Si les émissions européennes de CO2 diminuent chaque année depuis près de dix ans, l’Union a longtemps ignoré l’impact du méthane dans le changent climatique.
Le groupe international de réflexion et de recherche Global Carbon Project a publié les chiffres annuels des émissions mondiales de CO2 d’origine fossile. Au sein des vingt-huit pays de l’Union européenne, les émissions diminuent chaque année de 1,4% depuis dix ans. En 2019, la baisse devrait cette fois atteindre 1,7%. La Chine et de l’Inde demeurent toutefois les principaux vecteurs de cette pollution. Aussi, près de 36,8 milliards de tonnes de dioxyde de carbone auront été déversées dans l’atmosphère en 2019, ce qui constitue un record.
« Les émissions de CO2 sont la première cause du changement climatique », rappelle Philippe Ciais, chercheur au Laboratoire des Sciences du Climat et de l’Environnement (LSCE). Pour autant, ce type de rapports, si louables soient-ils, ont tendance à se focaliser exclusivement sur le dioxyde de carbone, excluant les autres gaz à effet de serre émis par les activités humaine – à l’image du méthane, qui a tout de même un potentiel de réchauffement global 25 fois supérieur au CO2. Aussi, il représenterait un quart des émissions de gaz à effet de serre à l’origine du réchauffement climatique.
« La baisse des émissions de méthane pourrait jouer un rôle majeur afin de parvenir à cet objectif », a déclaré Monika Zsigri, une représentante de la direction générale de l’Énergie au sein de l’exécutif européen (DG ENER), lors d’un évènement organisé par le Parlement européen début novembre. L’ONG Environmental Defense Fund va plus loin : si c’est le CO2 déterminera les températures que la planète atteindra à l’avenir, la vitesse à laquelle elle se réchauffera dépendra toutefois du méthane. Or, une majorité des émissions de ce gaz n’est à l’heure actuelle toujours pas recensée.
Les origines du méthane sont bien connues : bovins et les déchets organiques, mais aussi, pour 25% des émissions, l’industrie pétrolière et gazière. Ces dernières, elles sont liées aux fuites, au dégazage (évacuations intentionnelles, souvent pour des raisons de sécurité en raison de la structure d’une installation ou de son fonctionnement) et au torchage (le gaz naturel, qui ne peut pas être utilisé ou récupéré économiquement, est brûlé). L’Agence internationale de l’énergie (AIE) estime que la moitié de ces émissions pourrait être évitée ou réduite à un coût net nul.
« Dans la plupart des cas, le gaz est probablement plus propre que le charbon, mais qu’importe, il est nécessaire de diminuer le méthane pour agir efficacement contre le réchauffement climatique. L’opinion publique n’est pas si complaisante. Il est temps de faire des efforts » explique Monika Zsigri. « La crédibilité de l’industrie gazière est en jeu », estime-t-elle. « Les fuites de méthane déterminent s’il est pertinent de s’intéresser au gaz plutôt que de se ruer directement sur les énergies renouvelables ».
Devant cet angle mort de la politique environnementale européenne, la Commission a décidé d’agir. « Une initiative sera présentée, qui s’attèlera au méthane et aux fuites de méthane », a déclaré la nouvelle commissaire à l’Énergie, Kadri Simson, au cours de son audition devant le Parlement européen le 3 octobre. Reste à voir l’importance que cette dernière accordera à la stratégie européenne sur le méthane et jusqu’où ira son audace concernant les importations et l’instauration de règles obligatoires plutôt que volontaires.