Pour sa production électrique, l’Allemagne réactive ses centrales à charbon émettrices de gaz à effet de serre. La France emboite le pas avec la prolongation de la centrale de Cordemais qui devait s’arrêter avant la fin du quinquennat précédent, avec l’autorisation données aux centrales à charbon à produire plus à partir de janvier 2022, avec la construction et le démarrage de la centrale au gaz de Landivisiau en Bretagne en mars 2022, avec la perspective de relancer la centrale à charbon de Saint Avold l’hiver prochain qui pourtant avait été fermée à cause de son impact carbone fort. Comment en sommes-nous arrivés là ?
Aveuglement idéologique
C’est d’une logique implacable ! Aveuglé par la perspective d’un paradis terrestre agité par l’idéologie des énergies renouvelables et par méconnaissance du domaine énergétique complexe, le citoyen s’est laissé bercé par une nouvelle idéologie. Il est maintenant rendu à payer plus cher son électricité dont il sera contraint de se passer périodiquement et à subir les effets du réchauffement climatique. La TOTALe !
Dans le domaine de l’écologie, la hausse de la température de l’atmosphère terrestre nous a obligé à revoir nos usages quasiment exclusifs des énergies fossiles très émettrices de gaz à effet de serre, notamment le CO2 gaz carbonique et le gaz naturel, méthane. Toutes les conséquences qui découlent du dérèglement climatique, multiplication des phénomènes climatiques extrêmes, sécheresses, pluies diluviennes, tornades etc. nous amènent à nous tourner vers les énergies renouvelables bas carbone et dites vertueuses puisqu’utilisant gratuitement l’énergie de la nature. Elles ne sont néanmoins pas gratuites dans leur construction. Les subventions massives à hauteur de 121 milliards d’€ en France à l’horizon 2046 (Cf la cour des comptes) qui se traduisent par 11c€ de taxe par litre de carburant et les 500 milliards d’€ de subventions publiques en Allemagne sont là pour nous le rappeler. Elles ne sont pas non plus gratuites en matière d’impact carbone pour les fabriquer et les acheminer du lieu d’extraction des ressources terrestres nécessaires à leur construction au lieu de leur exploitation.
Sous l’impulsion de l’idéologie anti nucléaire allemande, l’Europe a profité de cette logique pour arrêter d’investir dans l’énergie nucléaire pilotable et bas carbone, pour investir massivement dans les énergies renouvelables aléatoirement intermittentes tout en conservant un socle d’énergies pilotables qui permettent de garantir la satisfaction de nos besoins vitaux, notamment les industries et donc l’économie, comme nos besoins individuels. A cette logique s’est ajouté l’arrêt idéologique du nucléaire, ce qui a contribué à transférer l’énergie pilotable vers d’autres énergies pilotables comme le gaz et le charbon, émettrices de CO2. La preuve l’Allemagne, qui est de loin le pays d’Europe le plus émetteur de CO2 en quantité même avec une puissance installée importante d’ENR, 120GW soit 4 fois plus qu’en France. Même avec le déploiement des ENR, cette logique d’arrêt du nucléaire en Europe a contribué à rendre plus ou moins dépendant les états européens au gaz, deux fois moins émetteurs de CO2 que le charbon certes, mais 70 fois plus que le nucléaire. La dépendance plus ou moins forte au gaz a dépendu de l’ampleur de la réduction de la part du nucléaire dans la production d’électricité. Il n’est alors pas étonnant de constater la plus forte dépendance de l’Allemagne aux énergies fossiles que ses voisins, à cause de la fermeture de ses centrales nucléaires pilotables et bas carbone. Les états européens se sont alors tournés vers le géant du gaz proche de l’Europe, la fédération de Russie.
