En cette nouvelle année, il est indispensable de faire le bilan de la production d’électricité en 2022.
Pour cela, nous comparerons l’Allemagne, souvent mise en avant par de nombreux politiques français pour son avance dans la transition énergétique, et la France, que ces mêmes politiques disent en retard.
Attention, l’électricité ne représente que 20 à 25% de l’énergie consommée. De plus, l’empreinte carbone des habitants tient compte des importations (soit 50% pour un Français). Les émissions de CO2 présentées dans cet article ne concernent donc que celles liés à la production d’électricité.
France vs Allemagne en un clin d’oeil
France : la production d’électricité en France a fortement diminué par rapport à 2021 (-16% par rapport à 2021), lié à la faible disponibilité du parc nucléaire français et la faible pluviométrie qui joue sur la production hydroélectrique. Cela a été compensé principalement par une production plus importante des centrales fossiles (+22%) et par des importations.
Vis-à-vis du réchauffement climatique, 35 millions de tonnes de CO2 ont été émises soit 5 millions de plus qu’en 2021. L’intensité carbone annuelle est à 83 gCO2/kWh.
Allemagne : La production d’électricité en Allemagne est stable par rapport à 2021. En revanche avec la guerre en Ukraine et le prix du gaz, les centrales à charbon et à lignite ont plus tourné (+10%) pour compenser les 3 centrales nucléaires fermées en 2021.
Vis-à-vis du réchauffement climatique, 279 millions de tonnes de CO2 ont été émises soit 15 millions de tonnes de plus qu’en 2021. L’intensité carbone annuelle est à 508 gCO2/kWh.
Politiques énergétiques électriques
France : De 1973 au milieu des années 90, le développement des centrales nucléaires en France a permis d’obtenir une certaine indépendance énergétique et bas carbone, un prix faible de l’électricité pour tous et une avance technologique avec les réacteurs à neutron rapide.
Depuis 1995 jusqu’à ce jour, les hommes et femmes politiques français se désintéressent en très grande majorité de la technique et de la stratégie énergétique, préfèrent mettre le nucléaire français sur l’échafaud de tractations politiciennes en vue d’élections, tout en suivant aveuglement la politique libérale européenne qui cherche à détruire l’avantage français et son bas coût de l’électricité.
Allemagne : Si l’Allemagne a développé des centrales nucléaires dans les années 70 jusqu’au milieu des années 80, elle n’a pas poursuivi dans cette voie. Malgré un projet commun avec la France, l’EPR, au début des années 90 après la réunification, l’arrivée des Grünen au pouvoir en 1998 a très vite mis un point d’arrêt au nucléaire et a converti l’industriel Siemens vers les turbines à gaz et les éoliennes. Et afin de se passer de charbon et de gaz, l’Allemagne rêve d’hydrogène vert.
Le bilan de la production électrique en 2022
Production d’électricité 2022 en France et en Allemagne
France :
La production d’électricité en France a fortement diminué par rapport à 2021 (-16%) avec une baisse notable de la production nucléaire et de la production hydro-électrique. Pour le nucléaire, cela s’explique par trois raisons :
- un programme industriel important de maintenance et d’investissement dans le cadre du grand carénage (ou Long Term Operations en anglais). Les durées d’arrêts des centrales nucléaires est plus long, diminuant leur disponibilité. Ces éléments sont connus de longues dates.
- les suites de la crise covid qui a perturbé les arrêts de tranches en 2020 et 2021, reportant certains arrêt à 2022.
- le phénomène de corrosion sous contrainte découverts sur les centrales les plus récentes du parc (1300 PP4 et N4) nécessitant de diagnostiquer le phénomène, (les tranches 900 et 1300 P4 ne sont pas concernées) et amenant des travaux supplémentaires (fabrication de nouvelles tuyauteries et leurs soudages) avec des ressources non dimensionnées pour de tels travaux en parallèle.
Pour l’hydro-électricité, cela s’explique par la faible pluviométrie 2022 en France.
Cette baisse de production des moyens pilotables bas carbone a été principalement compensée par une plus grande production des centrales à gaz et à charbon (+22%) et par les importations.
Vis-à-vis du réchauffement climatique, 35 millions de tonnes de CO2 ont été émises soit 5 millions de plus qu’en 2021. L’intensité carbone annuelle est à 83 gCO2/kWh. L’utilisation accrue des centrales thermiques fossiles en est la cause.
