Depuis 20 ans, les gestionnaires de l’eau tentent de répondre à la Directive cadre sur l’eau européenne qui vise à améliorer la qualité écologique et la qualité chimique des cours d’eau pour parvenir à ce que l’on appelle le « bon état écologique ». Ce dernier, pour simplifier, dépend de trois facteurs principaux : les introductions d’espèces, les pollutions, et les transformations de l’habitat du fait des aménagements.
La loi biodiversité quant à elle, parle de reconquérir la biodiversité, mais encore faut-il savoir laquelle… Car au-delà du slogan politique, il aurait fallu préciser ce que l’on attend… Si c’est pour retrouver une biodiversité historique (mais où mettre le curseur ?) ce sera bien difficile, compte tenu des nombreuses espèces qui se naturalisent dans nos cours d’eau.
Les espèces qui se naturalisent
Les introductions d’espèces dans nos systèmes aquatiques sont anciennes, à l’exemple de la carpe. Mais beaucoup d’espèces de poissons ont été introduites depuis le XIXe siècle par le monde de la pêche de telle sorte que nos cours d’eau hébergent maintenant un tiers d’espèces de poissons originaires d’autres régions du monde, parmi lesquels plusieurs prédateurs (truite arc-en-ciel, perche, sandre, black-bass, poisson chat, silure glane, etc..) dont l’impact sur la faune aquatique autochtone n’a jamais préoccupé les ardents protecteurs de la nature… L’introduction récente et sans aucune autorisation, faut-il le rappeler, du silure glane dans l’ensemble du réseau hydrographique pour satisfaire une poignée de pêcheurs, amateurs du « catch and release », n’a donné lieu à aucune sanction, alors que ce grand prédateur n’est pas inactif dans les cours d’eau. Il existe pourtant une police de la pêche qui aurait dû contrôler cette activité totalement illégale… Aurait-elle fermé les yeux ? Sans compter que les déversements massifs de poissons d’élevage, souvent des prédateurs, au nom du soutien des populations naturelles, mais en réalité pour satisfaire les adhérents qui ne rentreront pas bredouilles à l’ouverture de la pêche, bouleverse depuis des décennies la biodiversité aquatique, sans qu’aucune recherche n’ait été menée sur les conséquences de cette activité maintes fois répétée sur les peuplements aquatiques. On sait néanmoins que ces déversements ont modifié la structure génétique des poissons sauvages. Quant à l’impact sur la flore et la faune aquatique, tout scientifique ne peut ignorer que l’introduction de prédateurs n’est pas anodine !
Enfin, nos systèmes fluviaux font partie d’une vaste trame bleue européenne en raison des nombreux canaux qui font communiquer les bassins hydrologiques. L’ouverture d’un canal Rhin-Main-Danube en 1992 a permis à de nombreuses espèces aquatiques du bassin du Danube de coloniser les cours d’eau d’Europe occidentale. Une situation comparable à celle des espèces de la mer Rouge qui ont pénétré en Méditerranée après l’ouverture du canal de Suez. Ce sont essentiellement des mollusques, des crustacés, et des poissons dont quelques espèces de gobies dont l’abondance actuelle dans certains cours d’eau ne laisse pas d’inquiéter. Toutes ces espèces, et celles qui ne manqueront pas de s’installer en raison du changement climatique, font maintenant partie intégrante des communautés biologiques des cours d’eau…. Dans ce contexte, que cherche-t-on à reconquérir ? Quelles rivières sauvages ou naturelles espère-t-on restaurer ? Des cours d’eau débarrassés de toutes ces espèces qui n’y ont pas leur place ? Cette blague ! Les technocrates qui n’ont de cesse de prôner l’éradication de ces espèces ne savent probablement pas que faire disparaître un mollusque, un crustacé ou un poisson d’un système fluvial relève de l’incantation. On met le doigt sur l’incohérence des politiques prônées par des individus porteurs d’une représentation idéologique de la nature mais peu au fait de la réalité du terrain.
Les pollutions
La qualité de l’eau est primordiale pour la vie aquatique. C’est le grand point noir de la DCE qui fait le constat (quelle surprise…) qu’au-delà des mesures législatives la réaction des systèmes écologiques prend du temps… Autrement dit nous avons été trop optimistes en pensant que cette question pouvait être résolue dans des délais raisonnables, ce qui inquiète les gestionnaires ayant des comptes à rendre à la DCE
Il est incontestable que des progrès importants ont été réalisés dans le contrôle des pollutions. On a pu montrer par exemple que la richesse en insectes dans les cours d’eau s’est améliorée. Néanmoins toutes les pollutions sont loin d’être entièrement maitrisées, en particulier au niveau des estuaires qui sont des lieux de passage obligés des poissons migrateurs. Et si les eaux ne sont pas saines il est évident, quoiqu’on fasse, que les espèces aquatiques ne reviendront pas. L’eutrophisation, liée à des apports en excès des éléments nutritifs, affecte toujours l’ensemble de nos eaux continentales. Les pollutions diffuses résultant des pratiques agricoles restent problématiques. Mais des événements récents ont montré que les pollutions industrielles ne sont pas en reste, sans compter les pollutions urbaines et les pollutions émergentes résultant des résidus médicamenteux (mimétiques hormonaux) dont nous sommes tous responsables. Imaginer que l’on va retrouver partout des eaux claires et pures est donc une utopie, mais on peut encore améliorer la situation sans aucun doute.
L’habitat
Reste l’habitat qui fait maintenant l’objet d’une fixation des services gestionnaires depuis que le dogme de la continuité écologique des cours d’eau est devenu une préoccupation principale des projets de restauration à l’issue du Grenelle de l’environnement de 2009. On peut penser que devant la difficulté évoquée plus haut d’atteindre le bon état écologique, on a trouvé un bouc émissaire car il y a manifestement surinterprétation de la part des gestionnaires des directives européennes. On peut aussi penser que selon la tradition des ingénieurs hydrauliciens, c’est un moyen d’évacuer plus vite certaines pollutions vers les estuaires et la mer…. et de traiter ainsi le problème !
