C’est l’une des principales inquiétudes et l’un des arguments phares des antinucléaires. Que faire de la montagne de déchets qui sera, pour des millions d’années, laissée à nos descendants ? En y regardant de plus près, la montagne ne semble guère plus qu’une petite butte et son avenir déjà en grande partie réglé par différentes solutions, de l’entreposage au recyclage, qui concerne 96 % du combustible usé en France. Car le sujet est très complexe, il est délicat d’y voir parfaitement clair, alors que se déroule actuellement la consultation publique pour l’implantation d’une nouvelle piscine de stockage de combustibles nucléaires usés sur les terrains d’Orano, à La Hague.
Un volume plus limité qu’il n’y paraît
C’est une publication twitter qui, en septembre 2021, a fait son petit effet dans la communauté des spécialistes de l’énergie. Un twittos a intégré, sur une photo du vieux port de Marseille, un cube supposé représenter, en volume, « la totalité des déchets nucléaires de haute activité produits en France depuis 60 ans ». Ce cube, aux dimensions de 15,8 mètres de côté, contiendrait l’ensemble des déchets de haute activité à vie longue (HAVL). Eux-mêmes constituent 98 % de la radioactivité de tous les déchets nucléaires. « Cela tiendrait facilement dans un camion », explique Dominique Grenêche, docteur en physique nucléaire, pour le site de la Société française d’énergie nucléaire (SFEN).
Puisque #Marseille est en tendance :
Voici sur le vieux port de Marseille la TOTALITÉ des déchets nucléaires de haute activité produits en France depuis 60 ans.
A ressortir au prochain qui dit que c’est impossible à gérer et à confiner. pic.twitter.com/aH8NM4mu3g
— laydgeur (@laydgeur) September 2, 2021
Loin d’être un bloc monolithique, la notion de déchet nucléaire cache ainsi différentes réalités, les combustibles usés étant classés selon l’intensité de leur radioactivité et le temps nécessaire à leur décroissance. 90 % des déchets radioactifs sont en effet jugés très marginalement dangereux, à savoir les déchets de faible et moyenne activité à vie courte et les déchets de très faible activité. Ils sont pris en charge par le centre de stockage de l’aube et le Cires de Morvilliers, dans l’Aube. Au bout de 300 ans, leur radioactivité sera comparable à la radioactivité naturelle.
Pour le reste, seuls deux types de déchets constituent une menace sérieuse et peuvent générer des inquiétudes légitimes. Les déchets de haute-activité à vie longue (HAVL) et de moyenne activité à vie longue (MAVL) représentent ainsi respectivement 0,2 % et 2,9 % du volume total des déchets radioactifs français et, surtout, la quasi-totalité de la radioactivité générée par l’énergie nucléaire en France. « C’est là un point fondamental qui mérite d’être explicité puisque ce sont bien ces déchets qui entretiennent la plupart des polémiques et à propos desquels on cite parfois des chiffres extravagants… pour ne pas dire « abracadabrantesques » », souligne Dominique Grenêche.
Les déchets de haute activité à vie longue, six pieds sous terre, après la piscine
Un volume limité, dont le stockage reste problématique et les solutions le fruit de plusieurs décennies de recherche. Est-ce pour autant un casse-tête sans réponse ? Pas exactement. « La seule solution qui apparaît comme parfaitement sûre est celle d’un stockage définitif dans une formation géologique profonde adaptée à un tel stockage », affirme Dominique Grenêche qui cite comme exemple le Waste Isolation Pilot Plan, opérationnel aux Etats-Unis depuis 1999. En France, cette mission est accordée au projet CIGEO, installé à Bure (Meuse), supposé accueillir à 500 mètres sous terre 85 000 m3 de déchets radioactifs, qui fait encore l’objet d’études poussées. Il devrait voir définitivement le jour à l’horizon 2030. Un projet relativement identique est en cours en Suède, où il recueille un large assentiment de la population, tant le pays est largement acculturé aux enjeux nucléaires. La Finlande a aussi privilégié ce choix. Le but de ces futures installations ? Conditionner et conserver hors de toute présence humaine, animale et végétale les déchets nucléaires de haute activité à vie longue pendant 10 000 ans. « La radiotoxicité potentielle des déchets nucléaires de haute activité devient inférieure à celle de l’uranium naturel après environ 10 000 ans », souligne Dominique Grenêche.
Et actuellement ? Dans l’attente de la mise en service de CIGEO, les déchets de haute activité sont entreposés, après avoir été vitrifiés et conditionnés au sein de conteneurs en acier, dans les piscines du site de la Hague, géré par le géant français du nucléaire Orano. L’entreposage en piscine, temporaire avant le stockage définitif, présente plusieurs avantages, notamment celui de permettre un refroidissement relativement rapide des combustibles usés et une surveillance facilitée. A terme, 90 % des 1 100 tonnes de combustible récupérées chaque année sont traités et recyclés pour un usage futur, précise géant français du nucléaire.
En termes de sûreté, le site fait l’objet d’une attention permanente de l’Agence de sécurité nucléaire et d’un panel d’organismes, allant du Haut fonctionnaire de défense et de sécurité (HFDS) à l’Agence internationale de l’énergie atomique, jusqu’à la communauté européenne de l’énergie atomique (Euratom). « Les visites surviennent parfois de manière inopinée, par exemple la nuit où le week-end. Au minimum, nous accueillons deux ou trois inspecteurs pour une journée, mais sur certaines thématiques nous recevons 15 personnes », explique Stéphanie Gaiffe, directrice adjointe en charge des opérations du site, au magazine L’Express. « Ce projet de conditionnement est certifié par dix autorités de sûreté au niveau mondial », précise Orano. Mais, avec l’essor de la filière nucléaire en France, le site de la Hague apparaît déjà un peu à l’étroit. Pour y faire face, Orano prévoit une densification des espaces entre les combustibles et, éventuellement, une extension du site.
Pour les acteurs du nucléaire, le principal enjeu n’est finalement pas la capacité à stocker, dans des conditions de sécurité acceptables, les déchets de haute activité. Mais plutôt de réussir à prévenir les générations futures de leur existence. « Pour répondre à la demande sociale, nous devons aller au-delà et nous interroger sur une mémoire multimillénaire », affirme Patrick Charton, pour Slate, en charge de piloter un projet sur la question à Cigéo.
Excellent « papier », qui relativise l’un des plus importants « problèmes » posé par l’exploitation de l’énergie nucléaire…
Le problème des déchets, certes factuel, est, en effet, étalé (et souvent très surévalué) par les adversaires idéologiques et viscéraux du nucléaire, qui s’empressent, par ailleurs, de « mettre le maximum de bâtons dans les roues » en ce qui concerne toute avancée vers des réacteurs de 4ème génération, qui « risqueraient » de régler définitivement le problème des déchets, en enlevant, ainsi aux adversaires compulsifs du nucléaire, le seul « argument » encore susceptible d’être pris en compte par la « vox-populi »…
Je ne m’explique pas l’objet réel de cette guerre picrocholine qui ressemble fort à du « perdant-perdant » !
Le cube qui figure sur l’image du vieux port de Marseille représente environ 4100 m3 pour les déchets de haute et moyenne activité. Or vous évoquez dans votre article (si j’ai bien lu) un volume de ces mêmes déchets égal à 85 000 m3, soit environ 21 cubes à disposer autour du port: de quoi largement couper la vue au riverains!