Alors qu’un sommet international sur le nucléaire a lieu aujourd’hui à Bruxelles, il est utile de faire le point sur les petits réacteurs modulaires, plus communément connus sous les trois lettres de SMR. Depuis le dernier plan de relance du gouvernement sur le nucléaire, tout le monde parle de SMR, mais de quoi s’agit-il exactement ? Cet acronyme est le mot clé pour le nouveau visage du nucléaire civile. Taille, industrialisation, usages…cette technologie suscite un regain d’innovation et bénéficie du soutien des politiques européens. Des sources d’énergie bas-carbone que nous présente Vincent Houard*, membre de l’Observatoire Energie & Climat de l’Institut Sapiens.
The European Scientist : On parle beaucoup de SMR dans le dernier plan de relance nucléaire du gouvernement, pouvez-vous nous expliquer de quoi il s’agit ?
Vincent Houard : Les réacteurs nucléaires modulaires de faible puissance, ou SMR (Small Modular Reactor), visent à délocaliser l’utilisation de l’énergie nucléaire en dehors des centrales nucléaires classiques et à en faciliter et accélérer l’utilisation par l’industrie.
L’avantage premier des SMR, par rapport aux réacteurs de grande puissance, provient du fait qu’ils peuvent être construits sur site à partir de composants standards préfabriqués en usine. Leur taille réduite rend leur construction plus rapide et leur emprise au sol plus faible. De plus, étant modulaires, ils peuvent fournir, par couplage, une gamme variée d’énergies en fonction des besoins, au plus près des usages et permettent d’envisager d’alimenter des sites isolés.
Ce sont des sources d’énergie bas-carbone qui contribuent à répondre aux mêmes enjeux que les réacteurs de puissance, mais avec plus de souplesse et un investissement financier moindre, pouvant être d’origine publique et privée.
TES. : De quel recul dispose-t-on par rapport à cette technologie ?
V.H. : Leur faible puissance pourrait les rendre « socialement acceptables » car, en cas d’accident, l’impact environnemental se limiterait à l’environnement immédiat, un SMR de 200 MWe contenant évidemment moins de matières radioactives qu’un réacteur à eau pressurisée (REP) de 1 gigawatt électrique (GWe). Certains SMR sont conçus pour être semi-enterrés ou même souterrains.
Aujourd’hui, 70 projets de SMR sont proposés dans le monde, déclinant nombre de combinaisons possibles entre combustibles nucléaires, modérateurs et caloporteurs. Ces projets sont portés par l’industrie nucléaire mais aussi par des startups et l’ensemble de cette dynamique est très significative dans plusieurs pays, comme les Etats-Unis, le Canada, la Russie et la Chine.
TES. : On distingue généralement SMR et AMR pouvez-vous nous expliquer ?
V.H. : Il ne faut pas confondre les SMR et les AMR. Les AMR (Advanced Modular Reactor) sont également des réacteurs modulaires de petite puissance. Mais dans leur cas, la technologie n’est plus celle des réacteurs à eau légère (pressurisée ou bouillante). Ici ce sont des technologies dites de quatrième génération refroidies par exemple aux sels fondus, à l’hélium, au sodium, au plomb, etc. Cette appellation regroupe donc des technologies diverses qui visent plusieurs objectifs, notamment la fourniture de chaleur au-delà de 500°C pour l’industrie et pour certains l’utilisation comme combustible des matières nucléaires issues du retraitement des combustibles, sans apport de ressource en uranium naturel.
TES. : A quel stade d’avancement se trouve la France sur cette technologie ?
V.H. : Le SMR français le plus connu est le projet Nuward (1). Nuward a pour origine une initiative lancée en 2019 par EDF, TechnicAtome, Naval Group et le CEA avec l’addition de Tractebel et Framatome en 2022. Tous ces acteurs contribuent au design de cette centrale SMR de 340 MWe de puissance avec deux modules de 170 MWe alors que la puissance du parc nucléaire français se situe entre 900 et 1 450 MW, voire même, 1 650 MW pour l’EPR de Flamanville. Nuward utilise la même technologie que les centrales existantes en France, c’est un réacteur à eau pressurisée. La centrale est conçue pour une durée de vie d’au moins 60 ans et une première unité pourrait être mise en chantier en France en 2030 selon le calendrier de l’industriel. Ce projet, de dimension européenne, a fait l’objet en 2023 d’une pré-évaluation de l’Autorité de Sûreté Nucléaire (ASN), en collaboration avec les autorités de sûreté tchèque et finlandaise. Le premier SMR français pourrait être construit sur le site de Marcoule. Mais l’information n’a pas encore été confirmée.
TES. : Quels sont les autres projets ?