Pour les capacités pilotables, des centrales à charbon ont été fermés et d’autres prolongées (St Avold). La centrale à gaz fossile de Landivisiau, conçue initialement pour ne fonctionner que à la pointe et sécuriser le réseau Breton, a quasi produit en permanence (1).
Pour les capacités non pilotables, les premières éoliennes offshore ont été mises en service fin novembre à St Nazaire. Le solaire et l’éolien terrestre ont continués à se développer (respectivement +29% et +13% en capacité)
Allemagne :
La production d’électricité en Allemagne est stable par rapport à 2021. En revanche avec la guerre en Ukraine et le prix du gaz, les centrales à charbon et à lignite ont plus tourné (+11%) pour compenser les 3 centrales nucléaires fermées en 2021.
Vis-à-vis du réchauffement climatique, 279 millions de tonnes de CO2 ont été émises soit 15 millions de tonnes de plus qu’en 2021. L’intensité carbone annuelle est à 508 g CO2/kWh. Cela s’explique par la moindre production nucléaire liée à la fermeture de 3 centrales et l’augmentation de l’utilisation des centrales à charbon et à lignite.
Pour les capacités pilotables, 3 centrales nucléaires ont été arrêtées fin 2021, les 3 dernières qui devaient être arrêtées fin 2022 sont prolongées à mars 2023. Des centrales à charbon mis sous cocon ont été redémarrées face à la crise d’approvisionnement de gaz russes.
Pour les capacités non pilotables, le solaire continue à se développer mais l’éolien, qu’il soit en mer ou terrestre, ne progresse plus aussi vite que les années précédentes.
L’histoire de la transition électrique française
France 1945-1973 – l’électrification du pays
En France, après la deuxième guerre mondiale, la production d’électricité était principalement faite à partir de charbon extrait en France. Lors des années 50, pour électrifier la France, de nombreux barrages hydrauliques ont été construits. Puis dans les années 60, le charbon en déclin est remplacé par des centrales à fuel, combustible très bon marché.
France 1973-1995 – le plan Messmer
Évolution de la production d’électricité en France (TWh)
Dans les années 70, avec les chocs pétroliers de 73 et 79 qui voient le prix du pétrole explosé, la France se lance dans la construction de nombreuses centrales nucléaires afin d’être bien plus indépendante pour sa production d’électricité. C’est le plan Messmer (2) avec 58 réacteurs de type REP (réacteur à eau pressurisée) et 1 réacteur de type RNR Superphénix (réacteur à neutron rapide), mis sur le réseau entre 1978 (Fessenheim 1 & 2) et 2002 (Civaux 1 & 2).
Évolution du mix électrique français
Sans le vouloir initialement, la volonté d’indépendance aux énergies fossiles importées pour la production d’électricité a permis de décarboner très rapidement le mix électrique français en le faisant passer de 65% de fossile en 1976 à 10% au début des années 90. Et ceci en multipliant par 2,5 la production d’électricité sur la même période.
Cela permet aussi de couvrir la consommation en électricité des Français, d’avoir un prix de l’électricité bas pour tous et de rapporter environ 1 milliard d’euros par an dans la balance commerciale française avec les exports d’électricité.
France 1995 à 2022 – le vert est dans le fruit
A partir du milieu des années 90, les politiques français se désintéressent de plus en plus à la technique et la stratégie énergétique. La production électrique est principalement à la main de l’entreprise publique EDF. Les investissements dans les moyens de production ont été faits durant les 20 années précédentes. EDF et la politique énergétique française devient donc une variable d’ajustement au budget de l’État (dividendes exceptionnels) et aux ententes politiciennes en vue des diverses élections.
Centrale RNR Superphénix
Le premier à en pâtir est Superphénix, réacteur à neutron rapide qui en avait un facteur de disponibilité de 95% avant sa fermeture. La France est alors très en avance sur cette technologie qui permet de diminuer les déchets radioactifs en recyclant facilement le combustible usé et l’uranium appauvri issu de l’enrichissement des combustibles pour les REP.
Mais un moyen de traiter les déchets les plus actifs et de recycler, les politiciens Verts n’en veulent pas, cela leur ferait un argument en moins pour dire « le nucléaire c’est pas bien ».
Entre 1995 et 1997, Corinne LEPAGE est ministre de l’Environnement. Elle est avocate spécialisée dans l’environnement et combat depuis longtemps le nucléaire (3). Elle a notamment été l’avocate d’opposants à l’implantation des centrales de Cattenom et Superphénix. Au gouvernement elle refuse de signer le décret de redémarrage de Superphénix. Depuis, elle continue notamment à gagner sa vie en tant qu’avocate dans des affaires contre l’industrie nucléaire.
