L’incendie de l’usine Lubrizol, le 26 septembre à Rouen, a mis en lumière les risques encourus par les riverains des 1 378 sites classés Seveso en France. Parmi eux, l’usine Orano de Malvési, au nord de Narbonne, a mis en place depuis plusieurs années un important dispositif pour assurer un niveau de sûreté maximal.
Près de trois semaines après, l’incendie de l’usine de produits chimiques Lubrizol est encore dans tous les esprits. Et pour cause : même s’il n’a pas fait de victimes, l’événement a installé un climat anxiogène auprès des habitants de l’agglomération rouennaise, visiblement pas préparés à un tel scénario. Tandis que l’impact sur la santé et l’agriculture locale reste encore à mesurer, l’accident a révélé aux yeux du grand public l’existence de plus d’un millier de sites industriels à risques. Ces lieux sont classés Seveso, comme la commune du nord de l’Italie touchée par un nuage de dioxine en 1976 qui a donné son nom à une directive européenne.
Parmi les usines et autres locaux industriels classés Seveso en France, plus de 700 sont considérés comme étant à seuil haut, soit présentant un niveau de risque plus élevé. C’est le cas de l’usine Malvési à Narbonne, qui purifie et transforme l’uranium, première étape avant que, converti puis enrichi dans d’autres usines, il alimente les réacteurs nucléaires. Ce centre exploité par Orano (ex-Areva) fait donc partie, en théorie, des plus à risques sur le territoire français. Mais contrairement à l’incendie de Lubrizol, dont les fumées ont semé la panique pendant plusieurs jours et entraîné des restrictions sur 20 % des terres agricoles du département, un tel scénario semble improbable à Malvési. Dans l’Aude, Orano affirme garantir plusieurs niveaux de défense successifs et indépendants pour prévenir et détecter les éventuels incidents. Ces dispositifs correspondent au principe de sûreté nucléaire, conformément au Code de l’environnement et aux exigences de l’ASN (Autorité de sûreté nucléaire). Dans le cas où un incident ne pourrait être évité, le protocole en place doit alors permettre d’en maîtriser la source pour empêcher l’aggravation et de gérer la situation pour limiter les conséquences sur les personnes et l’environnement, selon l’exploitant. Comment ces engagements se matérialisent-ils sur le terrain ?
Malvési : trois plans pour parer aux différents degrés de risques
À Malvési, Orano affirme aller plus loin que la réglementation en vigueur via sa propre politique sûreté-environnement renouvelée tous les trois ans. Ce dispositif inclut notamment des mesures de sûreté pour le transport des matières radioactives (conditionnement, modes de transport et d’intervention). En 2018, le nombre de livraisons de combustible nucléaire (UF4) entre Malvési et le site du Tricastin (Gard) a ainsi été limité à quatre, dont une partie par rail, afin d’optimiser les flux. La politique de sûreté prévoit aussi des mesures de prévention des risques à travers : la qualité de conception, de réalisation et d’exploitation de l’usine ; la surveillance permanente du site à la recherche d’éventuelles dérives de fonctionnement ; et la limitation des conséquences pour s’opposer à l’évolution des situations à risques. Trois procédures précises sont donc prévues en cas d’incident ou d’accident.
Le plan d’opération interne (POI) planifie la marche à suivre pour le personnel en cas d’incident dont les conséquences seraient circonscrites aux limites géographiques de l’usine. Le plan d’urgence interne (PUI) mobilise, quant à lui, des ressources extérieures pour protéger le personnel, les populations et l’environnement face à une menace identifiée ; enfin, le plan particulier d’intervention (PPI) est déclenché par le préfet dans le cadre du plan ORSEC départemental en cas d’accident dont les conséquences s’étendraient à l’extérieur du site. Dans ce dernier scénario, la population serait alors alertée par une sirène (SNA) de trois sonneries d’une minute 41 secondes chacune, espacées de 5 secondes entre elles.
Une culture de la sécurité qui porte ses fruits
Dans l’hypothèse de l’une ou l’autre de ces situations, une dizaine d’exercices de simulation est organisée chaque année afin de tester les plans correspondants et d’améliorer les réflexes d’intervention de chacun. Deux d’entre eux sont notamment réalisés avec les pompiers du département, selon des scénarios différents à chaque fois (risque d’incendie, d’explosion ou de propagation chimique). Le 19 février 2019 au matin, la préfecture de l’Aude a ainsi décidé de déclencher un PPI lors d’une simulation grandeur nature. Suite à des vents violents ayant provoqué la chute d’une grue sur un bâtiment de stockage d’ammoniaque, entre 100 et 200 personnes (personnel, pompiers et secouristes, notamment) étaient mobilisées pour intervenir sur les conséquences d’une éventuelle fuite. « Le but est d’évaluer la coordination entre tous les acteurs et la cohérence des actions mises en œuvre », a expliqué Luc Ankri, sous-préfet. Un exercice similaire sera d’ailleurs lancé le 15 et le 16 octobre 2019 à l’initiative de l’ASN.
Ces cinq dernières années, aucun incident n’a cependant justifié l’usage de la sirène, testée à midi tous les premiers mercredis du mois, rappelait le quotidien local lors d’une campagne de distribution de 23 000 brochures d’information grand public sur la procédure à suivre en cas d’accident. L’échelle de risque est malgré tout limitée, l’usine de Malvési n’étant pas classée comme site nucléaire. Mais au sein de l’usine Malvési, plus de 85 salariés sont néanmoins formés aux techniques de lutte contre le risque d’incendie et le risque chimique. Plus de 40 disposent également de leur brevet de sauveteur-secouriste au travail. 13 font partie des 510 volontaires de la Force d’intervention nationale d’Orano (FINA). Et deux infirmières sont présentes sur site au quotidien, ainsi qu’un médecin du travail une fois par semaine.
Pour renforcer encore la sécurité, l’exploitant organise aussi chaque année un « safety day ». Cette journée dédiée à la sécurité au travail inclut des démonstrations et des animations sur la prévention des risques, ainsi que les bonnes pratiques en cas d’intervention. Une culture de la sécurité qui paraît faire ses preuves, puisque le taux de fréquence d’accidents du travail est passé de 2,39 en 2017 à… 0 en 2018, contre 22,7 pour la moyenne nationale et 10,7 dans l’industrie chimique. De quoi rassurer sur le niveau de sûreté à Malvési où, si comme ailleurs le risque zéro n’existe pas, il semble pleinement pris en compte et sous contrôle.
Ces mesures ne sont d’ailleurs pas les seules à avoir été mises en place. Suite à l’incident survenu à Lubrizol, Elizabeth Borne, ministre de la Transition écologique et solidaire, a tenu à rappeler que les préfets ont aussi un rôle à jouer dans la prévention et la sensibilisation des risques. Ces derniers devant « s’assurer à nouveau de la connaissance par tous les opérateurs des risques présentés par les installations et des attitudes à tenir en cas d’alerte ».