L’hypothèse selon laquelle on pourrait retrouver le bon état écologique des cours d’eau en supprimant tous les obstacles est portée de manière conjoncturelle à la fois par des mouvements militants, qui rêvent de retrouver des rivières sauvages, des ingénieurs gestionnaires, pour qui détruire des ouvrages c’est enfin du concret, et d’un groupe de pêcheurs sportifs qui espèrent le retour de leurs poissons favoris.
Cette hypothèse que l’on peut qualifier au mieux de théorique, mais à consonnance idéologique, reste une hypothèse qui n’a pas été démontrée sur le terrain, ce qui n’a pas empêché de déclencher un grand programme de destruction systématique de notre patrimoine fluvial, bâti et naturel. Des décrets récents vont encore faciliter l’accès des bulldozers…. On pourrait rappeler cependant que les premiers arasements de barrage dont celui de Maison Rouge sur la Vienne n’ont pas apporté d’amélioration quant au retour des migrateurs dont les populations continuent de décroitre. Et les travaux menés pendant une trentaine d’années par l’EPTB EPIDOR sur la Dordogne, dont on ne peut douter du sérieux, n’ont pas réussi à rétablir des populations viables de saumon. Dans la majorité de rivières françaises les populations de saumon sont actuellement issues de l’alevinage.
Affirmer qu’assurer le retour du saumon dans les cours d’eau c’est assurer la protection de la biodiversité est une contre-vérité. Les poissons sont certes emblématiques, mais ne sont pas des intégrateurs de la biodiversité aquatique. C’est ignorer tout simplement une loi de base en écologie : quand on cherche à favoriser une espèce, c’est au détriment d’autres espèces. C’est le sens du dicton paradoxal : protégez un arbre, mangez un castor !
Les aménagements réalisés depuis des siècles, s’ils ont modifié le système fluvial, ont aussi créé des systèmes écologiques nouveaux, variés, qui abritent une flore et une faune diversifiée ! Les zones humides associées aux annexes des moulins et aux queues d’étangs, les biefs anciens devenus souvent des bras morts latéraux du cours d’eau, hébergent par exemple des batraciens qui ne vivent pas en eau courante et n’apprécient pas les poissons qui sont leurs prédateurs, ainsi que beaucoup d’espèces d’insectes et de végétaux des milieux stagnants. Les retenues et biefs, ayant de bons volumes d’eau par rapport à la rivière courante, sont riches en espèces d’eau stagnante et en poissons qui profitent à des oiseaux ou à des mammifères. Ces retenues jouent un rôle de zones refuges en période de sécheresse ce qui, dans les conditions climatiques actuelles, est appréciable. Mais en réalité tous ces milieux annexes pourtant fort riches sont mal connus car, dans l’état d’esprit actuel, on a tendance à considérer qu’un milieu artificiel a peu d’intérêt. Peu importe que de nombreuses espèces de batraciens soient actuellement menacées du fait de la perte de leurs habitats ? Ou que l’on détruise (en évitant surtout d’en faire état) des populations de la mulette perlière, ce mollusque protégé et lui aussi fortement menacé, comme ce fut le cas lors de l’arasement du barrage de Maison-rouge sur la Vienne ?
Une démarche scientifique consisterait à faire un état de la faune et de la flore avant toute intervention comme c’est le cas en milieu terrestre, et d’anticiper à la fois les gains et les pertes probables résultant de la destruction des seuils. Une opération jamais réalisée en milieu aquatique ! Aurait-on peur qu’elle apporte la preuve de la richesse de ces milieux ? Quelles vont être également les conséquences des arasements sur les systèmes écologiques terrestres adjacents ?
Sans compter une dimension incontournable qui est la qualité des paysages, et le cadre de vie des riverains. Une démarche systémique totalement étrangère à la vision sectorielle de la continuité écologique. Pourtant, l’écologie des cours d’eau a montré que les zones d’inondation avec leurs annexes fluviales jouent un rôle majeur dans la dynamique du système. S’il y a une priorité ce serait de retrouver des espaces de liberté transversaux… mais la presque totalité de ces zones inondables a été urbanisée et leur reconquête est difficilement envisageable. Ce qui veut dire que le projet de retrouver des rivières sauvages est tout simplement utopique. On s’acharne donc sur un élément secondaire…
Bien entendu je ne plaide pas pour le statu quo, ce qui serait tout aussi dogmatique… Il est évidemment possible d’examiner au cas par cas la question des seuils dans le cadre d’une concertation entre partenaires, notamment dans la perspective de mener des expérimentations sur le terrain. Cette proposition avait été faite par les associations de propriétaires de moulins, mais notre administration jacobine n’a pas jugé bon de lui donner suite!
On ne peut pas tenir de doubles discours : se présenter en tant que protecteur d’une nature dégradée par l’homme et que l’on veut restaurer tout en participant à des destructions à grande échelle qui modifient considérablement des systèmes écologiques fonctionnels. C’est entrainer la nation dans des opérations onéreuses qui profitent beaucoup plus aux opérateurs de travaux publics qu’à la biodiversité.
La transition écologique dans ce contexte est bien mal partie si elle consiste à imposer des mesures mal vécues par les citoyens et destinées en réalité à répondre à des lobbies qui cherchent à s’approprier l’espace public dans le but de satisfaire leur intérêt ou de réaliser leurs fantasmes. Toutes ces questions sont exposées plus en détail dans un ouvrage collectif qui vient de paraître.
Bonjour,
Merci à Christian Lévêque de pointer ces incohérences et approximations des politiques publiques en écologie aquatique. Ce qui apparaît aussi très bien dans le livre collectif chez l’Harmattan, une lecture impérative pour tous ceux qui veulent creuser cette question des destructions d’ouvrage et en comprendre les différentes dimensions.