En 1997 lors des élections législatives gagnées par une coalition parti socialiste – les Verts, les arrangements PS-Verts inclus la fermeture de Superphénix. Dominique VOYNET des Verts, alors ministre de l’Environnement et ouvertement antinucléaire (4), pousse la fermeture de Superphénix dès 1998.
En 2002 et 2007, les gouvernements UMP valident la construction d’un EPR à Flamanville 3 (5) en vue de relancer la filière et de renouveler les compétences de construction. L’objectif était de poursuivre avec 2 autres EPR.
Mais aux présidentielles de 2012, la coalition Parti Socialiste Europe Écologie les Verts qui remporte l’élection arrive avec un nouveau slogan sans fondement technique « 50% de nucléaire maximum dans le mix et pas de puissance supplémentaire à celle déjà installée ».
Le démarrage de Flamanville 3 est donc conditionné à l’arrêt d’autres centrales.
C’est alors la ministre de l’Environnement Ségolène ROYAL qui valide la Programmation Pluriannuelles de l’Énergie (6) qui entérine les 50% de nucléaire dans le mix électrique français et la fermeture de 14 réacteurs nucléaires sur les 58 en fonctionnement d’ici 2035 avec 4 à 6 d’ici 2028 dont les 2 de Fessenheim. Cette orientation de fermeture de réacteurs nucléaires est aujourd’hui toujours d’actualité à ce jour malgré les nombreuses annonces d’Emmanuel MACRON.
Centrale de Fessenheim
En 2017, Emmanuel MACRON poursuit la politique de son prédécesseur et sa ministre de l’environnement Elisabeth BORNE dit fièrement lors de la signature du décret de fermeture des 2 réacteurs de Fessenheim en 2020 « Ça fait des années qu’on disait : ‘Il faut fermer des centrales nucléaires’. Il y a ceux qui en parlent, et puis il y a ceux qui le font. Nous, on le fait », et en 2021 « l’arrêt de Fessenheim incarne l’écologie de responsabilité. Avec l’arrêt des deux réacteurs de Fessenheim, nous engageons à 50 % la réduction de la part du nucléaire d’ici 2035 ». Et pour enfoncer le clou, on arrête le programme de recherche Astrid sur les réacteurs de génération 4.
En parallèle, tout est fait pour développer les ENR et fermer des centrales fossiles pilotables, ce qui est bien en soit pour le climat.
ENR électriques non pilotables
Mais l’orientation des subventions va principalement aux ENR électrique, secteur déjà décarboné, au détriment des ENR thermiques alors que le chauffage en France est encore majoritairement fossile à base de fuel et de gaz (rapport de la cour des comptes (7)). Cela à pour conséquence de favoriser l’importation d’éoliennes allemandes ou danoises et de panneaux photovoltaïques chinois, ce qui augmente notre dépendance.
Et la diminution des capacités de production d’électricité pilotables (fossiles et nucléaire avec Fessenheim) met le réseau électrique français en danger.
Le point commun à tous ces politiques ? Ils n’écoutent pas leurs conseillers techniques et scientifiques ni les autorités compétentes sur le sujet. Le discours d’Yves BRECHET, Haut-commissaire à l’énergie atomique de 2012 à 2018, lors de son audition de la commission d’enquête en cours (8) est symptomatique de la perte de repère scientifique de nos dirigeants. De même, André-Claude LACOSTE, président de l’Autorité de Sûreté Nucléaire, alertait déjà en 2007 sur le risque de fermeture de moyens de production pilotables (9) s’ils n’étaient pas remplacés.
Pour en savoir davantage je vous invite à consulter la Commission d’enquête visant à établir les raisons de la perte de souveraineté et d’indépendance énergétique de la France (10) ainsi que les interventions clés de la-dite commission (11)
En parallèle de ces aspects techniques, les gouvernements français de droite et de gauche, abonde dans le sens de la politique économique européenne qui veut rendre l’électricité un produit de marché à tout prix. Se cache derrière ça deux aspects. Tout d’abord, il n’est pas dans la doxa libérale européenne d’avoir un monopole qui fasse mieux que les lois du marché, il faut donc tout faire pour le démanteler. En effet, l’électricité française est l’une des moins chère d’Europe, aussi bien pour les particuliers que les industriels. Ensuite, il ne fallait pas que la France ait un avantage avec une électricité abordable par rapport à l’Allemagne et ses industries.
