Le principal souci des grandes organisations non gouvernementales (ONG) de défense de l’environnement est, nous disent-elles haut et fort, de faire face à l’urgence climatique. Depuis des années, elles militent, soi-disant dans ce but, pour le développement rapide dans notre pays de centrales éoliennes et photovoltaïques, et la fermeture immédiate de nos centrales nucléaires. Leur idole est l’Allemagne, qui a construit maintenant une puissance de plus de 100 GW de centrales éoliennes et photovoltaïques[1], et aura fermé toutes ses centrales nucléaires d’ici 2022.
Eolien + solaire – nucléaire = + de charbon et/ou de gaz
Mais, du fait de l’intermittence et du caractère fatal et non pilotable de l’éolien et du photovoltaïque, l’Allemagne a dû impérativement conserver l’intégralité de la puissance de ses centrales pilotables. Cela pour pouvoir faire face aux périodes sans vent et sans soleil en période de forte consommation, ce qui arrive plusieurs fois chaque hiver en même temps dans l’Europe Occidentale toute entière[2]. Elle a donc dû compenser la puissance électrique perdue par la fermeture de ses centrales nucléaires, par l’augmentation de celle de ses centrales à gaz et (un peu) à biomasse, tout en conservant ses centrales à charbon.
Le gouvernement français a semble-t-il décidé de céder aux injonctions de ces ONG, puisqu’il suit actuellement l’exemple de l’Allemagne. La France a déjà construit environ 23 GW d’éolien et de photovoltaïque, mais encore préservé sa puissance de nucléaire. Elle veut maintenant la diminuer. Mais elle veut aussi fermer ses quelques centrales à charbon (3 GW de puissance totale). Il lui faudra alors compter de plus en plus sur des centrales à gaz à cycles combinés (CGCC) comme centrales pilotables et, comme elle n’en a pas beaucoup actuellement (environ 6 GW seulement de puissance totale), en construire de nouvelles. Elle dispose aussi d’environ 3 GW de centrales à cogénération chaleur-électricité !
Les émissions de CO2 de l’électricité sont bien plus faibles en France qu’en Allemagne !
Mais quels ont été jusqu’à présent les effets de la politique allemande sur les émissions de CO2 de sa production d’électricité, et donc sa réponse à l’urgence climatique, et comment ses émissions se comparent-elles jusqu’ici à celles de la France ?
L’Agence Européenne de l’Environnement estime régulièrement les quantités de CO2 dues à la production d’électricité des pays européens[3]. De 1990 à 2016, dernière année documentée, les émissions de l’Allemagne ont été au total d’environ 9 milliards de tonnes et celles de la France de 1,5 milliard. Cela est dû bien sûr à l’usage très important sur cette période des combustibles fossiles, charbon surtout, en Allemagne par rapport à la France, laquelle est mieux dotée en hydroélectricité et a développé le nucléaire jusqu’à lui faire produire environ 75% de son électricité. Si l’on rapporte ces valeurs au kWh produit, on constate que l’Allemagne a envoyé de ce fait en moyenne pendant cette période environ 550g de CO2 par kWh dans l’atmosphère, contre environ 100g pour la France. Les valeurs pour 2016, selon la même source, sont de 440,8 g pour l’Allemagne et de 58,5g pour la France, ce qui montre que si l’Allemagne a fait des progrès, ceux-ci sont en valeur relative bien moins importants que ceux de la France, malgré un développement spectaculaire de l’éolien et du solaire photovoltaïque en Allemagne.
Pour la France, suivre l’exemple de l’Allemagne est donc, d’un point de vue climatique, un non-sens absolu et une offense à l’esprit de la COP 21. Mais c’est aussi un danger, comme pour l’Allemagne, d’une dépendance exagérée au gaz.
Charbon et gaz provoquent en Europe des morts que le nucléaire évite.