Hélas, alors que les travaux de la recherche (dont ceux coordonnés par C. Lévêque dans les années 1990 à l’époque du Piren) ont montré depuis deux décennies déjà que les hydrosystèmes sont aussi des anthroposystèmes, nous subissons en France une curieuse régression depuis 15 ans, dans certains compartiments de la politique de l’eau dont la fameuse « continuité écologique » : le retour du mythe de la « nature libre et sauvage sans l’homme ». Encore plus bizarrement, ce retour se réalise à la pelle mécanique et au bulldozer sous contrôle de bureaucraties publiques qui délivrent des certificats de naturalité!
Ce serait un peu risible si la vie de centaines de milliers de riverains des lacs, des plans d’eau, des étangs, des biefs et canaux n’était pas aujourd’hui perturbée et altérée par cette manie maladive à faire disparaître des milieux créés par les humains, et leurs usages. Sur certaines rivières « libérées » de leurs ouvrages, il ne reste déjà que des filets d’eau chaude et polluées en été, des crues violentes en hiver. Faudra-t-il, comme pour les haies des années 1960-70, tout casser pour voir nos erreurs et tout reconstruire?
En tant qu’association, nous ne pouvons que souhaiter la prise de parole des scientifiques afin d’éduquer les citoyens à la complexité de l’écologie, à la réalité des écosystèmes, à la mesure sérieuse et non publicitaire des services écosystémiques rendus à la société. Il s’est développé autour de cette écologie des approches simplistes, des slogans partisans, avec une grande confusion dans l’esprit public.
Hydrauxois
Pour compléter les propos ci dessus , je vous invite à aller sur le site Tille Ignon Sauvegarde du Patrimoine . Association créée au début de l’année contre un projet de rivière de contournement et de débit écologique supérieur au débit de la source . Je mets les photos des travaux et le résultat de la vidange du bief . Ils ont laissé l’eau couler tranquillement , contrairement à ce qu’ils prétendent le poisson n’est pas remonté mais se retrouve piégé dans des trous d’eau à l’aval . Et en aval pas plus d’eau que ce qu’il y avait ! Des kilogs de poissons seront morts demain sans que la fédération de pêche , l’agence de l’eau , le syndicat de rivière , la société de pêche locale , la commune , la police de l’eau , ne fassent correctement leur travail de récupération . La pose de palplanches au niveau des aménagements à effectuer aurait évité la vidange totale du bief ! Mais ils s’en « foutent royalement ». Et les années futures , comme le débit écologique sera supérieur au débit d’arrivée , le phénomène se reproduira pendant plusieurs mois . Générant ainsi une surmortalité abondante . Mais les piscicultures appartenant aux fédérations de pêche vendront plein de truites aux pêcheurs pour repeupler. C’est l’euthanasie de la diversité piscicole au profit de la vente de truite .
Vous pointez du doigt une idéologie du tout nature, un dogmatisme écolo affranchissant de toutes études et de tout dialogue avec les professionnels et les riverains….soit j’accepte…. mais quand est il de votre démonstration, ne reprend t’elle pas cette même forme de dirigisme, du je sais de quoi je parle, je détiens la vérité…. non tout est plus compliqué que cela et demande de la concertation, mais aussi d’accorder un peu de crédit à ceux qui mettent en oeuvre …
En quelques lignes, tout le monde peut se rendre compte du drame qui se joue dans nos territoires à cause d’une politique de l’eau qui ne tient pas compte des réalités du terrain, ni de l’aggravation du réchauffement climatique.
Dans une période climatiquement instable, il est évidemment important de ne pas perturber l’hydrosystème avec des pelleteuses en détruisant des seuils de moulins ou des seuils agricoles, d’autant plus que ces travaux sont suivis, en tête de bassin notamment, par une pénurie d’eau. Sans eau, plus de vie aquatique, à moins d’avoir … des retenues. L’habitat des espèces aquatiques, c’est celui que les hommes ont construits depuis 2000 ans qu’il suffit d’aménager intelligemment. Excellent travail, merci à ce chercheur.
Hâte de voir si mon courrier va resté plus de deux jours dans les commentaires… Comme ça on sera fixé…
Ce sont les seuils, barrages et autres moulins qui ont largement contribué à mettre les cours d’eau de première catégorie dans l’état assez lamentable dans lequel ils sont aujourd’hui pour des raisons expliqués depuis longtemps par des scientifiques (pas des vendus aux lobbies). Cet article fait abstraction d’un paramètre majeur à notre époque, l’élévation de la température de l’eau. Toutes les espèces qui vivent naturellement dans les eaux de première catégorie (truite fario, saumon, truite de mer, loche, chabot, aprons, éphémères, trichoptères, etc) sont ultra sensibles à une élévation même minime. A 25 °C les salmonidés meurent.
Seuls les grands barrages rejetent de l’eau froide, pour le reste, ce sont des cloaques envahis de sédiments et d’algues.
Mais les défenseurs des moulins et barrages ne savent pas reconnaitre un chevesne d’une truite et un diptère d’un plécoptère.
Cette ignorance voulue ou réelle entretient le dialogue de sourds auquel on assiste.
Pour les espèces invasives citées, merci de retirer la perche… Pour les autres, notamment le silure qui c’est vrai est introduit clandestinement, il l’est dans les bassins des barrages en première catégorie. Il se retrouve ensuite avec les truites et les saumons s’il parvient à sauter le barrage, ce qui arrive malheureusement parfois. Pas de barrage, pas de silure.
Article partisan au plus haut point et indigne d’un scientifique.