En 1999, ouverture pour les gros consommateurs (12) mais les prix de marchés dépassent les prix historiques. Les industriels demandent un retour à des tarifs régulés (Tartam). S’en suit l’ouverture pour les plus petits consommateurs et les particuliers.
En 2010, loi de nouvelle organisation des marchés de l’électricité (loi NOME) avec la création de l’ARENH. Dans la doxa libérale, il faut de la concurrence. Mais comme la production nucléaire a un coût relativement faible, les concurrents ne se voient pas investir dans des moyens de production pour concurrencer EDF. L’ARENH leur permet donc d’acheter jusqu’à 100 TWh (1/4 de la production nucléaire à l’époque) à EDF à un prix fixé à l’avance à 42 €/MWh. « Pourquoi 42 ? parce que pas 43 » dixit Jean-François CARENCO, alors président de la commission de régulation de l’énergie, lors d’une audition à l’assemble nationale le 4 avril 2019 (13),
Extrait audition de la CRE à l’Assemblée nationale le 9 avril 2021
Ce montant couvre à peine les coûts d’exploitation des centrales nucléaires et surtout ne permet pas de financer le renouvellement à venir des moyens de production. En plus, les fournisseurs alternatifs peuvent choisir entre prendre l’électricité sur le marché quand celui-ci est inférieur à l’ARENH, ou le prendre à l’ARENH quand le marché est plus haut. Pile les fournisseurs alternatifs gagnent, face EDF perd.
Et pour garantir encore plus l’existence de la concurrence à tout prix au niveau des consommateurs particuliers, le tarif régulé de l’électricité (TRV) n’est plus calculé en fonction des coûts pour EDF mais tient compte de la marge que doivent avoir les fournisseurs alternatifs pour continuer à vivre. En gros le TRV est plus cher par construction que les prix des fournisseurs alternatifs.
Pour plus d’information sur le marché de l’électricité, je vous recommande les très bonnes vidéos sur le sujet de Gilles MITTEAU sur sa chaîne YouTube Heureka (14).
Energiewende allemande
Mine à ciel ouvert de lignite
Après-guerre, l’Allemagne de l’Ouest et l’Allemagne de l’Est produisent leur électricité principalement à partir du charbon et de la lignite qu’elles ont en abondance dans leurs sous-sols. Le manque de relief montagneux fait que c’est principalement de l’hydroélectricité fil de l’eau qui est construite et en plus faible capacité qu’en France. Les deux Allemagne ont donc à la fin des années 60 un mix à plus de 90% d’origine fossile.
Évolution du mix électrique allemand
Comme en France, l’Allemagne lance la construction de centrales nucléaires dans les années 1970 jusqu’au milieu des années 80. Cela lui permet d’augmenter sa production d’électricité et de décarboner son mix, en passant d’environ 95% de fossiles en 1973 à 70% en 1985, résultat encore loin d’être obtenu par son Energiewende des années 2000.
Au début des années 90, après la chute du mur et la réunification allemande, le projet franco-allemand EPR est lancé par le président français François MITTERAND et le chancelier allemand Helmut KOHL. Ce projet s’inscrit dans la lignée de ce qui a été fait avec Airbus. Il rassemble les entreprises EDF, Framatome (concepteurs des REP français) et Siemens (concepteur des REP allemand), ainsi que le CEA et le centre de recherche de Karlsruhe (aujourd’hui Karlsruher Institut für Technologie (KIT))
En 1998, Gerhard SCHRÖDER est élu chancelier avec une coalition SPD (sociaux-démocrates) et Grünen (verts). Le vice-chancelier est Joschka FISCHER, premier Grünen à occuper un poste au gouvernement fédéral allemand. La politique énergétique allemande change avec un désengagement accéléré du nucléaire.
En juin 2000, une loi impose aux exploitants nucléaires des quotas de production d’électricité avant fermeture. En octobre 2010, la loi augmente les quotas et certaines centrales auraient pu produire jusqu’en 2036.
Dans ce contexte et avec la construction du gazoduc russe Northstream 1, Siemens se retire définitivement du projet EPR en 2009 tout en renforçant sa production de turbines à gaz et en développant sa filière éolienne.