Le problème posé par les centrales à combustibles fossiles allemandes ne se résume pas à celui du climat et à celui de la dépendance au gaz. Ces centrales sont également préjudiciables à la santé publique, non seulement en Allemagne, mais ailleurs en Europe du fait de la pollution atmosphérique qu’elles entraînent dans les pays voisins. Une étude sur cette question[6], commanditée par des ONG environnementales, fait état d’environ 23 000 morts prématurées en 2013 en Europe rien que du fait des grosses centrales à charbon, dont 4350 dues aux seules centrales à charbon allemande, et 390 dues aux centrales à charbon françaises, soit de 2013 à 2038, à structure de production égale, environ 110 000 morts prématurées à venir dues à l’Allemagne, contre environ 10 000 dues à la France. Cela sans compter la contribution des centrales à fuel et à gaz, qui est loin d’être négligeable, selon une étude des médecins spécialistes Markandya et Wilkinson[7] publiée par la célèbre revue médicale « The Lancet ».
Une étude à laquelle les médias européens ont fait très peu de publicité est celle des climatologues américains Karecha et Hansen[8], qui expliquent, sur la base de l’étude de Markandya et Wilkinson, que le remplacement des centrales à charbon, à fuel et à gaz par des centrales nucléaires aurait évité 1,84 millions de morts prématurées dans le monde entre 1970 et 2010, dont 290 000 en France (et aussi évité l’émission de 64 milliards de tonnes de CO2) !
Pour la santé publique en Europe, la politique allemande de l’électricité n’est donc pas non plus un exemple à suivre pour la France.
La politique allemande a un coût très élevé qui pèse sur les ménages.
Cette politique allemande est-elle au moins avantageuse d’un point de vue financier ? Certes non, puisqu’elle a déjà eu pour résultat de faire pratiquement doubler le prix de l’électricité pour les ménages par rapport aux prix français. Eolien et solaire photovoltaïque, aussi bas que deviennent leurs coûts de production, ne peuvent en effet que faire augmenter les coûts globaux de production du mix électrique. Il y a à cela trois raisons : 1- éolien et solaire photovoltaïque étant intermittents, leur coût d’investissement s’ajoute à celui des centrales pilotables puisque, en l’absence de solution par stockage, ils ne peuvent pas les remplacer 2- le réseau électrique doit être renforcé et développé : des milliers de km de lignes à haute tension sont par exemple construits actuellement en Allemagne, en opposition avec les populations concernées, pour amener l’électricité des éoliennes offshore du Nord aux industries du Sud. 3- Il faut subventionner les indispensables centrales pilotables, dont une partie de la production est remplacée par celle des centrales éoliennes et solaires, ce qui les rend moins rentables, pour qu’elles ne mettent pas la clef sous la porte.
En France, ce prix a d’abord augmenté surtout par le biais d’une taxe, la Contribution au service public de l’électricité (CSPE), affectée aux deux-tiers à l’éolien et au solaire en compensation de leurs surcoûts par rapport aux prix du marché. De 2009 à 2016, ce prix est devenu proportionnel à sa puissance installée d’éolien et de solaire photovoltaïque par habitant, phénomène que l’on a observé aussi en Allemagne, mais d’une manière générale dans les pays d’Europe Occidentale[9].
Mais depuis 2017 les taxes sur les carburants alimentent dans le budget de l’Etat un Compte d’Affectation Spéciale Transition énergétique (CASTE), dédié pour l’essentiel à l’éolien et au solaire photovoltaïque. Les subventions directes sont donc compensées non plus par des taxes sur l’électricité, mais par des taxes sur les carburants. En même temps les dépenses indirectes, augmentation des coûts de réseaux, subventions aux centrales pilotables… ont été mises à la charge du gestionnaire de réseau et d’EDF. Pour autant la CSPE n’a pas été supprimée. Elle a simplement été plafonnée à 27 euros/MWh TTC. L’augmentation du prix de l’électricité en France va donc maintenant certes moins dépendre de la capacité installée d’éolien et de solaire, mais en contrepartie ceux-ci deviendront responsables d’une partie de l’augmentation des prix des carburants, à laquelle les gilets jaunes ont été extrêmement sensibles. Rappelons que l’Allemagne aura dépensé pour sa transition énergétique à base d’éolien et de solaire photovoltaïque plus de 500 milliards d’euros d’ici 2025, et probablement de l’ordre de 1000 milliards d’euros au bout du compte[10]. Cela veut dire que l’Allemagne a déjà consacré en moyenne plus de 25 milliards d’euros par an à cette politique, sans résultats pour le climat. Elle en a fait porter le coût essentiellement sur les ménages. Pourquoi vouloir en faire autant alors que, pour les mêmes raisons, il faut s’attendre à un échec piteux?
