Alors qu’on apprend qu’une réunion essentielle entre la France et l’Allemagne vient d’être reportée sine-die, et que les mésententes s’accumulent entre les deux partenaires européens, Christian Semperes revient sur l’ambiguïté de ce couple au niveau du secteur de l’énergie.
Au fur et à mesure que la crise énergétique, économique et géopolitique explose au grand jour, les pièces du puzzle nous permettent de mieux comprendre le tableau du « couple franco / allemand. » Quand plus rien ne nous unit, pourquoi rester ensemble ? A cause des enfants, peut-être.
Suivez bien le raisonnement !
Monsieur le Président de la République Emmanuel Macron a dit le 5 Septembre 2022 que la centrale nucléaire de Fessenheim a été arrêtée parce que « elle était à la frontière de l’Allemagne qui, aujourd’hui, n’est pas alignée avec nous sur le nucléaire.” Autrement dit, pour faire plaisir à l’Allemagne, qui prône le 100% renouvelables et donc l’arrêt du nucléaire, Fessenheim a été arrêtée et fermée, alors qu’elle était en parfait état de marche, sûre, pilotable, économiquement rentable et amortie. Mr Emmanuel Macron a ajouté qu’elle avait arrêté aussi « par manque de maintenance », ce qui est faux. Si cela avait été le cas, c’est l’Autorité de Sûreté souveraine dans le domaine qui n’aurait pas validé ses précédents redémarrages, ce qu’elle n’a jamais fait. Fessenheim aurait pu, comme les autres réacteurs qui sont en train de le faire, intégrer les modifications de sûreté des 4ème visites décennales. La fermeture de Fessenheim est donc bien une décision politique et unilatérale de la France sur fond d’accord politique du PS / EELV lors de l’élection du président Hollande, appliquée par le président Macron. L’accord PS / EELV s’inspirant de l’idéologie allemande du 100% renouvelables.
La France « Je t’aime ! » L’Allemagne « Moi non plus ! »
Comme si cela ne suffisait pas, sous le premier quinquennat d’Emmanuel Macron, la loi 1908 du 30 avril 2019 prévoit l’arrêt de 12 autres réacteurs dans un meilleur état de sûreté que Fessenheim, puisque, à la date de leur arrêt, ces 12 réacteurs auront intégré le lot de modification du sûreté des 4ème visites décennales, pour élever leur niveau de sûreté à celui des EPR. Cette loi s’aligne une nouvelle fois sur l’idéologie allemande d’arrêt du nucléaire quoi qu’il en coûte au niveau énergétique, économique et géopolitique.
- Au niveau énergétique, puisqu’en arrêtant des moyens de production pilotables bas carbone on fait appel à des moyens de production d’électricité pilotables à fort impact carbone comme le gaz et le charbon. L’Allemagne avec 4 fois plus d’énergies renouvelables que la France s’est rendue dépendante du gaz russe et n’arrive toujours pas à sortir du charbon. Elle a même construit et démarré une centrale à charbon de 1100MW à Datteln, en Juin 2020, lorsque Fessenheim s’arrêtait définitivement. La France arrête 1800MW bas carbone, l’Allemagne démarre 1100MW à fort impact carbone.
La France « Je t’aime ! » L’Allemagne « Moi non plus ! »
- Au niveau économique aussi, puisqu’en arrêtant des moyens de production pilotables bas carbone, on sollicite le gaz également à fort impact carbone, majoritairement importé de Russie. Et comme le prix le l’électricité est indexé sur le prix du gaz, il explose. Pour faire comme l’Allemagne, c’est à dire utiliser le gaz comme énergie de transition, la France a même démarré une nouvelle centrale au gaz à Landivisiau en Bretagne en Mars 2022, en pleine crise du gaz russe, par manque de moyen de production d’électricité pilotables.
La France « Je t’aime ! » L’Allemagne « Moi non plus ! »
- Et pour finir, au niveau géopolitique. Pour faire face à la crise du pétrole de 1974, la France avait construit, entre 1978 et 1999, un mix énergétique de production électrique bas carbone nucléaire/hydraulique pour retrouver son indépendance. La transition énergétique qui a été lancée depuis 2 quinquennat et 5 mois, conduit à arrêter le nucléaire bas carbone au profit des énergies renouvelables aléatoirement intermittentes dont la majeure partie des composants est construite en Asie et notamment en Chine. Et pour garantir la fourniture d’électricité aux citoyens et à l’économie de la France, lorsque les énergies renouvelables manquent de vent et de soleil, on se rend dépendant des énergies fossiles que nous, la France ne possédons pas, le gaz et le charbon. Par contre l’Allemagne regorge de charbon qu’elle puise dans des mines de lignite à ciel ouvert et qu’elle utilise à foison.
La France « Je t’aime ! » L’Allemagne « Moi non plus ! »
Dans sa logique écolo, à savoir arrêter le nucléaire et le remplacer par un mix énergies renouvelables et énergies fossiles, l’Allemagne devait arrêter ses 2 dernières centrales nucléaires au 31/12/2022. Cet arrêt définitif intervient dans un contexte particulier. Le parc nucléaire français est confronté à la découverte de corrosion sous contrainte de ses plus récents réacteurs, une partie des réacteurs 1300 et les 4 réacteurs N4 de 1400MW. Des réparations sont en cours ce qui réduit la capacité de production du parc nucléaire français.
Le 27/09/2022, le ministre allemand de l’économie, Robert Habeck, a annoncé le report de l’arrêt des 2 dernières centrales nucléaires allemandes, je cite, en raison de « la situation en France plus mauvaise que prévue. » Alors qu’en l’absence de gaz, l’arrêt des centrales nucléaires allemandes aurait été compensé par la sollicitation des centrales à charbon allemandes, l’Allemagne fait porter la responsabilité de la situation à la France.
La France « Je t’aime ! » L’Allemagne « Moi non plus ! »
Comme dans un couple, lorsque les valeurs ne reposent plus sur un avenir commun, le divorce semble la meilleure solution. Néanmoins, il faut penser au bien-être des enfants. Pour le couple franco-allemand, les enfants sont les citoyens. Leur bien être est la fourniture énergétique, notamment cet hiver. Dans la situation actuelle, le divorce n’est pas d’actualité, les enfants en souffriraient trop. Les parents sont donc condamnés à s’entendre. Mais, le divorce est inévitable. Sauf si les enfants citoyens poussent les parents à s’entendre. Les 2 quinquennats et 5 mois qui viennent de s’écouler ne permettent pas d’être optimistes.
Tout dépendra de la maturité des enfants citoyens à comprendre la situation et obliger leurs parents politiques à satisfaire leurs besoins vitaux et lutter en même temps efficacement contre le réchauffement climatique en baissant les émissions de CO2.