En mars 2011, à la suite de l’accident de la centrale de Fukushima au Japon, la chancelière Angela MERKEL programme l’arrêt de toutes les centrales allemandes au plus tard en 2022.
Gazoduc
En parallèle, avec les préoccupations du réchauffement climatique qui commence à émerger et les taxes carbones, l’Allemagne oriente sa politique électrique sur le gaz et les ENR. Le chancelier Gerhard SCHRÖDER se porte garant auprès des banques allemandes d’un crédit de 1 milliard d’euros auprès de la société russe Gazprom pour la construction de ce gazoduc germano-russe Northstream 1 (17). Il rejoindra le conseil d’administration de Gazprom quelques semaines après avoir signé en 2005 le projet final de construction du gazoduc. Après la mise en service en 2012, le projet du Northstream 2 est lancé. Il sera mis en service en octobre 2021.
Côté ENR, l’Allemagne a déjà subventionné leur développement à hauteur de 500 milliards d’euros.
Voir à ce sujet un tableau sur les capacités de production dans le processus de fabrication des panneaux solaires qui montre la domination mondiale des Chinois (18)
Si l’Allemagne a su développer son industrie éolienne avec Siemens et concurrencer le géant danois Vestas, côté photovoltaïque les Chinois dominent le marché mondial. Mais tout n’est pas rose dans l’industrie éolienne, en septembre 2022, le PDG de Siemens Gamesa annonce un marché trop petit et la suppression de 2900 emplois dans le monde.
Quant au lignite et au charbon, l’Allemagne a annoncé la fin pour 2038. En novembre 2021, la nouvelle coalition au pouvoir ramène l’échéance à 2030. C’était avant la guerre en Ukraine, la destruction des gazoducs Northstream 1 et 2 et la réouverture de centrales à charbon.
Pour l’avenir et se passer des énergies fossiles, les Allemands misent sur « l’hydrogène vert« , et veut entrainer l’Europe dans son rêve (oui les allemands sont romantiques, pas cartésiens).
L’influence de l’Allemagne dans le marché de l’électricité européen et dans les objectifs de réduction des émissions à effet de serre est très important. L’Allemagne ayant abandonné son industrie nucléaire et ayant développé une industrie éolienne, elle fera en sorte que les objectifs européens sur les énergies ne soient pas en part d’énergie bas carbone mais en part d’énergie renouvelable. C’est ainsi qu’elle fera tout pour évincer le nucléaire de la taxonomie européenne. Seul son besoin d’inclure le gaz fossile comme énergie de transition fera que le nucléaire soit inclus dans la taxonomie européenne.
De même, afin de pouvoir « verdir » sa production électrique en l’absence de vent ou de soleil, les certificats d’origines renouvelables adossables à un kWh fossile ont une validité de 1 an sur le marché européen (contre 1 mois en France). Cela permet donc de verdir 1 kWh produit par une centrale à charbon l’hiver avec un certificat d’origine acheté l’été avec 1 kWh de solaire. Encore mieux, des certificats d’origine peuvent être achetés à l’Islande (100% ENR géothermie et hydraulique) alors qu’elle n’est même pas reliée au réseau électrique européen. L’Allemagne propose le même système pour les certificats d’hydrogène vert.
Côté marché de l’électricité, l’Allemagne a tout fait pour que le coût de l’électricité ne soit pas basé sur le coût moyen du parc de production des pays, mais sur le coût du dernier moyen de production appelé. Et ce pour l’ensemble des échanges sur le marché, pas uniquement les échanges spots et/ou infraday qui permettent l’équilibre de l’offre et la demande à tout instant. Avec l’explosion du prix de gaz à la suite de la guerre en Ukraine, l’Allemagne ne veut pas que ce marché de l’électricité soit revu pour décorréler le prix de l’électricité et le prix du gaz, afin que l’électricité des autres pays dont la production n’est pas basée sur le gaz ne devienne moins chère qu’en Allemagne et donc lui fasse concurrence pour les industries.
Question ouverte : la guerre en Ukraine et la mainmise de la Russie sur le gaz allemand feront-elles changer de direction l’Energiewende ?
