Dans un monde où l’information est délivrée sans recul et en temps réel, il est plus que jamais essentiel de conserver notre esprit critique. Se garder de toute forme d’a priori est une précaution qui, si elle ne saurait décrire à elle seule l’ensemble de la méthode scientifique, est cependant une condition essentielle. C’est l’esprit d’EuropeanScientist dont les auteurs lancent régulièrement des débats sur des sujets d’actualité : vous pensez que le bio est au-dessus de tous soupçons ? Que la lutte contre le cancer piétine ? Que la Chine ne fait que copier ? Philippe Joudrier, Guy André Pelouze et Eric van Vaerenbergh, nos experts de la semaine, vous ouvrent de nouvelles perspectives. À lire sur notre site.
Bio n’est pas toujours bon
Selon l’édition 2017 du baromètre de consommation et de perception des produits biologiques en France – réalisé par CSA et Agence Bio « 82 % des sondés ont globalement confiance dans les produits Bio »(1). Ils sont également persuadés que « les produits bio sont meilleurs pour la santé » (89 %) et qu’ils sont « plus naturels en raison de leur culture sans produits chimiques de synthèse » (88 %).
Or en passant au crible les alertes alimentaires du site oulah.fr, Philippe Joudrier, ancien directeur de recherche de l’INRA a trouvé que « 36 problèmes de différentes natures sont recensés avec des produits issus de l’AB, soit 6,5 %. Alors que les achats de produits issus de l’AB représentent 5 % en 2018. » Le chercheur conclut que ces résultats montrent « une sur-représentation de problèmes liés à la consommation de produits issus de l’Agriculture Biologique (AB) » et que plus on en vendra, « plus on observera des contaminations de plus en plus importantes ».
Cette simple observation qui se fonde sur les faits, ouvre un débat qui ne sera pas perçu forcément comme politiquement correct, car certaines de ses conclusions peuvent battre en brèche des croyances qui s’installent ; notamment, celle qui tendrait à nier tout risque a priori. Mais comme nous l’avions déjà abordé ici dans le cadre de l’affaire des œufs au Fipronil, le bio est susceptible également de connaître ses crises alimentaires et sanitaires comme n’importe quel autre aliment. La méthode scientifique doit regarder les faits en face et en tirer les conclusions qui s’imposent.
Contre le cancer, la science a encore sa chance
En France on estime qu’entre 30 à 60 % des personnes atteintes d’un cancer font appel à des médecines non conventionnelles (homéopathie, compléments alimentaires, vitamines et acupuncture, auriculothérapie, régimes stricts, régime macrobiotique, remèdes à base de plantes ou ’imposition des mains d’un magnétiseur, yoga, méditation, prière ou massages) pour soigner leur cancer (2). Il est difficile d’interpréter ces chiffres, mais c’est un bon point de départ pour comprendre que face au cancer, les patients touchés sont dans l’attente de nouvelles solutions que les traitements conventionnels tardent à apporter.
On aurait pourtant tort de céder un peu trop vite à l’a priori selon lequel la science est impuissante. Il suffit pour s’en convaincre de lire CRISPR et le cancer : rétablir l’immunosurveillance de l’individu. Dans ce texte de vulgarisation, Guy André Pelouze revient sur une actualité essentielle de la semaine passée selon laquelle un essai de traitement du cancer qui a recours à CRISPR, a fait l’objet d’un rapport positif de sécurité. Il nous explique pourquoi les recherches d’immunothérapie classiques ont tendance à stagner malgré une efficacité toujours plus grande et comment le génie génétique outillé de CRISPR devrait permettre de réaliser des progrès considérables. Ainsi, selon lui, « l’immunothérapie est longtemps restée un wishful thinking. Une connaissance très précise des mécanismes d’échappement des cellules cancéreuses à l’immunosurveillance de notre organisme, le développement d’anticorps monoclonaux contre des cibles présentes à la surface des cellules cancéreuses, et maintenant l’utilisation de CRISPR pour entraîner et équiper des cellules immunitaires autologues représente des découvertes et des innovations capables de changer la donne. » Une excellente raison de continuer de miser sur la science.
L’Europe ferait mieux de copier la Chine
Certaines idées ont la peau dure. En 2016 à Davos, Emma Marcegaglia, la PDG du groupe pétrolier italien ENI avait affirmé « quand il y a une innovation, les Américains la transforment en succès. Les Chinois la copient. Et les Européens… la réglementent. » Formule que nous reprenions également dans un édito récent. Il faut dire que de nombreux industriels qui sont allés faire du business en Chine se sont plaints de vol de brevet. Hélas, il semblerait que cette crainte soit de l’histoire ancienne et soit remplacée par une angoisse beaucoup plus grande : celle d’une Europe qui court derrière les innovations chinoises.
Ainsi dans La surpuissance technologique chinoise va « asianiser » le monde ! Eric van Vaerenbergh dresse une liste de toutes les innovations exclusives chinoises : de la cryptographie quantique au plus grand télescope du monde en passant par l’amélioration génétique de l’être humain, l’auteur nous propose une revue complète d’innovations qui illustre à quel point « les ambitions de la Chine sont immenses, et se situent toutes dans des domaines technologiques stratégiques mondiaux et transversaux » et révèle par la même occasion « au grand jour les faiblesses technologiques européennes avec certains faits très interpellant qu’il faut souligner. »
Voici donc le petit programme de lectures hétéroclites que vous propose notre média. Comme vous pouvez le constater, elles ont toutes un point commun : elles vous aident à exercer votre esprit critique, regarder la réalité bien en face et déjouer les a priori.
(1) https://www.agencebio.org/wp-content/uploads/2018/10/rapport_barometre_agencebiocsa_2018.pdf
(2) https://www.ligue-cancer.net/vivre/article/51356_medecines-alternatives-et-cancer-il-ne-faut-pas-croire-aux-miracles