Tout d’abord merci pour la courtoisie de votre réponse…. Pour la perche, toutes mes excuses car le « soleil » a fait défaut… La perche soleil est effectivement une espèce invasive. Mais quand vous laissez entendre que le silure a été seulement introduit dans les lacs de barrage, vous plaisantez ou vous êtes mal informé ? Il a été introduit dans toutes les rivières par des pêcheurs adeptes du catch and release, qui se proclament par ailleurs défenseur de la nature. Les pêcheurs ont introduit dans nos cours d’eau un grand nombre d’espèces carnivores, sans aucun souci de la flore et de la faune. Qu’ils se posent ensuite en donneurs de leçons en matière de conservation a de quoi surprendre. Et bien même qu’il ait été introduit dans un barrage le silure avait toutes les chances de se retrouver ailleurs ! Les fonctionnaires de l’Etat en charge de la police de la pêche ont probablement été atteints d’une épidémie de cécité à cette occasion ? Mais ils sont beaucoup plus actifs dans la destruction des seuils…
La culture ingénieur que vous semblez partager, est simple : on enlève tous les obstacles pour évacuer l’’eau au plus vite afin d’éviter les inondations. Et par la même occasion on évacue les pollutions… le tour est joué …. On va même pour nettoyer les rivières jusqu’à supprimer les embâcles qui sont des obstacles tout ce qu’il y a de naturels, et auxquels les écologues trouvent un grand intérêt écologique. Je me demande ce que l’on fait, en silence, avec les barrages du castor qui est une espèce protégée ? Bref, un beau canal d’évacuation des eaux voila ce qu’il nous faut !
Sauf qu’un système fluvial ne fonctionne pas comme ça sur le plan écologique. Lisez donc les classiques que vous semblez ignorer. La notion d’hydrostystème qui a donné lieu à la loi sur l’eau ne se limite pas au chenal d’écoulement et le cours d’eau fonctionne aussi avec des annexes fluviales qui sont des zones d’eau calme et des zones humides. Mais voilà, on a supprimé toutes les zones inondables dont tout écologue digne de ce nom dira que c’est la zone de respiration du fleuve. On les a urbanisées ou transformé en terres agricoles. Bien entendu, pas question de toucher au foncier… Donc on se moque profondément du monde en disant qu’on va recréer un cours d’eau naturel en s’attaquant aux seuils. Le lobby du BTP est content : il peut envoyer des pelleteuses et se frotte les mains… On ne se pose surtout pas la question du paysage, du cadre de vie des riverains, etc.
La destruction du seuil de du barrage de Maison Rouge sur la Vienne en 1998 n’a rien changé au problème et les migrateurs continuent à se raréfier. On refuse de voir que les causes principales sont la qualité de l’eau notamment au niveau des estuaires (passage obligé), les grands barrages infranchissables aux migrateurs depuis le siècle dernier, et une dégradation générale du bassin versant (érosion des sols, pollutions diffuses, suppression des annexes fluviales , etc.) comme le montrent de nombreuses méta analyses. Des paramètres d’une autre importance que les seuils !
Pour la température, pas de doute qu’elle joue un rôle, mais sur les seuils aussi bien que sur les petits cours d’eau car, à l’étiage quand le débit est faible, l’exposition au soleil n’est pas très différente. Mais vous semblez ignorer que nos cours d’eau deviennent de plus en plus intermittents en raison d’une répartition saisonnières des pluies différente. Donc supprimons les retenues, et nous aurons de belles rivières… à sec….en été. Ce sera plus conforme à vos voeux ? La Seine à Paris ne coule que grâce aux apports des barrages en été… Il n’y a pas que les poissons dans la diversité biologique, mais aussi des mollusques, des insectes, des crustacés, des batraciens, qui trouvent eux refuge dans les retenues et peuvent ensuite repeupler la rivière. Sans refuge, ce sera bien difficile. Et l’argument selon lequel les espèces pourraient migrer vers l’aval si la température augmente pour trouver des eaux plus fraiches comme j’ai pu le lire, est le type même d’erreur de raisonnement. Comme c’est le cas dans les pays du sud de l’Europe, en étiage, il n’y a plus d’eau pour migrer vers l’aval… c’est sec !!! Donc l’argument obstacle… tombe à l’eau !
Puisque vous semblez avoir des idées bien arrêtées en écologie je vous invite à écrire un traité contradictoire d’écologie où vous pourrez exposer vos brillantes idées sur ce qu’il faut faire. Et on pourra ensuite en discuter. Mais la pratique habituelle de l’insulte chez des gens qui pensent avoir la science infuse, traduit en réalité le refus d’entendre autre chose que le catéchisme qui leur a été inculqué par des mouvements militants ou des groupes d’intérêt, car les lobbies existent aussi chez les pêcheurs et les militants.
Philippe Boisson : vous tenez un raisonnement tautologique, les espèces non adaptées à des eaux « chaudes » (pas encore tropicales tout de même) ne se plaisent pas dans les zones à eaux chaudes. Personne n’en doute. Quand vous ajoutez que ces eaux sont des cloaques et suggérez qu’elles sont inaptes à la vie à part quelques algues, votre excès vous rend insignifiant. Il suffit simplement de voir le nombre de lacs, d’étangs, de gravières restaurés, de marais aménagés qui ont été classés en ZNIEFF ou Natura 2000, ce qui serait impossible s’il s’agissait de déserts biologiques. Vous trouvez évidemment du vivant là où y a de l’eau et de la chaleur, ce sont même deux ingrédients conseillés pour en avoir pas mal. (Par ailleurs, nombre de petits ouvrages sont détruits en tête de bassin alors qu’on documente des truites ou des chabots à leur amont comme à leur aval, ce qui contredit un effet radical sur ces populations comme motif de l’intervention).
Outre cela, la plupart des chercheurs annoncent une modification sérieuse du régime hydrologique et thermique au cours de ce siècle en Europe occidentale, avec la moitié des rivières qui devraient changer d’écotype sur ces paramètres. Si vous ajoutez cela aux espèces non locales qui se répandent un peu partout et aux évolutions morphologiques des lits majeurs-mineurs (qui concernent tout le bassin depuis 5 millénaires, et pas juste le barrage depuis 100 ou 300 ans), il devient de plus en plus difficile de discerner ce que l’on désigne au juste quand on parle de « restaurer la nature, restaurer la rivière ». En réalité, on ne fait que préférer un morphotype à un autre, sans toujours avouer ses raisons profondes (par exemple, des « lobbies » d’usager qui aiment bien certains poissons mais pas d’autres, sans lien clair à l’écologie).
