Le concept, selon Kant, représente l’unité de conscience.
L’incohérence de celui d’« énergies renouvelables » n’est pas étrangère au fiasco des politiques énergétiques européennes.
Parallèlement à une véritable révolution des technologies et à un effort des finances publiques sans précédent, la confusion entre but et moyens dévoile la carence d’une conscience à long terme articulée par des concepts précis.
Une étude finlandaise[1] de Atte Harjanne & Janne M. Korhonen se penche sur le concept d’énergies « renouvelables » et l’accuse d’être « incohérent et trompeur ».
Un peu d’histoire
Cette étude rappelle que le terme est bien antérieur à la question climatique (Bell 1906; Clarke et al. 1909) et qu’il avait pour seul objectif de proposer une alternative aux énergies fossiles.
Il ne considérait d’ailleurs « renouvelables » que la force animale et l’énergie du bois, tandis que les énergies hydraulique, solaire ou éolienne étaient nommées « inépuisables ».
Les auteurs montrent que cet ancien concept « renouvelable » a connu un pic d’utilisation durant la seconde guerre mondiale.
Ils notent que depuis 1976, l’influence d’Amory Lovins contribuerait également à rendre désirables des sources d’énergie décentralisées et de petite dimension, en remettant au goût du jour le « small is beautiful » de Schumacher (1973).
C’est dans ce contexte que le mouvement écologiste des années 1970, profondément antinucléaire, a cimenté sa doxa concernant les bonnes et les mauvaises énergies.
Alors que la part des énergies dites « renouvelables » est désormais inscrite dans la loi française et dans les objectifs européens, l’étude attire l’attention sur le fait que ces politiques publiques s’appuient sur un concept ambigu et ancien, qui ne correspond plus aux défis d’aujourd’hui.
Ce qui est particulièrement grave lorsque leur développement est érigé en but en soi.
Renouvelable n’est pas durable
Toute production d’énergie comporte des effets pervers.
L’étude montre que celles qui bénéficient du label « renouvelable » sont bien loin d’en être dépourvues.
Elle cite les émissions à court terme de CO2 de la biomasse, qui sont considérables, ainsi que le difficile compromis de celle-ci avec la conservation des écosystèmes.
Et relève également son emprise sur les terres agricoles et ses conséquences sur l’alimentation des plus démunis.
Elle évoque les limites de la géothermie, mais aussi les interrogations qu’elle suscite en matière sismique et de pollution locale.
L’énergie hydraulique n’est pas épargnée, en raison de ses conséquences sur le déplacement des populations généralement pauvres pour des bienfaits récoltés par d’autres, ainsi que pour les quantités considérables de gaz dégagées par la fermentation de la matière organique retenue par les barrages. Sans préjudice du bouleversement qu’elle implique à l’écosystème et de son aspect meurtrier en cas de rupture de barrage.
Elle montre également le caractère peu durable de l’énergie éolienne et solaire à cause de leur voracité en espace naturel et en matériaux.
Mais aussi en raison de la nature variable de leur production.
Celle-ci étant, en effet, peu compatible avec l’équilibre d’un réseau électrique, tandis que la sécurité énergétique est un facteur clé de la réduction de la pauvreté et de la durabilité sociétale.
Ce qui impose de leur adjoindre d’autres moyens, onéreux et souvent bien peu durables.
Une politique en échec
Le Conseil mondial de l’énergie (WEC) classe les politiques énergétiques en fonction du « Trilemne énergétique », c’est-à-dire le respect des 3 critères : sécurité, équité, durabilité.
L’étude montre la corrélation négative entre le classement des 120 pays dont les données étaient disponibles et la part d’énergie renouvelable de leur mix électrique.
Elle met ainsi en évidence le fait que « renouvelable » n’implique pas « durable ».
Mais n’implique pas plus « équitable » ou « sécurisé ».
Bien entendu, la question de la pertinence des critères retenus reste entière.
Le classement WEC 2018 intégrera notamment 3 nouveaux critères : décarbonation, décentralisation et digitalisation.