V.H. : En Juin 2023, Naarea et Newcleo ont été les premiers lauréats de France 2030 qui est un plan d’investissement visant à soutenir l’innovation, l’industrialisation, la Recherche et la formation. Les 2 startups ont ainsi reçu le soutien de l’état de 24,9 millions d’euros pour continuer leur développement. Naarea (2) développe un petit réacteur (XAMR) à sels fondus de 40 MWe. Il s’agit d’un micro générateur nucléaire à neutrons rapides de 4e génération qui utilise les déchets de très longue vie.
Newcleo (3) conçoit un réacteur (LFR 30) refroidi au plomb de 30 MWe. Il s’agit d’un réacteur à neutrons rapides refroidis au plomb liquide de 4ème génération présentant des avantages en termes de coût, de sûreté et de déchets. Basée à Lyon, Turin et Londres, la « start-up » italienne Newcleo veut construire dans l’Hexagone un premier petit réacteur nucléaire et une unité de fabrication de combustibles recyclés.
TES. : On assiste à une profusion de nouveaux projets. Y-a-t-il un renouveau de l’innovation dans le secteur du nucléaire ?
V.H. : A l’occasion du World Nuclear Exhibition qui s’est tenu du 28 au 30 novembre à Villepinte, il a été annoncé six nouveaux lauréats de l’appel à projets « Réacteurs nucléaires innovants ». Les 6 nouveaux projets qui seront soutenus à hauteur de 77,2 millions d’euros par l’Etat sont les suivants : GTA (Générateur Thermique Atomique) de Jimmy Energy (4), RF01 de Renaissance Fusion (5), CALOGENA (6), HEXANA (7), ONE de Otrera Nuclear Energy (8), ou encore Blue Capsule (9).
TES. : Quelles sont les autres utilisations possibles des SMR en plus de la production électrique ?
V.H. : Dans son dernier ouvrage « La transition énergétique est-elle soutenable ? Défis des Accords de Paris & du Pacte Vert Européen »(10), l’observatoire Energie &Climat de l’Institut Sapiens soutient la recherche, le développement et la construction des SMR en France. En effet, en plus d’offrir une énergie non intermittente bas carbone, les SMR contrairement aux centrales nucléaires de grosse capacité située loin des centres urbains peuvent être utilisés pour produire de l’hydrogène, faire de la cogénération de chaleur et d’électricité, le chauffage urbain ou encore le dessalement d’eau de mer. Cela suppose leur construction en proximité des lieux de besoins soit à proximité, des centres villes, des zones industrielles ou commerciales. Se pose alors la question de l’acceptabilité du public. Une question qui sera bientôt d’actualité. Les SMR présentent donc de nombreux avantages. La filière française est à la pointe en Europe mais la concurrence est rude à l’échelle mondiale. Elle a besoin du soutien de nos politiciens Français et Européens. Il est primoridial de continuer à financer leur développement et à créer un écosystème industriel associé pour contribuer à décarbonner notre électricté, notre industrie et nos usages.
TES. : Cette technologie bénéficie désormais d’un soutien politique au niveau européen
V.H. : Les SMR bénéficient d’un soutien politique et institutionnel de poids. En effet, le 6 février 2024 est à marquer d’une pierre blanche dans l’histoire du nucléaire en Europe. La Commission Européenne a lancé l’Alliance industrielle européenne sur les petits réacteurs modulaires, déjà annoncée en novembre 2023. La France a beaucoup œuvré à la création de cette alliance.
Cette alliance « permettra de tirer parti des capacités de fabrication et d’innovation de l’UE pour accélérer le déploiement des premiers projets de SMR dans l’UE d’ici le début de l’année 2030, dans le respect des normes les plus strictes en matière de sûreté nucléaire, de viabilité environnementale et de compétitivité industrielle », assure la Commission.
« L’alliance industrielle sur les petits réacteurs modulaires, lancée aujourd’hui, est la dernière initiative en date visant à renforcer la compétitivité industrielle et à garantir une chaîne d’approvisionnement solide et une main-d’œuvre qualifiée dans l’UE », ajoute-t-elle encore.
