Le retour au gouvernement des sociaux-démocrates allemands pourrait donner une seconde vie au projet de gazoduc germano-russe Nord Stream 2, en dépit de protestations polonaises, ukrainiennes et américaines.
La compagnie russe Gazprom et le gouvernement allemand pourraient bien rouvrir le dossier Nord Stream 2 – un projet de construction de gazoduc de 1200 km à travers la mer baltique, qui permettrait de contourner le pipeline déjà existant, traversant l’Ukraine et la Pologne. Ce projet financé par l’Allemagne et l’Autriche permettrait de déplacer 55 milliards de tonnes de gaz naturel chaque année – soit 75% des exportations russes vers l’Europe. Il est très contesté.
D’après le Département d’État américain, Nord Stream 2 risque de « renforcer la capacité de manipulation du marché énergétique européen de Moscou ». Les Etats-Unis dénoncent « un projet plus politique que commercial ». Pour le Secrétaire d’Etat adjoint pour l’Europe et l’Eurasie, Wess Mitchell, « seule l’Allemagne dispose réellement des moyens pour enterrer ce projet ».
Les Présidents polonais Andrzej Duda et ukrainien Petro Porochenko ont eux-aussi rappelé leur opposition au projet, qui, selon eux « piétine les normes européennes » et plus généralement « dessert les intérêts de l’Union Européenne ». Ces deux opposants de longue date à Nord Stream 2, y voient un moyen de compromettre la sécurité énergétique de l’Union. De fait, ces deux pays ont beaucoup à perdre tant économiquement que politiquement, si le projet est finalisé.
Fin novembre, le débat sur Nord Stream 2 avait également touché le Danemark. Le pays avait finalement passé une loi s’appuyant sur des inquiétudes géostratégiques pour interdire le gazoduc dans ses eaux territoriales. Même l’organisation non gouvernementale de défense de l’environnement WWF a pris part au débat, émettant des réserves sur « un besoin européen en gaz suffisant pour justifier le projet ». L’ONG rappelle que le pipeline déjà existant, Nord Stream 1, ne fonctionne pas à pleine capacité.
Malgré la contestation, le gazoduc – un temps oublié – pourrait bien voir le jour. Le gouvernement allemand avait pourtant rejoint la position européenne, et comptait même sur cet abandon pour négocier la fin des demandes de réparations du gouvernement polonais à Berlin au titre de réparations pour le préjudice subi pendant la seconde guerre mondiale. Le résultat délicat des dernières législatives a toutefois changé la donne, en ouvrant la voie à un retour dans la majorité des sociaux-démocrates (SPD) qui sont très favorables au projet de gazoduc.
Angela Merkel risque de ne pas pouvoir abandonner la construction de Nord Stream 2 sans se brouiller avec le SPD. Le parti voit en effet un renforcement des rapports économiques avec la Russie comme une solution aux tensions entre Bruxelles et Moscou – une ligne « pro-Kremlin » du nom d’Ostpolitik qui date des années 70. En visite à St Pétersbourg en novembre dernier, l’ancien n°1 du parti a de nouveau appelé à « renforcer les liens » avec la Russie, et c’est son parti qui a insisté pour maintenir le dialogue après l’annexion de la Crimée par Moscou en 2014.
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