion de se rendre compte de l’étendue des dégâts : en effet, le bref bilan que l’on peut tirer de ces cinquante années d’existence est que, malgré les efforts de l’AFIS, en France, l’idéologie anti-science n’a cessé de progresser et ce, dans tous les domaines comme ont pu en témoigner les différents intervenants des trois tables rondes. Le premier débat animée par Jean-Jacques Ingremeau, portait sur « Climat et énergie : les fausses représentations » et réunissait Olivier Appert (délégué général de l’Académie des technologies et conseiller du centre énergie de l’IFRI), Yves Bréchet (Université Grenoble et membre de l’Académie des sciences) et François-Marie Bréon (chercheur-climatologue et directeur adjoint au Laboratoire des Sciences du Climat et de l’Environnement). Ils ont tiré la conclusion que, même si l’opinion générale était globalement convaincue par la thèse du dérèglement climatique et qu’il faille agir à ce propos, les mesures à prendre, elles, pour éviter le pire, étaient loin d’avoir l’assentiment de tous. Ainsi comme le remarquait Yves Brechet les Allemands ont dépensé plus de 600 milliards d’euros dans la transition énergétique pour un résultat nul, car ils dépendent aujourd’hui énormément du charbon et l’effort fait sur les renouvelables reste insuffisant. A contrario, la lutte engagée contre le nucléaire semble irrationnelle. Les gens s’imaginent, par exemple, que les éoliennes permettent de produire une énergie décarbonée, mais peu savent qu’il faut une quantité énorme de béton pour les fixer, ce qui rejette énormément de CO2 dans l’atmosphère… Les gens ont des représentations faussées, ils veulent du 100 % renouvelables, mais à ce jour, on ne sait comment financer cette énergie, les études réalisées par l’ADEM qui proposent des projections de 100% renouvelables sur 2050 ne sont hélas pas chiffrées. Un autre secteur dans lequel abonde les fausses représentations est également celui de la santé publique, comme l’ont montré les intervenants de la deuxième table ronde au sujet de « Vrais risques et fausses controverses » à laquelle participaient Catherine Hill (Épidémiologiste), Jean-Loup Parier (pharmacologue, président de l’Académie de pharmacie), Anne Perrin (biologiste, ancienne présidente de l’Afis), Jocelyn Raude (chercheur en psychologie sociale), Marc Gentilini (professeur émérite des maladies infectieuses et tropicales à la Pitié Salpêtrière, à Paris, président honoraire de l’Académie de médecine). Ainsi comme l’a montré Catherine Hill, graphiques à l’appui, nous vivons plus vieux en meilleure santé (sujet que nous avions déjà vu sur ce site dans notre recension de l’ouvrage de Steven Pinker). Contrairement aux représentations de plus en plus répandues : l’espérance de vie à la naissance augmente, la mortalité liée aux maladies cardiovasculaires, respiratoires, infections, accidents et autres cancers ne cesse de baisser. Il en va de même pour la pollution qui n’a cessé de baisser. Et si on a observé une épidémie de cancer de la prostate et du sein ces dernières années, cette tendance a chuté drastiquement. Toutes ces données étant toujours relatives bien évidemment au simple fait que les gens vivent plus longtemps. Anne Perrin qui intervient régulièrement sur European Scientist a insisté sur le fait que le risque est un concept et qu’on le confond trop souvent avec cette autre notion connexe qui est le danger. En conclusion, Marc Gentilini a rappelé que les faux médicaments représentaient aujourd’hui un risque considérable au niveau mondial. La dernière table ronde, elle, concernait un des secteurs dans lequel sévissent sans doute le plus les pseudo-sciences puisqu’il s’agissait de parler de « Agriculture, santé et environnement : la science inaudible ». Ce débat animé par Michel Naud, un membre historique de l’Afis, a réuni Yvette Dattée (généticienne, directeure de recherche honoraire de l’INRA, membre de l’Académie d’Agriculture de France), André Fougeroux, (ingénieur agronome, retraité, ancien responsable agriculture durable d’une entreprise de semences et de produits phytosanitaires, membre de l’Académie d’agriculture de France), Christian Levêque (Écologue, ancien président de l’Académie d’agriculture de France) et Jean-Sébastien Pierre (Écologue, professeur émérite, ancien directeur du Laboratoire Ecobio de Rennes). Yvette Dattée a dressé un tableau sombre de la situation des Biotech en France et rappelé qu’à la suite des actions répétées des militants et de certains politiques l’industrie avait fait l’objet d’un dénigrement constant en France. André Fougeroux a quant à lui enfoncé le clou en présentant l’attitude totalement irrationnelle de l’opinion publique au sujet des produits phytosanitaires. Il a listé les dangers d’une société qui se passerait totalement d’intrants, sachant qu’un bon tiers de la production mondiale disparaissait chaque année, faute de traitement et qu’en conséquence on ne pouvait pas se passer d’intrants. Aussi, à force d’idéologies infondées, les consommateurs sont persuadés que tout ce qui est naturel est sans risque, alors que le bio utilise également des pesticides et que ceux-ci peuvent être mauvais (c’est le cas notamment de l’huile de neem). Idée force sur laquelle sont revenus également les deux écologues Christian Lévêque et Christian Pierre.
Pour conclure ce résumé très partiel d’une journée riche en informations, on rappellera deux interventions très remarquées, car plus centrées sur les enjeux des débats sur la nécessité de mettre des actions en place contre les opinions pseudo-scientifiques. Celle de Bernard Accoyer, d’une part : l’ancien président de l’Assemblée nationale, auteur avec Jean-Yves Le Déaut de « la Résolution sur les sciences et le progrès dans la République » a rappelé la nécessité qu’il y avait d’agir auprès des politiques et de sensibiliser les décideurs publics, d’autant plus que, comme il l’a judicieusement remarqué, ces derniers sont souvent totalement imperméables à toute argumentation scientifique et rationaliste, étant pour la plupart du temps issus d’une formation juridique. Un travail colossal qui pourrait bien dépasser le cadre d’action que se fixe l’association, qui par souci d’intégrité, se refuse de mélanger « science » et « décision politique » et qui correspondrait peut-être davantage à d’autres structures, telles que, par exemple, le collectif STA. Enfin, le célèbre sociologue Gérald Bronner, auteur de L’Empire des croyances, a mis une touche finale à la journée au travers d’un exposé enlevé sur « La révolte de la rationalité » dans lequel il a engagé les invités présents à continuer leur travail sans relâche, sans pour autant céder aux sirènes d’une « posture intégriste » et toujours faire davantage œuvre de pédagogie. Un chantier qui s’annonce énorme pour les nouvelles générations de rationalistes à venir.
Nouveau sur le site, les sujets sont passionnants. Seul bémol : la croyance en un réchauffement anthropique provoqué par les émissions de CO2 issues de l’activité humaine, jamais démontré. L’Homme plus fort que le Soleil, les mouvements de la Terre et le géomagnétisme ? Hum ! Lire le regretté Marcel Leroux, La Dynamique du temps et du climat, 2004, 2è éd. Dunod, authentique climatologue (voir sa thèse sur les lignes de grains en Afrique occidentale).