Références
(1) https://www.letelegramme.fr/economie/la-centrale-de-landivisiau-tourne-quasi-en-continu-pour-assurer-les-besoins-en-electricite-de-la-bretagne-20-10-2022-13204297.php
(2) https://fr.wikipedia.org/wiki/Histoire_du_programme_nucl%25C3%25A9aire_civil_de_la_France
(3) https://fr.wikipedia.org/wiki/Corinne_Lepage
(4) https://fr.wikipedia.org/wiki/Dominique_Voynet
(5) https://fr.wikipedia.org/wiki/Centrale_nucl%25C3%25A9aire_de_Flamanville
(6) https://fr.wikipedia.org/wiki/Programmation_pluriannuelle_de_l’%25C3%25A9nergie
(7) https://www.ccomptes.fr/fr/publications/le-soutien-aux-energies-renouvelables
(9) https://www.senat.fr/rap/r06-357-2/r06-357-24.html
(11) les interventions clés de la commission d’enquête sur la souveraineté énergétique
(12) https://fr.wikipedia.org/wiki/March%25C3%25A9_de_l’%25C3%25A9lectricit%25C3%25A9_en_France
(13) https://www.youtube.com/watch?v=4B9HRQhobq4
(14) https://www.youtube.com/watch?v=ienoSbONyhw&list=PLbHgDl1izvblACA6zecmTer9o-YDQLwOR
(16) https://fr.wikipedia.org/wiki/Finance_verte
(17) https://fr.wikipedia.org/wiki/Nord_Stream
(18) https://www.courrierinternational.com/grand-format/infographie-qui-domine-le-marche-de-la-fabrication-des-panneaux-solaires
Origines des données utilisées pour les graphiques
BP statistical (production électrique)
https://www.bp.com/en/global/corporate/energy-economics/statistical-review-of-world-energy.html
Les données pour la production d’électricité d’origine fossile pour l’Allemagne sont estimées entre 1973 et 1979. Pour les autres sources (nucléaire, hydro, biomasse), elles sont issues des statistiques de BP aux vues des consommations de charbon.
US Energy Information Administration (production électrique)
https://www.eia.gov/international/data/world/electricity/
Energy Charts (production électrique)
Revue géographique de l’Est – tome 20, n°1-2, Janvier-juin 1980. Varia. (production électrique)
Évolution de la consommation et de la production des différentes sources d’énergies en France entre 1970 et 1980 – Claude Seyer
Electricitymaps (intensité carbone disponible sur le github de l’application)
https://www.electricitymaps.com/
Illustration Flickr: site nucléaire de Cruas, Author jean-louis Zimmermann
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(UE + Lobbies + Écologisme) – Ingénieurs = la stratégie de l’Hydrogène ?
« Atomkraft Nein Danke ! » ou « La triste saga de l’irréprochable nucléaire civil allemand »
A 84 ans, j’ai vécu avec tristesse le désengagement de la France depuis 50 ans sur la construction de nos centrales nucléaires qui nous permettait une avance certaine sur le faible coût de l’électricité .
Ma colère aujourd’hui est grande,quand aux incompétences tragiques de nos dirigeants politiques depuis Superphénix qui ne connaissaient en rien la compétence de nos ingénieurs et de nos chercheurs qui allaient donner à la France une avance et une compétitivité mondiale et un moyen de nous enrichir par la vente d’électricité.
Cela coûtait trop cher selon eux et j’en veux personnellement à Mme Voinet qui a fermé Superphenix, elle était inapte à prendre cette décision qui nous cause aujourd’hui 25 ans de retard de recherche. Évidemment qu’un prototype coûte cher mais nous payons aujourd’hui encore plus cher sa sottise et sa fourberie.
Elle et quelques autres devraient être poursuivis (Mme Royal et de nombreux écologistes fanatiques) car ils ont poignardé la France.
La politique ne fait pas bon ménage avec la science ni avec l’intelligence.
Pour l’Allemagne, nous avons fait preuve de beaucoup de gentillesse et de naïveté et avalé beaucoup de couleuvres.
Les allemands veulent conserver une prépondérance financière et économique sur tous les autres en Europe quitte à user de moyens peu glorieux.
Compte tenu de leurs choix catastrophiques quant à l’énergie et leur économie sur les marchés mondiaux (La Chine et les USA qui n’ont que faire de leurs automobiles), un abîme s’ouvre devant eux.
Il est grand temps que la France se ressaisisse !
.
Vous avez parfaitement résumé la situation. J’ajouterai que sur l’EPR, qui est un désastre industriel, les allemands ont mis leur grain de sel en ajoutant exigences inutiles. Facile, ils savaient depuis le début qu’ils n’en construiraient pas.
Article complet et synthétique. Merci pour cet éclairage simple sur la question. Les enjeux environnementaux passent après les guerres d’influence des puissances economiques