Rationnement, coupures tournantes et black out électriques… ces mots circulent dans les médias et à l’approche de l’hiver, les Français se posent de plus en plus de questions, Christian Semperes expert énergéticien nous explique comment cela pourrait être possible et dévoile les scénarios qui pourraient bien obscurcir notre hiver
Tous les Français peuvent et doivent lire ça !
J’ai conscience que cet article est long. Je l’ai voulu simple pour celles et ceux qui ne maîtrisent pas le domaine énergétique et électrique. En effet, il sera plus long que l’idéologie politique qui a balisé les 10 dernières années et qui se résume par « Le nucléaire c’est mal. On l’arrête et on le remplace par du 100% renouvelables dit techniquement possible ». On commence à prendre conscience que la satisfaction des besoins énergétiques est vitale pour un pays. C’est la raison pour laquelle elle doit rester aux mains des professionnels. Quand les politiques s’en mêlent, ils s’emmêlent. L’idéologie se terminera par du rationnement, des coupures tournantes comme dans les pays sous développés et éventuellement des black out électriques. Rien d’anormal. C’est le retour de la logique scientifique après un épisode idéo-logique.
Un peu d’histoire récente qui explique la situation actuelle
Le dernier black out électrique en France date du 19 décembre 1978, soit 353 jours après la mise en service industrielle de la première tranche nucléaire de Fessenheim qui ouvrait l’ère de la transition énergétique en remplaçant les énergies fossiles par un mix énergétique nucléaire et hydraulique. J’avais 19 ans, pas encore professionnel de la production d’électricité mais je me souviens du beau b…azar le temps que « le jus » revienne à la prise et de reprendre une vie dite « normale ». Et encore, tout n’était pas informatisé. Pour celles et ceux qui n’étaient pas nés, voici le journal télévisé, pour les privilégiés qui avaient retrouvé « le jus » à 20h et donc pouvaient le voir à la télévision.
Depuis cette date, soit un peu moins de 44 ans, la France a vécu, sans rationnement, sans black out, dans ce que Monsieur le président de la République, Emmanuel Macron, appelle l’abondance. Les agents au service du public appellent ça « la satisfaction des besoins de l’économie de la France et des français avec qualité et continuité de service favorisant un excédent du commerce extérieur durant 40 ans ». La nuance est de taille. La nuance se situe sur l’absence de « reconnaissance du ventre » de la part l’actionnaire majoritaire, l’état. C’est ainsi.
Depuis, 2 quinquennats et 4 mois, soit une dizaine d’années, la politique énergétique de la France a RADICALEMENT changé. En TOTALe allégeance à l’idéologie VERTE allemande, l’objectif fixé de cette nouvelle transition énergétique est de passer au 100% renouvelables en commençant par l’arrêt du nucléaire. Ce qui a conduit en Allemagne à la fermeture de la quasi TOTALité de ses réacteurs nucléaires au profit d’un parc ENR de 127GW installés solaire et éolien (plus de 2 fois la puissance nucléaire installée en France) dont l’intermittence est compensée par le maintien des centrales à charbon et surtout par la dépendance massive au gaz russe. La France a emboîté le pas de cette idéologie VERTE :
- en fermant en 2020 les 2 réacteurs de Fessenheim en parfait état de marche, sûrs d’après l’Autorité de Sûreté Nucléaire indépendante, bas carbone (4g CO2/kWh), pilotables, économiquement rentables et amortis,
- en rédigeant une loi n°1908 du 30 avril 2019 qui prévoit la fermeture de 12 autres réacteurs dans le même état que Fessenheim mais encore plus sûrs puisqu’ils auront intégrés les modifications de sûreté de la 4ème visite décennale,
- en construisant et en démarrant une centrale au gaz (418g CO2/kWh) à Landivisiau en Bretagne, en pleine crise du gaz en Mars 2022,
- en prévoyant de rouvrir la centrale au charbon (1050g CO2/kWh) de Saint Avold en Moselle, fin 2022.
