Le débat sur l’interdiction des néonicotinoïdes en Europe est aujourd’hui au point mort, faute de proposition concrète de la Commission européenne.
Le 28 février dernier, le groupe de travail sur les pesticides systémiques de l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) rendait un rapport qui fustigeait les néonicotinoïdes – des insecticides agissant sur le système nerveux central des insectes, qui sont utilisés depuis 30 ans en agriculture. « Seule une faible partie des pesticides utilisés sert l’objectif de lutter contre les ravageurs. Tout le reste contamine l’environnement », condamnait l’étude. Parallèlement, une méta-analyse parue le 25 février établissait que les néonicotinoïdes « n’augmentent pas les rendements » de façon significative.
Il existe trois principaux néonicotinoïdes utilisés en Europe : la clothianidine, l’imidaclopride et le thiaméthoxame. Ils font, depuis 2013, l’objet de restrictions dans l’Union européenne. Cependant, au moins quatre autres pesticides néonicotinoïdes sont autorisés en Europe. Et c’est sans compter les substances comme le Sulfoxaflor dont le fonctionnement est similaire dont « la formule chimique est semblable à celle des néonicotinoïdes » et dont le « mode d’action est exactement le même » rappelle Pollinis, une association européenne indépendante luttant pour la protection des pollinisateurs.
Les premières victimes de la faible biodégradabilité de ces produits sont les poissons, les oiseaux, et surtout les abeilles – dont les colonies ont connu un déclin sans précédent au cours de la dernière décennie. Les études tendent à prouver que ces produits sont dangereux à la fois pour les espèces domestiques mais également pour les pollinisateurs sauvages. Une réalité inquiétante quand on sait que les abeilles pollinisent 80 % des cultures et des plantes sauvages en Europe (chiffres de la Commission européenne).
Aussi, en réaction, le parlement européen a appelé jeudi 1er mars à interdire l’utilisation de toutes les substances néonicotinoïdes en Europe. Mais le débat se trouve actuellement dans une impasse. La Commission a proposé un vote sur leur interdiction en décembre dernier, mais les États membres ont rétorqué qu’ils souhaitaient étudier le rapport de l’EFSA avant de se prononcer. De fait, aucun vote n’est prévu au programme de la prochaine réunion du comité permanent des végétaux, des animaux, des denrées alimentaires et des aliments pour animaux (SCOPAFF) les 22 et 23 mars, et ce alors que l’EFSA a réaffirmé le danger que représentent les néonicotinoïdes.
« Tant que la Commission ne mettra pas les propositions au programme des votes, elle ne peut pas s’attendre à ce que les gouvernements prennent position », souligne Franziska Achterberg, conseillère en politique alimentaire de Greenpeace. Mais la Commission semble vouloir s’assurer d’un large soutien avant de rendre le texte public. De fait, elle craint de ne pas parvenir à réunir une majorité d’états membres autour d’un texte trop ambitieux. Six États membres s’opposent à une interdiction des néonicotinoïdes, dont la Roumanie et la Hongrie. La France, le Royaume-Uni, l’Irlande, la Croatie, la Slovénie, le Luxembourg et Malte se sont en revanche prononcés en sa faveur.
Ce qui semble paralyser l’exécutif européen est la position incertaine de certains états indécis – et déterminants pour le vote. En cause, l’impact important que la mesure aurait sur la culture de betteraves à sucre. « Le 14 mars, le gouvernement allemand a déclaré aux eurodéputés qu’il attendrait les nouvelles propositions de la Commission avant de prendre position. Le même jour, la ministre néerlandaise a déclaré qu’elle attendrait ces propositions et les analyserait dès réception. L’Allemagne et les Pays-Bas font partie des pays qui n’ont pas encore précisé leur position » explique Franziska Achterberg. Mais faute de proposition concrète, le status quo subsiste.