Depuis des décennies, l’énergie fait partie du noyau dur des échanges européens – l’Union, est, après tout née sur la base d’une alliance autour d’échanges de charbon. Aussi, chaque étape du développement européen pose la question de l’intégration du marché de l’électricité et des systèmes de distribution – une question remise au-devant de l’actualité la réforme du marché continental de l’électricité.
Elia, le gestionnaire du réseau électrique belge œuvre actuellement sur une ligne à haute tension sous-marine, baptisée Nemo, qui relie le continent au Royaume-Uni. Ce câble sous-marin, d’une longueur de 140 kilomètres devrait être opérationnel en début d’année prochaine. « C’est un projet titanesque qui se réalise. Il va augmenter considérablement nos capacités d’échange et positionner nos infrastructures au centre d’un futur système électrique européen intégré », se félicite Chris Peeters, le CEO d’Elia.
Dans le même temps, une connexion similaire avec l’Allemagne est en cours d’élaboration. Plus globalement, la Belgique est déjà reliée par des lignes haute-capacité aux Pays-Bas et à la France. Via cette politique d’intégration, le pays espère dynamiser ses prix de gros. « Il faut voir les choses à long terme. Le potentiel éolien au Royaume-Uni est énorme. Et si nous avions eu Nemo ces derniers mois, il nous aurait permis d’importer des surplus de l’Angleterre et de limiter la hausse des prix », note Patrick De Leener, cadre supérieur chez Elia.
Mais tous ne partagent pas l’enthousiasme d’Elia. Alors que le Parlement européen a entamé le dernier cycle de négociations autour de la réforme du marché continental de l’électricité, certains acteurs, en particulier des gouvernements, craignent que la multiplication de lignes avec d’autres états membres créent une hémorragie vers les pays voisins. Cumulé à la transition vers des sources durables – aussi aléatoire – il craignent une insuffisance des réseaux prévus pour une distribution nationale. C’est notamment le cas de l’Allemagne souhaite limiter à 75 % les échanges transfrontaliers d’électricité.
A contrario, les pays d’Europe du Nord appellent, eux, à une plus grande intégration. Dans une tribune écrite sur le site Euractiv, ils estiment que la proposition allemande « est comme construire une autoroute pour ensuite autoriser les automobilistes à ne rouler que sur la moitié des voies ». Les signataires de la déclaration comptent l’eurodéputé danois Morten Helveg Petersen (Libéraux), l’eurodéputé finlandais Miapetra Kumpula-Natri (S&D), le Suédois Jakop Dalunde (Verts) et Bendt Bendtsen, un député danois du Parti populaire européen (PPE) de centre droit.
Ils soulignent que les infrastructures transfrontalières ne fonctionnent actuellement qu’à 30 % à 35 % de leurs capacités, d’après l’Agence européenne de coopération des régulateurs de l’énergie (ACER). Cela revient, pour eux, à « gaspiller de l’argent, notamment celui des contribuables, des consommateurs d’électricité et du budget européen qui a financé l’expansion du réseau ». La Commission a elle aussi pris position contre des « restrictions injustifiées » à la libre circulation de l’électricité entre États membres.
L’exécutif européen n’avait pas prévu la « lubie de fixer une limite de flux » de Berlin, rapporte Florian Ermacora, haut fonctionnaire européen de la DG énergie. « La libre circulation des biens est une valeur essentielle dans tous les traités européens note-t-il. Pour autant, Rainer Baake, secrétaire d’État allemand responsable de l’énergie avait même demandé un plafonnement des échanges à 65% de la production. Le chiffre de 75% est donc le fruit d’un compromis, et ne devrait donc pas beaucoup évoluer, malgré les protestatins scandinaves.
Aussi, l’enjeu est désormais de fixer les modalités du calcul de cette marge. « Pour nous, il est crucial que : 1) le calcul de ces 75 % soit entièrement transparent, 2) le plafond de 75 % ne soit que temporaire, 3) pour l’appliquer, les GRT justifient de sa nécessité, et que cette justification soit accessible aux décideurs politiques au niveau national et transnational », ont fait savoir les eurodéputés nordiques.