En résumé, cette politique a conduit à
- privilégier la construction de moyens de production aléatoirement intermittents,
- décider l’arrêt de moyens de production nucléaires pilotables et bas carbone,
- décider le black out de construction de nouveaux réacteurs pour remplacer les réacteurs construits dans les années 1980
- décider le maintien voire la construction de moyens de production fossiles émetteurs de CO2, comme la centrale de Datteln en Allemagne démarrée en juin 2020, lorsque la seconde tranche de Fessenheim s’arrêtait par décision politique.
En 2022, nous voyons aujourd’hui le résultat de cette politique énergétique imposée par l’Allemagne via la Commission Européenne. La dépendance au gaz russe de l’Allemagne conduit l’Allemagne mais également l’Europe a du rationnement énergétique et notamment électrique puisque le gaz, émetteur de CO2, a, de fait, remplacé le nucléaire pilotable et bas carbone.
Quel est le résultat de la politique dite « VERTE » ?
En résumé, on va manquer de moyens de production électriques pilotables pour satisfaire la consommation d’hiver.
Quelques chiffres. En été la consommation moyenne de la France est de 45-55GW. En hiver, il faut compter le double. Le maximum historique de Février 2012 est de 102GW. Nous n’aurons pas cette capacité de production, soyez en certains. Les capacités des lignes d’interconnexion entre les pays européens ayant également leur limite, elles ne suffiront pas à compenser le manque de moyens de production.
Etat des lieux des moyens de production.
Le parc solaire. Son facteur de charge moyen est de 15% sur l’année. En période proche du solstice d’hiver ce facteur de charge tombe largement au dessous de 10%. Même avec 12GW de puissance installée, la puissance fournie, soleil au zénith durant quelques minutes, est epsilonesque au regard de la consommation. On ne peut donc pas compter sur le solaire.
Le parc éolien. Son facteur de charge est de l’ordre de 20% sur l’année. En période d’anti cyclone d’hiver et donc de froid intense et de forte consommation électrique, le vent ne souffle pas durant des périodes pouvant dépasser 2 semaines (ce fût le cas, au moins, en janvier février 2021 et 2022). Même avec 19GW de puissance installée, le facteur de charge est également epsilonesque au regard de la consommation. On ne peut donc pas compter sur l’éolien non plus.
Le parc hydraulique. Avec la période de sécheresse que nous avons traversé en 2022, les niveaux d’eau des barrages sont bas. A l’évidence, la capacité de production sera réduite cet hiver, le temps que les barrages reconstituent leur capacité après la fonte des neiges au printemps 2023.
Le parc nucléaire. A partir de 2021 et les suivantes, le parc 900MW a entamé ses réévaluations de sûreté des 4ème visites décennales, avec des modifications de grandes ampleurs pour améliorer encore plus la sûreté. Il s’agit d’arrêts particulièrement longs, de l’ordre de plusieurs mois voire 6 mois. Ces modifications sont règlementaires, le producteur ne peut s’y soustraire sous peine de non validation de redémarrage de l’Autorité de Sûreté Nucléaire. La capacité du parc nucléaire sera donc diminuée.
S’ajoute à cela, le doute sur la corrosion de certaines parties de tuyauteries qui a contraint l’exploitant nucléaire à arrêter 16 réacteurs en 2022, pour lever le doute. Sur ces 16 réacteurs, des contrôles destructifs ont été réalisés (coupures de tuyaux) qui nécessitent maintenant de les réparer. Force est de constater que pour certains réacteurs le doute a été levé, autrement dit pas de corrosion constatée, mais il faut néanmoins réparer avant de redémarrer. Comme l’a dit récemment Mr Jean-Bernard Levy, PDG d’EDF, « on manque de bras parce qu’on n’a pas assez d’équipes formées. […] On nous a dit ‘votre parc nucléaire va décliner, préparez-vous à fermer des centrales’ […]. Evidemment on n’a pas embauché des gens pour en construire d’autres ». La capacité du parc nucléaire sera donc d’autant plus diminuée.
