Un véritable coup de semonce pour tous ceux qui aspirent à une transition vers un modèle tout renouvelable. Dans un récent rapport, L’ONG Sherpa alerte sur le sujet de l’augmentation de la consommation de matières premières dans le cadre du développement des énergies renouvelables. La transition écologique nécessite en effet des minerais dont l’extraction est en partie responsable d’atteintes à l’environnement et aux droits humains dans les zones concernées, avec les effets les plus graves en Amérique du Sud, en Afrique et en Asie. Cobalt, zinc, lithium ou encore manganèse : plusieurs entreprises françaises sont épinglées pour un manque de transparence sur les pratiques liées à l’extraction, au transport ou à l’utilisation de ces minerais. Se pose, aujourd’hui, la question du caractère vraiment écologique et éthique des énergies renouvelables.
Plusieurs entreprises tricolores épinglées dans le cadre du « Plan Vigilance »
Dans un article de la scientifique revue Nature de septembre dernier, des chercheurs annonçaient, preuves à l’appui, que la production d’énergie renouvelable, dans le cadre des Accords de Paris, risque d’exacerber la menace que fait peser le minage sur la biodiversité. L’exploitation minière, essentielle à la « croissance verte », impacte potentiellement près de 50 millions de km² de la surface terrestre dont 8% coïncident avec des zones protégées, 7% avec des zones clés pour la biodiversité, et 16% avec des zones sauvages restantes. Enfin, 82% des zones minières identifiées ciblent des matériaux nécessaires à la production d’énergie renouvelable.
C’est dans ce contexte que l’ONG Sherpa, qui combat des formes d’impunités liées à la mondialisation, a étudié les plans de vigilance de 9 sociétés françaises soumises à la loi de 2017 et ayant des activités liées à la transition énergétique. Les résultats sont éloquents : certaines confondent plan de vigilance et reporting (sur le mode de critères RSE), les risques liés à l’utilisation de minerais sont ignorés, les mesures de vigilance sont souvent vagues et décorrélées de ces risques. Mais surtout : la traçabilité des minerais est encore très faible. La majorité de ces entreprises ne mentionnent pas les risques et atteintes à l’environnement et aux droits humains que comporte l’extraction de minerais.
Ces plans, obligatoires depuis 2017, sont censés « identifier les risques et prévenir les atteintes graves envers les droits humains, les libertés fondamentales, la santé, la sécurité des personnes ainsi quel environnement ». Or le rapport de l’ONG fourmille de preuves qui montrent les efforts qui restent à accomplir par les entreprises françaises pour être transparentes sur le coût réel de l’énergie « verte ». Mais surtout, la transition plus massive vers les énergies « vertes » se heurte à un problème systémique, pointé par un panel de 234 ONG : « Plus d’exploitation minière entraîne plus de perte de biodiversité, plus d’air, de sol et d’eau contaminés, un manque d’accès aux terres arables et à l’eau douce, des déplacements et une érosion des moyens de subsistance, des impacts sur la santé et plus de conflits ». Un cercle vicieux qui, à lui seul, semble déconstruire le concept même de croissance verte.
L’éolien et le solaire : des coûts environnementaux et humains importants
Certaines catastrophes ont fait réagir les pouvoirs publics ces dernières années sur la question minière. La rupture du barrage de la mine de Corrego do Fejao au Brésil en janvier 2019 est emblématique. En quelques jours, treize millions de tonnes de boues contenant des métaux lourds engloutissaient une ville de 40 000 habitants. Le bilan est très lourd : plus de 270 morts directs et une pollution qui menace encore des millions d’habitants.
Mais le lien entre le secteur minier et les énergies renouvelables mérite encore une plus grande visibilité. La Banque Mondiale recense 17 minerais nécessaires aux technologies de la transition énergétique : faire rouler une voiture électrique ou capter l’énergie solaire nécessite toujours plus de minerais avec des options de recyclage qui ne sont pas encore en place (pour les batteries au lithium par exemple). L’éolien nécessite quant à lui de l’aluminium, du chrome, du cuivre, du fer, du plomb, du zinc, du manganèse, etc. Et 11 métaux sont en tout nécessaires pour construire une batterie électrique.
D’autant que les énergies renouvelables se heurtent encore au plafond de verre du ratio acceptable coûts / efficacité. Un rapport de la Cour des comptes, publié en 2018, dénonce la faible efficacité des énergies renouvelables, au prisme des subventions et des mécanismes de soutien publics nécessaires à leur déploiement sur le territoire.
Respect des règlements et internalisation des coûts
Dans une note d’analyse, France Stratégie rappelle très récemment que l’exploitation minière, « l’extraction et le raffinage des métaux sont à l’origine d’un dixième des émissions mondiales de gaz à effet de serre ». Face à cela, il faudrait veiller à ce que le bilan final d’émission comprenne les activités d’extraction, de transport et d’utilisation des minerais au risque sinon de menacer encore plus la biodiversité. Plusieurs outils peuvent remédier à ce problème.
Comme le souligne France Stratégie, « internaliser ces coûts, au moyen de taxes, ou de droits, en incluant les métaux importés grâce à un ajustement carbone aux frontières, est un outil important pour parvenir à limiter ces émissions. » Cela rejoint les recommandations de Sherpa, qui enjoint non seulement à l’internalisation des coûts, mais également à un renforcement de l’arsenal juridique européen en la matière.
Mais ce dernier point pose aussi la question de la réactivité des entreprises : Aucune des 9 entreprises visées n’a fourni d’informations sur leur prise en considération et les éventuels mécanismes à mettre en œuvre face à l’entrée en vigueur en janvier 2021 d’un nouveau règlement pour encadrer les importations de quatre de ces minerais (étain, tantale, tungstène, or). Toujours est-il qu’une réglementation contraignante sur un devoir de vigilance (comme en France) au niveau européen permettrait un meilleur encadrement des pratiques. Et, dans une certaine mesure, d’amoindrir le coût écologique des énergies renouvelables. Mais le chemin est encore long.