« Le fait que nous dépendons encore largement des combustibles fossiles aujourd’hui est un défi majeur pour l’UE dans un monde de plus en plus incertain. Bien que nous ayons fait de grands progrès dans les énergies renouvelables, le charbon, le pétrole et le gaz représentent encore 72 % de nos principales sources d’énergie en 2016, importés pour la plupart ». C’est par ce discours alarmiste de Miguel Arias Cañete, Commissaire européen au Climat et à l’Énergie que le Parlement européen a entériné mardi 17 avril 2018 le programme de répartition des efforts de réduction d’émissions de CO2 entre les pays de l’UE jusqu’en 2030. La France semble avoir fait son choix en fermant ses dernières unités de production thermique encore en activité. Une fermeture qui laisse place à une reconversion.
La fin des centrales thermiques françaises
Durant un mandat présidentiel, il y a deux phénomènes qui se confrontent sans se croiser : celui des promesses tenues et celles non tenues. En matière d’écologie, le président Emmanuel Macron a promis d’adopter une stratégie énergétique claire. Deux promesses ont été faites dans son programme : la réduction de la part du nucléaire dans le mix énergétique (avec l’objectif de 50% à l’horizon 2030) et la fermeture des centrales thermiques et à charbon. À ce jour, si celui du nucléaire n’est pas prêt d’être atteint (*), l’objectif thermique/charbon est en passe d’intégrer la catégorie « promesses tenues ».
En décembre 2017, le chef de l’État a réaffirmé la fermeture des centrales thermiques et à charbon d’ici 2022. Cet acte fort s’inscrit pleinement dans une « révolution climatique » visant à réduire drastiquement les émissions de CO2. Aujourd’hui, quatre centrales à charbon sont encore en activité. Celle de Porcheville a récemment fermé ses portes.
Cordemais, c’est fini
Au cœur de ce vaste plan de transformation, EDF, premier producteur et fournisseur d’électricité en France, est en première ligne. Le 31 mars dernier, l’entreprise a vécu une journée symbolique en fermant sa dernière unité de production de fioul encore en activité. Située à Cordemais (Loire-Atlantique), elle ne fonctionnait déjà plus que de manière épisodique (quelques dizaines d’heures par an) en période de pointe. Avec cette fermeture – la septième en un an –, le groupe aura donc fermé entre 2017 et 2018 près de 6 GW de capacités de production, soit la moitié de son parc thermique (gaz, charbon…) !
Un lieu d’expérimentation
Cependant, la fermeture de Cordemais n’est pas une fin de soi. Au contraire, elle s’inscrit dans un vaste programme de transformation visant à mettre en place de nouvelles installations au gaz plus durables comme les centrales à Cycle combiné au gaz naturel (CCG). La production d’électricité à la fois plus faible en carbone et mieux sécurisée est possible comme le prouve le site de Bouchain (Nord) qui s’offre une deuxième vie après avoir fonctionné au charbon. À production égale, cette centrale CCG enregistre des résultats écologiques spectaculaires : elle divise les émissions de CO2 par 2, les émissions de dioxyde souffre par 3 et celles d’oxydes d’azote par 20 !
À Cordemais, EDF ambitionne de mener à bien son projet baptisé « Ecocombust ». En quoi consiste-t-il ? Il vise à transformer des déchets végétaux issus de l’entretien des aménagements paysagers locaux en un combustible qui se substitue au charbon. Cette biomasse qu’on surnomme « charbon vert » est prometteuse : elle peut atteindre entre 70 et 80% du rendement énergétique du charbon. Un prototype d’unité de densification est déjà en place et cette production en co-combustion semble être l’alternative de demain !
Place au contrat de transition énergétique !
Pour valoriser et encourager les initiatives locales, notamment les collectivités souhaitant développer des projets écologiques (parc éolien, solaire, projets fonciers, économie circulaire…), le gouvernement a mis en place durant l’été 2017 de nouveaux contrats baptisés « Contrats de transition écologique » (CTE). Sébastien Lecornu, secrétaire d’État auprès de Nicolas Hulot, explique qu’il s’agit d’un « outil inédit qui associe les collectivités locales et les entreprises (…) autour de projets durables et concrets ». Développer de l’économie décarbonée et créer des emplois : voilà le but avoué de l’État.
En attendant leur généralisation en 2019, les premiers contrats sont en passe d’être signés durant le printemps. C’est le cas du programme « Energies du Gard » qui a été initié par EDF puis porté par l’Etat, la région et les entreprises locales. Situé sur l’ancienne centrale thermique d’Aramon, il doit permettre de donner une nouvelle vie à ce site à travers la mise en place de nouvelles technologies dédiées à l’énergie propre. Le groupe EDF vient ainsi d’annoncer la construction d’une centrale photovoltaïque de 14 000 panneaux solaires.
D’ici la fin de l’année, une vingtaine de territoires devrait parapher les premiers CTE, preuve que la reconversion des anciennes centrales reste un bon atout pour mener à bien cette fameuse « révolution climatique ».
(*) : En novembre 2017, Nicolas Hulot, le ministre de l’Ecologie, a annoncé qu’il serait difficile de tenir l’objectif de réduction de 75 % à 50 % de la part de l’électricité d’origine nucléaire à l’horizon 2025.