(2) https://www.naarea.fr/fr
(3) https://www.newcleo.com/
(4) La société JIMMY ENERGY SAS (JIMMY) ambitionne de développer, commercialiser et exploiter un microréacteur innovant à spectre thermique de 4e génération à haute température d’environ 15 MW thermique, pour la production de chaleur industrielle décarbonée à 600°C. https://www.jimmy-energy.eu/
(5) La société RENAISSANCE FUSION SAS (RENAISSANCE FUSION) a pour ambition de développer et commercialiser à terme un réacteur modulaire et compact de type « stellarator » à fusion nucléaire de 1 GW électrique, dont le fonctionnement repose sur la réaction de fusion deutérium-tritium. https://renfusion.eu/
(6) La société CALOGENA ambitionne de développer, de construire et d’exploiter des réacteurs nucléaires modulaires calogènes d’environ 30 MW thermique pour fournir de la chaleur décarbonée à des réseaux urbains. https://www.calogena.com/
(7) La société HEXANA conçoit un système de réacteur à neutrons rapides à caloporteur sodium intégré, avec deux réacteurs modulaires d’une puissance de 400 MW thermique chacun, associé à un dispositif de stockage d’énergie, permettant de fournir de la chaleur à 500°C et de produire de l’électricité. https://www.hexana.fr/
(8) La société OTRERA Nuclear Energy (ONE) ambitionne de concevoir, développer et réaliser un système de deux réacteurs à neutrons rapides à caloporteur sodium couplés, avec structure à boucles d’une puissance globale de 110 MWe, permettant le recyclage des assemblages usés des réacteurs à eau pressurisée et de ses propres combustibles usés, en vue de produire de l’électricité et de valoriser la chaleur fatale en cogénération. Au-delà de ses contrats et partenariats avec des acteurs industriels, le projet Otrera bénéficiera d’un accompagnement du CEA. https://otreraenergy.fr/
(9) La société BLUE CAPSULE développe un réacteur nucléaire à haute température de 150 MWth, basé sur un caloporteur en sodium. Le projet couple deux technologies matures, afin d’associer pour la première fois le combustible intrinsèquement sûr des réacteurs nucléaire à haute température, constitué de microparticules TRISO, au sodium liquide à haute température (supérieure à 700 °C) comme caloporteur. https://www.bc.technology/
(10) https://amzn.eu/d/9hotNBb
* Vincent HOUARD (lien vers mon profil LinkedIn). Diplômé de l’école Polytechnique de Lille, Vincent HOUARD bénéficie d’une expérience de plus de 20 ans dans l’ingénierie dont 10 ans dans le nucléaire à l’International. Très actif dans le domaine de l’énergie, il intervient régulièrement sur les réseaux sociaux, dans des conférences ou dans les médias pour expliquer et promouvoir l’énergie nucléaire. Il pulbie une newsletter « Vincent vous énergise » sur LinkedIn afin de vulgariser l’énergie et le nucléaire : Vincent vous énergise
Il restera cependant à alimenter ces réacteurs en « combustible nucléaire ». Au train où vont les choses, l’uranium 235 ne suffira pas. Il faut donc dès à présent booster les SMR à neutrons rapides.
Les SMR, en France on sait faire. Dans les sous marins, sur le porte avion Charles De Gaulle. Et Puis Chooz A, c’était un REP de 300MWe. On sait faire en France. On a non seulement des idées, mais des compétences avec 2000 années d’exploitation cumulées de nos 58 réacteurs.
Il y a autre chose aussi qu’on sait très bien faire en France, c’est nommer des ministres de l’écologisme qui depuis 2 quinquennats et 2 ans nous ont fait perdre du temps !
Le défi, c’est de rendre ces SMR modulables et surtout surtout qu’ils soient facilement et rapidement constructible en série. C’est ça l’enjeu. Parce que faire de l’eau chaude, de la vapeur et de l’électricité avec le nucléaire ça on sait faire depuis longtemps.
Oui, on sait faire, on est les meilleurs… Mais on a toujours 17 réacteurs en carafe aujourd’hui encore… Et le pire, c’est que ce n’est jamais les mêmes.. C’est une catastrophe qui passe inaperçue grâce à un hiver clément !
La vérité n’est pas dans le blabla mais devant l’inzvouable : le site EDF nuclear monitor.!
On n’est jamais les derniers pour se lancer dans une nouvelle ânerie !
Les SMR ont équipés 3 génération de nos sous-marins nucléaire, le porte avion Charles de Gaulle et le Suffrene. Des la fin des années 50 EDF a évalué la faisabilité de cette solution et l’a rapidement abandonnée : si rien n’est trop cher pour la Defense Nationale, il faut fournir une électricité à un coût de production raisonnable et ces minibreacteurs ne sont pas pour nous fut donc la conclusion définitive de l’étude EDF.
DÉFINITIVE, jusqu’à ce que de jeunes politiciens qui n’étaient pas nés au début des années 40 leur permettant une bonne compréhension de ce qui était les sujets d’intérêt 25 ans plus tard, croient être frappes d’un éclair de génie aujourd’hui en pensant sauver le nucléair avec ces fameux SMR… Ils pensent même être en avance sur les autres pays… Mais les plus en avance, aux US A, ont déjà jeté l’éponge !
Que tous les jeunes écervelés ici lisent au moins la presse internationale à défaut d’explorer le passé
Serge Rochain
Oui… Ça fait savant de parler de neutrons rapides… surtout en les associant avec le mot aussi magic que moderne de SMR…
Mais quand on ne sait pas de quoi on parle… que le temps passe… devant la réalité… Un jour on préfère oublier avoir sorti ses banalités vaniteuses.
Le temps balayera vos sornettes, ne soyez pas inquiet.