Pour autant, l’absence de corrélation entre décarbonation et énergies renouvelables a déjà été mise en évidence dans une autre étude[2].
Et s’il est admis que la digitalisation s’efforce de contrebalancer les effets pervers de l’intermittence, tout reste à démontrer sur les bienfaits de la décentralisation.
L’étude montre également comment l’industrie des combustibles fossiles reprend le concept « renouvelable » à son compte pour promouvoir le « gaz naturel ».
C’est pourquoi il importe, avant toute chose, de définir clairement les objectifs visés et de savoir les nommer avec précision.
La porte ouverte aux dérives
Au lieu de quoi, l’étude dénonce l’intrusion de lobbyistes, cautionnés par un concept vague et datant des années 1970, dès lors qu’il est érigé en objectif.
Et elle stigmatise les politiciens qui favorisent cette intrusion afin de verdir l’image de leur politique, malgré un piètre bilan environnemental en regard des enjeux d’aujourd’hui, notamment en termes d’émissions de CO2.
Car le concept « renouvelable » permet une communication biaisée et flatteuse.
L’étude propose quelques concepts alternatifs, répondant à des objectifs précis, tels que le « Clean energy » américain ou le plus courant « low carbon energy ».
Ce dernier ouvrant le débat relatif à la biomasse.
Dans sa conclusion, l’étude dénonce la responsabilité du concept « renouvelable », en tant qu’«incohérent et trompeur », dans l’échec actuel des politiques climatiques.
Des limites de la fuite en avant
L’Europe avait initié sa politique énergétique dans le triple objectif d’assurer la sécurité d’approvisionnement, la maîtrise des coûts et la réduction de l’impact environnemental.
Malgré les centaines de milliards d’euros engagés, cette politique subit désormais un échec avéré dans chacun de ces domaines.
Nous voyons notamment la stratégie « bas carbone » de la France mobiliser le plus gros de l’effort public[3] pour tenter, sans succès, de décarboner le seul secteur qui l’est déjà, et s’obstiner à vouloir rendre durable ce qui est intermittent, en voulant équilibrer son système électrique avec des panneaux solaires et des éoliennes, dont la production aléatoire est sans corrélation avec les besoins de la consommation.
Si la neutralité carbone a été érigée en priorité, les défis de notre siècle restent nombreux.
L’évolution démographique exige le respect des terres agricoles pour nourrir bientôt 10 milliards d’individus.
L’espace naturel réclame également d’être au centre des préoccupations, ainsi que la biodiversité qu’il favorise.
La voracité en matériaux de certaines filières est incompatible avec un modèle durable.
D’autre part, il n’y aura pas de développement durable sans justice sociale et accès à l’énergie pour les populations.
Les progrès exponentiels des technologies, désormais boostés par l’intelligence artificielle, permettent de croire en l’avenir.
Mais une vision à long terme en est la condition, et l’énergie en est assurément l’une des clés.
Il n’est pas acceptable que le code de cette clé soit aussi intimement lié au concept fourre-tout, ambigu et trompeur d’énergies « renouvelables ».
Il est urgent de redéfinir la priorité des objectifs et d’expliciter les concepts susceptibles d’en guider la poursuite.
Puis de s’y tenir à travers une nouvelle réflexion.
Car, tant que des moyens douteux seront érigés en but en soi, l’alarmisme ambiant incitera les politiques à se réfugier dans une inacceptable fuite en avant.
[1] Étude complète https://www.researchgate.net/publication/330217576_Abandoning_the_concept_of_renewable_energy/link/5c5aba1b299bf1d14caf7625/download
[2] http://lemontchampot.blogspot.com/2018/03/debat-public-sur-la-ppe.html
[3] http://lemontchampot.blogspot.com/2018/02/la-transition-des-epithetes.html
Bonjour,
Très bonne approche … Nos goivernants, intoxiqués par des gourous oseudo-écolos, tentent désespérément de leur « faire plaisir » pour récupérer les voix de leurs éldcteurs …
Ces gourous ldur font faire n’importe quoi, à tout prix …
Amitiés,
Pierre