Vous parlez avec un grand mépris de l’ignorance supposée des gens, mais en fait il existe aussi dans certains milieux un entretien de l’ignorance sur les réalités écologiques présentes — voire parfois un déni de ces réalités en évitant de les mesurer, pour ne pas avoir à en parler. L’écologie comme science n’a jamais été une croyance muséographique sur la nécessité de figer la nature telle qu’elle était au début du Holocène. C’est l’étude des interactions entre espèces et milieux, le choix de faire « comme si » l’espèce la plus transformatrice de milieux (Homo sapiens) n’existait pas devient simplement un non-sens. Cela paraît aussi de plus en plus pointé dans le monde de la conservation à mesure que des options plutôt radicales (du type généraliser des réserves sauvages sans humain) ont montré leurs limites de faisabilité et produit des conflits sociaux.
Cet article vise à dénoncer des dogmes tout en s’appuyant sur une défense d’intérêts particuliers, ce qui est foutrement intéressant.
Il commence par une inculture (volontaire !?) de la question des introductions de poissons et de la gestion des milieux aquatiques, au point d’en produire des contre-vérité.
Prenons un exemple : « Aurait-elle fermé les yeux ? Sans compter que les déversements massifs de poissons d’élevage, souvent des prédateurs, au nom du soutien des populations naturelles, mais en réalité pour satisfaire les adhérents qui ne rentreront pas bredouilles à l’ouverture de la pêche, bouleverse depuis des décennies la biodiversité aquatique, sans qu’aucune recherche n’ait été menée sur les conséquences de cette activité maintes fois répétée sur les peuplements aquatique »
Ce sont les sociétés savantes, et non les pêcheurs, qui ont commencé l’introduction massive d’espèces exogènes dans les milieux d’eau douce, particulièrement dans les années 1830 à 1930. Ensuite, la (re)découverte de la reproduction aménagée a ouvert des perspectives en matière de repeuplement qui ont été suivies par noms illustres que M. LEVEQUE aura du mal à dévaloriser : les CUINAT, les VIBERT, les VIVIER, qui ont créé la branche française de la Société internationale de limnologie… Ceux là et bien d’autres, ont cherché dans les empoissonnements non une façon de satisfaire des pêcheurs, mais de permettre de lutter contre la dégradation des rivières…
Dans les années 1970 à 2000, des études scientifiques nombreuses ont été menées sur les suivis des alevinages et leurs conséquences après plus d’un siècle d’empoissonnements massifs. Les RICHARD, les BAGLINIERE, les GUYOMARD ont produit suffisamment de publications scientifiques pour qu’on puisse écarter sans l’ombre d’une hésitation l’absence de recherche sur ces sujets. Le cas des espèces évoquées que sont les prédateurs, largement introduits (le plus souvent illégalement) dans les retenues d’eau (par les propriétaires) n’échappe pas à cette littérature abondante, comme en témoignent les actes de colloques, les publications scientifiques partout en Europe…
Et si des éléments, assénés du haut de sa stature par le nouveau fer de lance des hydrauliciens sont jutes, c’est pour être détournées au profit de ces intérêts particuliers. Que l’introduction d’espèces nouvelles en voie de prolifération soit difficile voire impossible à contrôler (ex le gobie), c’est vrai. Mais cela ne signifie pas que toute espèce introduite à la faveur d’un aménagement, a vocation à y être acclimatée. Les retenues permettent souvent à des espèces de carnassier de s’implanter. Mais qu’on supprime la retenue, et on supprime aussi le milieu qu’on avait artificiellement créé et dont elle s’accomodait. C’est le cas du brochet, du black bass, etc. Il n’y a clairement aucune forme d’inéluctabilité dans l’introduction d’espèces dont il ne faudrait ni confondre les exigences ni les enjeux.
Sur la qualité de l’eau, effectivement, les sources de pollution sont multiples, longues et difficiles à régler. Et c’est un fait établi que les eaux stagnantes des plans d’eau que vous défendez contribuent à transformer la qualité de ces eaux pour la dégrader et en réduire les usages. Les plans d’eau sont le siège principal des phénomènes d’eutrophisation, et ce n’est pas un hasard, ils n’en sont pas la source, mais le catalyseur ! La DCE serait donc une utopie. Mais est ce une utopie que de chercher à améliorer la qualité des eaux pour qu’elle permette des usages divers, de l’agriculture à l’eau potable en passant par la baignade ou la pêche ? A la lecture de l’article, on sent qu’il serait nécessaire de laisser place à une forme de résignation au motif que ce serait trop compliqué. En réalité, vous éludez la seule question qui vaille : c’est est ce qu’améliorer la qualité des eaux, particulièrement du fait de ces altérations multiples est est nécessaire ?
Ne revenons pas sur la question de l’habitat qui est abordée de manière aussi dogmatique que celle qu’elle prétend dénoncer, sans référence scientifique aucune. Je me contenterais ici de souligner que les états des lieux des agences de l’eau, qui ont précédé les politiques actuelles, s’appuient autant sur les gestionnaires (collectivités), que sur les ingénieurs, les chercheurs et les politiques. Comme le rappelait LINCOLN, « on peut tromper une partie du peuple tout le temps et tout le peuple une partie du temps, mais on ne peut pas tromper tout le peuple tout le temps ». Considérer la question de la continuité comme une lubie de quelques ingénieurs serait leur prêter un pouvoir beaucoup plus grand que celui dont ils disposent. Il est toujours plus difficile de convaincre un élu de restaurer un milieu que de construire un rond point.