Conséquences de la guerre
La guerre que la fédération de Russie a déclaré à l’Ukraine a entraîné chez les européens un sursaut de réprobation de cette ingérence et donc l’application de sanctions économiques vis à vis de l’agresseur. La guerre étant une alternance d’agressions et de répliques, l’agresseur russe trouve dans notre dépendance européenne à son gaz, une formidable opportunité de représailles à nos sanctions. L’heure est donc à la pénurie de gaz russe. D’où la recherche de substitution de l’Europe vis à vis de cette perspective de carence, surtout l’hiver prochain.
Quelle perspective à cela ? Dans un contexte d’urgence de satisfaction de nos besoins concomitante à l’arrêt du nucléaire, le recours à la limitation de la consommation électrique et au charbon prend alors tout son sens. La logique de déploiement des ENR associée à l’arrêt du nucléaire nous fait passer d’une logique de satisfaction de nos besoins vitaux à la gestion de la pénurie tout comme au recours à l’énergie fossile la plus émettrice de CO2 comme le charbon.
La logique écolo visant à promouvoir le 100% renouvelables en commençant par l’arrêt du nucléaire trouve aujourd’hui sa limite idéo-logique. C’était prévisible, les professionnels de l’électricité qui gèrent l’équilibre consommation /production d’électricité 24h/24 365j/an avaient alerté. Le domaine de l’énergie étant méconnu par le grand public, la perspective alléchante de vertu vis à vis de la nature et la propagande inhérente à toute idéologie auront eu raison du pragmatisme en même temps énergétique, écologique, économique et géopolitique.
Quelle sera la perspective à court terme ? Puisque les producteurs ne pourront satisfaire la consommation, il en résultera de la réduction de nos besoins vitaux et donc de notre confort, il ne peut en être autrement. Dans nos besoins vitaux, il y a bien évidemment les besoins des industries et donc l’emploi et donc l’aspect social qui en découle. Comme tout bien de consommation, la rareté de l’électricité se traduira par un coût plus élevé. Aussi, il en résultera encore plus d’émission de gaz à effet de serre alors que l’objectif était inverse.
Quelle sera la perspective à moyen / long terme ? Tout dépendra du pragmatisme ou du maintien de l’idéologie de nos politiques au pouvoir. L’idéologie voulant que plus il y a d’ENR moins il y a d’énergie fossiles, la fuite en avant consistera à augmenter la part des ENR et de persévérer dans l’arrêt du nucléaire. Mais l’intermittence maladive des ENR ne résoudra rien. En effet, quand il n’y a pas de vent, 10 éoliennes ou 100 000 éoliennes ne changent rien au manque d’électricité. La nuit 10m2 ou 100 000m2 de panneaux solaires ne changent rien au manque d’électricité. Autrement dit, on aura toujours besoin de moyens de production pilotables. Et pour la logique éco-logique, il n’y a pas d’autres moyens de production pilotables bas carbone que sont le nucléaire et l’hydraulique.
Crise existentielle
Nous vivons une crise énergétique, économique et géopolitique en Europe. Dans l’histoire de l’humanité, à chaque fois qu’il a subi une crise existentielle, l’homo sapiens a toujours cherché à la régler par des solutions simples et populistes, en ciblant un grand Satan. La montée des extrêmes en France au cours des récentes élections en est l’illustration. Après avoir testées toutes les solutions simplistes car idéalistes, la crise a toujours été de nature à aider l’homo sapiens à changer de paradigme, de culture, de système de valeurs et de niveau d’existence. Alors, faisons preuve de pragmatisme. Plutôt, faisons pression sur nos politiques pour qu’ils fassent preuve de pragmatisme pour en même temps satisfaire nos besoins vitaux, lutter contre le réchauffement climatique et limiter l’impact économique de la transition nécessaire. Dans la crise actuelle, nos responsables politiques doivent faire preuve de pragmatisme et favoriser TOUS les moyens de production d’électricité bas carbone, sans exception, les pilotables, nucléaire et hydraulique et les aléatoirement intermittents, l’éolien et le solaire. C’est en préparant cet avenir énergétique qu’on créera les conditions de se passer des énergies fossiles dans les transports, les industries, le chauffage individuel, la climatisation pour passer le pic de réchauffement climatique etc.
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