Le parc des moyens de production fossiles
Alors, que va-t-il se passer cet hiver ?
Pour comprendre ce qu’il va se passer, il faut comprendre comment se gère un réseau électrique.
La gestion d’un réseau électrique.
Evidemment ces réserves ne concernent QUE les moyens de production pilotables, ni donc le parc solaire ni le parc éolien qui ne produisent que ce que la nature veut bien donner. Comprenez-vous l’aberration de la CONSOMMATION 100% renouvelables dit « techniquement possible » ?
Lorsqu’il y a parfait équilibre entre la consommation = la production, la fréquence est de 50Hz la tension à 230V. Dès qu’un consommateur appuie sur un interrupteur, la consommation devient supérieure à la production, naturellement la fréquence et la tension baissent. Pour rétablir l’équilibre le producteur produit plus pour revenir à 50Hz et 230V. S’il cela ne suffit pas à rétablir l’équilibre, le gestionnaire de réseau fait appel aux réserves de puissance. Il y a 3 réserves primaires, secondaires et tertiaires, respectivement automatiques, semi automatiques et manuelles.
Idem dans l’autre sens, lorsque le consommateur éteint son appareil, la consommation devient inférieure à la production, la fréquence et la tension augmentent, le producteur baisse donc sa production pour rétablir l’équilibre.
Par exemple, que se passe-t-il lorsque la tension baisse ? L’appareil branché sur le réseau consomme toujours la même de puissance. Comme la puissance est directement liée au produit Tension multiplié par l’Intensité (P= UICosΦ), si la tension baisse, l’intensité augmente et l’appareil s’échauffe. Le producteur se doit donc de réguler la fréquence et la tension dans des valeurs « acceptables » pour les consommateurs. A titre d’exemple, les limites de tension sont de + 6 % ou – 10 % de la tension nominale entre 2 points du réseau électrique.
Pour le producteur aussi, les alternateurs fournissant l’électricité au réseau ne peuvent pas non plus fonctionner avec des valeurs de tension et de fréquence très dégradées. Il y a donc des limites à ne pas dépasser, sous peine de déclenchement automatique.
Et si la consommation devient plus importante que la capacité de production ?
Que se passe-t-il lorsque le producteur ne peut pas fournir plus de puissance ? La fréquence et la tension baissent naturellement. Ceci a pour effet de dégrader la qualité de service, on n’est plus à 50Hz ni à 230V, mais ça permet de passer le creux. C’est ce qu’on appelle « un réseau tendu ».
Quand la consommation continue à augmenter, on arrive irrémédiablement jusqu’aux limites. Pour éviter que les alternateurs se découplent automatiquement pour se protéger, ce qui accentue le déséquilibre et aboutit à l’écroulement du réseau par château de cartes, RTE procède à des « effacements » préventifs ponctuels puis si cela ne suffit pas sur des parties plus importantes. C’est ce qu’on appelle des « effacements », pour ne pas dire des coupures. Pour le client dans le noir, ça revient au même. Lorsque la situation dure, le gestionnaire de réseau procède à des coupures tournantes, pour limiter la durée de manque d’électricité par client. Cet été, RTE et ENEDIS se sont coordonnés et ont prévu des scénarios de coupures tournantes pour cet hiver.
Plus on multiplie ces situations tendues, plus on a de risque d’avoir un black out, c’est à dire à une coupure généralisée comme celle du 19 décembre 1978 dont j’ai parlé au tout début de l’article. Pourquoi ? Pour une raison simple à comprendre. Sur la route, plus vous jouez avec les limites de la route et des excès de vitesse, plus vous avez de chance de sortie de route incontrôlée. Dans le cas d’un réseau électrique, il suffit d’un petit aléa pour que tout se passe trop vite pour une intervention humaine et le château de cartes s’écroule de lui-même. Ce fût le cas le 9 Août 2019, dans le sud de l’Angleterre, avec une perte de seulement 1400MW mais avec 40% de moyens non pilotables couplés (ENR). Les 60% de moyens de production pilotables couplés n’ont pas permis d’éviter le black out.