Quant à la continuité elle même, des noms aussi illustres qu’Emile BLANCHARD, en dénoncaient déjà la problématique à la fin du XIX (1866), soulignant que la création d’obstacles était néfaste à reproduction des poissons dans les rivières. Avant lui, CONDORCET (1794) luttait déjà pour détruire des moulins inutiles. Aujourd’hui, remettre en question le fait que la disparition des grands migrateurs est pour le moins étrange, quand on regarde l’histoire, qui montre le lien entre les deux, et le fait que les saumons ne remontent jamais aussi loin que sur l’Allier, le moins aménagé des cours d’eau…
Car quand même, on peut considérer les choses avec bon sens. Que des seuils, des retenues et des centrales hydrauliques existent et aient un usage, c’est un fait. Mais sur les plus de 100000 obstacles recensés, une très large majorité (90% d’après l’OFB) n’a plus usage. Pire, l’auteur souligne lui même combien les autres formes d’altération ont progressé, mettant indirectement en évidence la nécessité encore plus impérieuse, de travailler sur plusieurs plans. Dans ce contexte, conserver ces dizaines de milliers d’obstacles, pour quoi faire ? Entre ce qui tient de l’intérêt général, et la somme de quelques intérêts particuliers, le choix doit être vite fait.
Quant à la biodiversité convoquée ici parce qu’elle est dans l’air du temps, elle a bon dos. D’abord, parce qu’elle n’est pas un concept scientifique, ainsi que le rappelait D. PONT (2012) et qu’elle s’intéresse au nombre d’espèces sans s’intéresser à leur nature ou à leurs exigences. Ainsi, la disparition des espèces sensibles aux altérations n’aurait pas d’importance face à la présence d’espèces nouvelles, plus nombreuses, grâce aux plans d’eau. Cette vision fixiste de la Nature rejoint celle des naturalistes qui ne voient depuis toujours, que les « belles espèces » rares et protégées, et se moquent des dynamiques environnementales faites d’équilibres instables, qui ont plutôt été du coté des évolutionnistes puis des écologues.
Pourtant, j’avais lu il y a quelques années un bel article d’un nommé LEVEQUE (1995), qui évoquait justement ce coté dynamique de l’habitat… Je cite un extrait : « Une des conclusions pratiques de la notion de niche ontogénique pour la gestion des espèces et des espaces aquatiques, est qu’il faut prendre en considération tous les milieux dont l’espèce peut avoir besoin au cours de son développement. Il ne suffit pas de préserver les biotopes indispensables aux adultes pour assurer la pérennité d’une espèce, il faut également s’assurer qu’elle pourra trouver les conditions favorables à la reproduction et à la croissance des larves. »
Pour un certain nombre d’espèces de poissons, ces conditions favorables à la reproduction et à la croissance impliquent nécessairement une capacité à se déplacer pour rejoindre ces zones… une capacité qu’OVIDIO a aussi largement mis en évidence pour un grand nombre d’espèces.
Tant d’écart en si peu de temps pose nécessairement la question des raisons d’un tel reniement…
A propos des « intérêts particuliers » (Hydroquoi)
Il y a souvent en France des dénis de réalité où une personne se drape dans « l’intérêt général », défini évidemment comme… sa propre vision des choses !
En fait :
– les naturalistes ont des intérêts particuliers (leur passion, non partagée par d’autres citoyens)
– les pêcheurs ont des intérêts particuliers (leur loisir, non partagé aussi par d’autres)
– les kayakistes, rafteurs, plaisanciers en navigation ont des intérêts particuliers (idem)
– les irrigants, hydro-électriciens, pisciculteurs ont des intérêts particuliers (leurs métiers)
– les moulins, forges, châteaux, lavoirs, étangs familiaux ont des intérêts particuliers (leurs patrimoines)
Et ainsi de suite.
L’intérêt général est un composé de ces intérêts particuliers, pas une vérité métaphysique de la nature (ou de l’économie, ou d’on ne sait quoi). Ni un diktat de la science : la démocratie, ce n’est pas l’épistémocratie ou la technocratie, c’est le gouvernement selon le choix des citoyens, pas selon l’ordre des experts. Quand on parle de gérer des milieux comme des « biens communs », on parle de trouver des règles de gestion qui conviennent à l’ensemble de la communauté concernée, donc en tenant compte de l’ensemble des intérêts, visions, attentes. Tout en y ajoutant l’intérêt de la ressource commune (l’eau, sa ressource, ses fonctions, ses milieux).
Alors Hydroquoi, vous pouvez être naturaliste ou pêcheur, ou les deux, ou encore autre chose, il n’empêche que vous êtes vous aussi un particulier exprimant votre vision particulière, membre d’une communauté ne se résumant pas à votre vision.
PS : contrairement à ce que vous dites, il y a très peu d’études complètes des effets des empoissonnements depuis 200 ans, encore moins de ceux observés depuis 50 ans. Vous confondez les publications ayant accompagné cette pratique au fil des décennies avec un travail actuel de laboratoires dont l’objectif serait de recomposer l’histoire des assemblages de poissons, d’identifier leurs causes et motifs d’introduction, de dater l’apparition des espèces non locales, d’examiner les effets démographiques, génétiques, trophiques, fonctionnels, etc. Pour cela, il faudrait des budgets de recherche, mais ces budgets sont aussi des choix politiques (de recherche)… on trouve là où l’on cherche!
J’ai le tort de penser que l’on peut avoir des opinions différentes dans le domaine scientifique sans tomber dans l’invective. C’est devenu fréquent chez ceux qui, bien ancrés dans leurs croyances, n’ont d’autres alternatives que de tout rejeter en bloc au lieu de remettre en cause leurs certitudes. Il en résulte des propos incohérents, voire calomnieux, qui n’ont rien à voir avec un débat de fond. Quant aux critiques proférées sous couvert de l’anonymat cela traduit un état d’esprit bien peu responsable….