L’éolien et le solaire détruiront en France plus d’emplois qu’ils n’en créeront.
Cette politique est-elle au moins créatrice d’emplois ? Sans doute en Allemagne pour les éoliennes, parce qu’elle en fabrique. Mais c’est beaucoup moins vrai du solaire photovoltaïque, car l’Allemagne importe comme tout le monde ses panneaux photovoltaïque de Chine. Quant à la France, elle ne fabrique ni éoliennes ni panneaux photovoltaïques et donc l’argent consacré à ceux-ci sera dépensé en grande partie à l’étranger. Il en résultera globalement une perte d’emplois supérieure à leur création, et un déficit commercial supplémentaire.
ONG environnementales, revenez sur terre !
ONG environnementales, revenez sur terre, et, pour le climat, pour la santé publique, exigez de l’Allemagne qu’elle ferme au plus vite ses centrales à charbon et à gaz, et garde ses centrales nucléaires restantes, plutôt que d’exiger de la France qu’elle ruine ses citoyens et la rende addictive au gaz importé, en développant au forceps l’éolien et le solaire photovoltaïque inutiles, et en fermant ses centrales nucléaires. Exigez également que les sommes mises en pure perte sur l’éolien et le solaire photovoltaïque soient mises sur des actions efficaces de réductions des émissions de CO2 de nos secteurs les plus émetteurs, l’habitat et les transports ! C’est à cela que devrait servir une taxe carbone, et non à financer des éoliennes et des panneaux photovoltaïques qui ne peuvent réduire ces émissions en France. Avec en outre l’avantage de créer des emplois un peu partout en France, au lieu de les créer à l’étranger.
Et défilez pour le climat en Allemagne, et non en France qui est de ce point de vue la plus vertueuse des grandes nations industrialisées.
[1] http://lemontchampot.blogspot.com/2017/03/ubu-chez-les-allemands.html
[2] https://www.sauvonsleclimat.org/fr/presentation/etudes-scientifiques/1963-intermittence-et-foisonnement
[3] https://www.eea.europa.eu/data-and-maps/daviz/co2-emission-intensity-5#tab-googlechartid_chart_11_filters=%7B%22rowFilters%22%3A%7B%7D%3B%22columnFilters%22%3A%7B%22pre_config_ugeo%22%3A%5B%22European%20Union%20(current%20composition)%22%5D%7D%7D
[4] https://allemagne-energies.com/2019/01/27/allemagne-une-sortie-du-charbon-preconisee-dici-2038/
[5] https://www.sauvonsleclimat.org/fr/presentation/etudes-scientifiques/3667-le-stockage-de-lelectricite-realites-et-perspectives-2
[6] https://env-health.org/IMG/pdf/dark_cloud-full_report_final.pdf
[7] Markandya, A., and Wilkinson(P.), 2007 : https://www.academia.edu/12681524/Electricity generation_and_health
[8] Kharecha, P.A., and J.E. Hansen, 2013: Prevented mortality and greenhouse gas emissions from historical and projected nuclear power. Environ. Sci. Technol., 47, 4889-4895, doi:10.1021/es3051197
[9] https://www.sauvonsleclimat.org/fr/presentation/etudes-scientifiques/3375-electricite-renouvelable-intermittente-europe
[10] https://www.welt.de/wirtschaft/article158668152/Energiewende-kostet-die-Buerger-520-000-000-000-Euro-erstmal.html