En résumé,
pour éviter les black out, attendez-vous à ce que nos dirigeants demandent de faire preuve de civisme pour alimenter ceux qui ont besoin, notamment les consommateurs prioritaires, les hôpitaux, la défense nationale etc. On vous demandera donc de couper l’alimentation du « superflu ». A vous de voir, vous, ce que vous traduisez comme « le superflu ». Si cela ne suffit pas, le gestionnaire de réseau procèdera à du rationnement sous la forme de coupures tournantes de quelques heures comme dans les pays sous développés. Pour les entreprises, il faudra « jongler » pour faire tourner les machines et faire travailler les salariés. Pour les particuliers, il faudra « jongler » pour faire la lessive, manger chaud, vivre tout simplement.
Bienvenue dans le nouveau monde écolo, on consomme quand on peut, avec cheminée à bois pour la cuisine et le chauffage, puits avec un seau et une corde, lampe à pétrole s’il y a du pétrole. Vous aurez noté qu’il n’y aura pas de gaz et une électricité rationnée. A la ville, j’avoue que ce sera compliqué. A la campagne, pour avoir vécu 11 jours sans électricité et sans eau après la tempête Martin du 27 décembre 1999, vous verrez, vous allez vite vous y faire. Après avoir fait un bon feu dans la cheminée pour chauffer la soupe et la pièce, le reste deviendra vite superflu.
Vous comprenez pourquoi le monde se réveille enfin pour le retour au nucléaire civil à la française ? Après avoir copié notre patrimoine industriel et humain, les chinois l’ont compris, eux. Pendant que les VERTS européens distillaient la propagande anti nucléaire, les chinois travaillaient.
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Image par Florian Berger de Pixabay
Deux points de détail :
– Les Allemands ont cru bien faire en cherchant à intégrer la Russie dans le fonctionnement de leur économie (et donc la nôtre). Mais ils ont exagéré. Ils se sont rendus dépendant de la Russie à un niveau extraordinaire. Sur le fond, je crois cependant qu’ils ont eu raison. Il fallait essayer.
– Je regrette la fermeture de Fessenheim. Notre souci est que chez nos voisins d’en face, les Verts du Bade-Wurtemberg sont depuis très longtemps puissants et tiennent en plus la Présidence du Land depuis le mandat précédent. Avec son voisin immédiat, il faut bien négocier… d’où la fermeture de Fessenheim. Aujourd’hui, ne faudrait-il pas se tourner vers le Président du Bade-Wurtemberg que faire ? Il est tout de même responsable au final du désastre.
Merci pour votre commentaire. C’est d’indépendance énergétique, économique et géopolitique dont il est question. Les VERTS belges et français, pour ne citer qu’eux, ont prêté allégeance à l’idéologie allemande et ont noyauté les états européens jusqu’à être nommés ministres de l’écologisme. A ces postes ils collaborent activement à cette idéologie allemande. On parle maintenant de sobriété, puis de rationnement, puis de coupures tournantes. Voilà comment, par pure idéologie VERT, en 2 quinquennats et quelques mois, on passe de la garantie du service au public à l’organisation de la pénurie. Bienvenue en terre promise écolo.
Une définition du bonheur, c’est « la pleine satisfaction de ses besoins vitaux ». Aujourd’hui et pour les décennies à venir on mangera chaud, on chauffera la maison, on travaillera, on téléphonera… on vivra quand ce sera possible. Alors qu’il est possible de faire autrement, on l’a montré durant 43 ans en France avec un mix énergétique nucléaire/hydraulique.
De l’idéologie pure qui contraint l’humanité. Ça ne vous rappelle pas quelque chose ? Que les chemises soient NOIRES/BRUNES, ROUGES ou VERTES, le résultat est le même. La contrainte pour un paradis hypothétique. Pour s’en sortir, de la sueur, du sang et des larmes. Nous sommes tous des Chamberlain. On s’est laissé bercer par la propagande, écolo cette fois.