Si vous lisiez un peu plus attentivement ce que j’écris, vous verriez que j’ai toujours dénoncé les pollutions comme un des principaux facteurs d’impacts sur les écosystèmes aquatiques. Et que j’ai maintes fois reconnu les efforts réalisés dans ce domaine en mettant en avant l’amélioration des peuplements depuis quelques décennies. J’ajoute que j’identifie les bouchons vaseux des estuaires comme un de obstacles aux migrateurs ! Laisser entendre que j’élude la question de l’amélioration de la qualité de l’eau relève ainsi de la pure calomnie ! Car c’est tout le contraire. La question de la DCE est toute autre : je dénonce, et je suis loin d’être le seul, l’utilisation qui est faite des indices biotiques qui relèvent d’une vision fixiste de l’écologie et dont on s’interroge sur la signification fonctionnelle dans des systèmes où les espèces qui se naturalisent sont de plus en plus nombreuses, notamment depuis l’ouverture du canal du Danube au bassin du Rhin ! Je questionne aussi cette question du « bon état écologique » qui lui aussi fait écho à des systèmes en équilibre, ce qui n’a pas de sens dans un contexte dynamique.
Laisser entendre que j’ignore ou écarte les travaux réalisés par de nombreux collègues relève également de la médisance. Je n’ignore pas non plus les polémiques sur l’abondance passée du saumon (Thibaut). Les recherches menées par ces collègues ont permis une meilleure connaissance de la biologie et de l’écologie des espèces, ce n’est pas la question que je soulève. C’est celle de l’impact au niveau du système écologique des introductions massives de poissons d’élevage, qui auraient nécessité une étude intégrée et à long terme. Où sont les études dans ce domaine ? On sait pourtant que la structure génétique des populations autochtones a été modifiée… Détails sans doute ? Sans compter que de faibles modifications peuvent avoir des conséquences en chaine sur les réseaux trophiques et donc les besoins des différents stades de développement
Si vous prenez la peine de lire l’ouvrage auquel j’ai participé vous y verriez que j’ai écrit que la raréfaction des migrateurs a débuté avec la construction des grands barrages fin XIX début XXe siècle en aval des cours d’eau… C’est aussi à cette époque que les pollutions industrielles se sont intensifiées… Ces grands barrages qui entravent le cours des fleuves ont des fonctions économiques que l’on peut discuter (électricité, navigation, protection contre les crues, irrigation) mais de toute évidence ce sont les principaux obstacles aux migrations… Or leur arasement n’est pas à l’ordre du jour de telle sorte que les seuils dans ce contexte ne sont qu’un épiphénomène ! J’ajoute que les travaux dont je ne doute pas de la qualité, réalisés par EPIDOR depuis 30 ans pour assurer le retour des populations reproductrices de saumons dans la Dordogne, n’ont guère donnés de résultats satisfaisants. Ce qui devrait interpeller les adeptes du ya ka fau kon !!
Allez donc voir sur le site de la LOGRAMI pour constater que la destruction des barrages de Maison rouges et de Saint Etienne de Vigan qui devait permettre le retour des migrateurs dans le bassin de la Loire, sont loin d’avoir répondu aux attentes… mais on en parle peu bien entendu ! On s’est bien gardé de dire aussi qu’on avait à cette occasion détruit une importante population de mulette, espèce en danger d’extinction, sans compter les espèces que l’on n’a pas recensées faute d’étude d’impact préalable, comme cela aurait dû se faire. La faune aquatique dans les retenues est très riche, (ce que vous semblez ignorer puisque vous considérez les biefs comme des cloaques, ce qui est loin d’être le cas), et du fait de la destruction de la plaine d’inondation et des annexes fluviales, elle trouve dans les biefs de quoi subsister.
Etant donné que l’on ne sait pas traiter la question des pollutions diffuses, ni la question de la restauration des zones d’inondations, ni celle de la suppression des grands barrages, des écologistes (pas des écologues) et des technocrates ont trouvé un bouc émissaire : les seuils des ouvrages hydrauliques. Ils existaient pourtant quand les populations de migrateurs étaient plus abondantes ! Et il n’a jamais été dit qu’il fallait tout conserver… Mais les adeptes de la continuité écologique ont laissé entendre qu’il fallait en détruire le plus possible… ce qui a été à l’origine de la crispation des riverains. On pouvait espérer à un certain moment que la concertation apaise le débat… sauf qu’un décret récent permet aux services de l’Etat d’intervenir sans étude préalable et faisant fi du droit de propriété au nom d’une idéologie écologique que j’estime mal fondée ! ce n’est pas du lobbying c’est la défense d’un patrimoine national naturel et bâti qui me préoccupe
Bien entendu votre attaque, car il n’y pas d’autres mots, laisse entendre perfidement que je défends des intérêts particuliers, ce qui évite de répondre aux questions qui sont soulevées quant à la gestion d’un bien commun, qui n’est pas l’apanage de quelques pécheurs, un autre lobby que vous semblez défendre quant à vous ? Ma réflexion a toujours porté sur le fonctionnement et les usages des cours d’eau dans un contexte anthropisé et dépasse largement la question des moulins. Mais encore faudrait-il lire ce qui est écrit et ne pas s’en tenir à des propos décousus.
Monsieur,
Je n’entendais pas notre échange différemment que celui d’une controverse non scientifique. Vous avez pointé des manques, qui étaient parfois justes (la biodiversité, mais laquelle), et parfois faux (« sans aucune recherche », ce n’est pas moi qui l’ait écrit et c’est faux), et je n’ai fait que les mettre en exergue. Je comprend fort bien que cela ne vous plaise guère, personne n’aime être contredit, surtout quand il est pris en faute.
Car enfin, vous êtes trop expérimenté en matière de science pour considérer votre prose comme un texte scientifique. Le cas échéant, vous n’auriez pas oublié de souligner que les retenues sont un des éléments principaux de l’eutrophisation (et c’est cet oubli difficilement explicable que je vous reprochais, pas d’avoir négligé l’aspect qualité de l’eau).
– Vous n’auriez pas non plus mis l’accent sur les alevinages dont on sait, au contraire de ce que vous affirmez, que leur effet sur la génétique des poissons sauvages a été marginal, malgré des empoissonnements massifs réalisés par les sociétés d’acclimatation, bien avant les sociétés de pêche. Les publications de GUYOMARD, de BEAUDOU, de DELACOSTE, de CUINAT, ou encore de CHAMPIGNEULLE (pour ne citer que ceux là) le démontrent parfaitement…
– Vous n’auriez pas stigmatisé l’inaction de la police de la pêche, mais l’inadéquation du droit qui punit l’introduction d’espèces (presque impossible à prouver) et non la détention d’espèce, ainsi que le souligne COLLAS (2012).
-Vous n’auriez pas affirmé qu’aucun état des lieux n’est « jamais réalisé », alors même que cette obligation figure dans la loi (L122-1CE) et qu’elle est indispensable pour tous les projets dans le cadre de la doctrine Eviter-Réduire-Compenser adoptée par le Ministère depuis plusieurs années.
Aussi, cher confrère, je comprends mal votre attitude de vierge éffarouchée (si vous pouvez me passer cette expression) à l’insinuation de défendre des intérêts particuliers alors même qu’Hydrauxois n’a de cesse ni assez d’empressement pour prendre votre défense. Vous conviendrez avec moi qu’être défendu par ceux qui agissent avec les mêmes méthodes que celles des créationnistes a quelque chose de troublant. Au passage, je me dois de noter que mon anonymat que vous fustigez ne semble guère vous gêner quand il s’agit des défenseurs des moulins… ce qui renforce encore un peu plus le trouble : décidément, nous nous retrouvons donc sur le fait que la réduction de la turbidité tient de la salubrité publique.
Et si, justement, mes critiques ont pu vous sembler acerbes, elles tiennent au fait que je vous considère pour trop intelligent pour ne pas saisir les conséquences des propos que vous tenez.
Car enfin, qui peut croire que des technocrates (pour reprendre votre propos) aient choisis les propriétaires d’ouvrages comme boucs émissaires d’une politique de restauration de la continuité qui serait sortie de nulle part ? Dans quel but ?
Qui pourrait croire que la question de la continuité serait une lubie et jamais un problème pour les cours d’eau ? Les données officielles de l’Etat établissent à 430 000 km de cours d’eau en France métropolitaine pour 60000 obstacles recensés au ROE, soit un obstacle tous les 7 km en moyenne, avec des densités parfois beaucoup plus grandes, comme sur le Lot, ou la Creuse (justement !) où on retrouve parfois un obstacle par km. Je ne vous ferais pas l’outrecuidance de vous rappeler que la fragmentation des milieux compte parmi les facteurs majeurs de réduction de la biodiversité.
Pour vous paraphraser, vous voudrez bien me faire la grâce de m’en excuserez, il n’a jamais été dit non plus qu’il fallait araser tous ces ouvrages. La définition des ouvrages potentiellement concernés s’est faite sur la base de la liste 2 du L214-17CE qui a elle-même fait l’objet d’un travail de concertation dans chaque département, les différentes parties prenantes étant invitées par les Préfets à s’entendre. Et pour y avoir participé, je puis vous dire que les Préfets n’ont jamais manqué de prendre en considération les aspects économiques dans les classements ou les non classements. Ces classements constituent donc une minorité de cours d’eau, qui sont, pour une large part d’entre eux, des ex-cours d’eau axes bleus, déjà classés pour les migrateurs.
Et bien sûr, le cas par cas est nécessairement la solution la plus pertinente, nous sommes tous d’accord là dessus, y compris Hydrauxois (qui l’affirme souvent après avoir tenu des propos qui le nie). Bien sûr, c’est l’essence même de la Science que de trouver des solutions qui soient adaptées à chaque situation, à chaque contexte. Bien sûr aussi que l’aspect patrimoine bâti pourrait (devrait?) être intégré aux réflexions sur ces questions de continuité. Mais écrire une diatribe contre une politique de restauration de la continuité qui a ses intérêts et ses défauts à ce seul motif, n’est ce pas désigner l’arbre qui cache la forêt ? Nous n’ignorons ni l’un ni l’autre que la plupart des obstacles sont sans usage (90% pour l’OFB, ce chiffre peut être discuté), et qu’une large majorité concerne des ouvrages routiers qui ont fleuri comme des champignons ces 50 dernières années, fractionnant un peu plus les milieux sans qu’ils aient, pour l’essentiel, le moindre intérêt patrimonial (sauf si vous considérez une buse béton comme un patrimoine bâti à préserver, auquel cas je reconnaîtrai que la subjectivité de cette notion est très forte).
D’un autre coté, c’est aussi le sens de toute loi que de s’exprimer de manière monolithique, voire binaire et d’avoir du mal à intégrer les spécificités de chacun. Ces spécificités ne relèvent in fine que du juge, seul apte à analyser un cas particulier parce qu’il en connait les tenants et les aboutissants… seul apte à juger (dans une lattitude qui se réduit chaque année) du bien fondé de certaines situations, ou non. Que la Loi donne une orientation dans un cadre strict, dans un sens, c’est heureux, car si le droit était adapté à chaque citoyen, il ne serait qu’une somme de particularités sans aucun sens, et sans aucune « volonté générale » (au sens de la DUDH, 1789).
Et justement, je m’inscris totalement en faux par rapport à la remarque d’Hydrauxois sur mon commentaire. Bien sûr qu’il existe des intérêts particuliers différents, divergents même… Le sens de la DCE est peut être là d’ailleurs, à chercher des milieux « en bon état » qui permettent tous les usages, l’altération des milieux n’étant finalement profitable ni aux citoyens, ni aux collectivités, ni aux poissons (et indifférente aux propriétaires et aux pêcheurs). Aussi vous invite je à relire MONTESQUIEU et surtout ROUSSEAU, qui distingue bien la somme des volontés individuelles de la volonté générale, cette dernière étant inspirée par le bien commun…