Le déploiement de l’énergie nucléaire est un investissement dans le savoir-faire technique polonais et dans une économie fondée sur la connaissance – déclare Krzysztof TCHÓRZEWSKI. Cet article est le fruit d’un partenariat avec le site Wszystko Co Najwazniejsze, où il a été publié le 30 octobre dernier.
En 1990, 98 pour cent de l’électricité en Pologne provenait des centrales au charbon. 27 ans plus tard, le chiffre se voit baissé à 80 pour cent. La politique climatique de l’Union européenne et le paquet d’hiver imposent une nouvelle réduction du pourcentage de charbon dans le mix énergétique, en raison notamment de la demande toujours croissante en électricité. Dans ce contexte, nous devons répondre à la question stratégique suivante : quelle source d’énergie peut-elle nous assurer un approvisionnement stable en électricité, quelles que soient les conditions météorologiques, et en adéquation avec les fondements de notre sécurité énergétique ?
La symbiose avec le charbon
L’adhésion de la Pologne à l’Union européenne et l’approche globale à la protection du climat ont une influence naturelle sur la production d’énergie à base de charbon en Pologne. Le paquet d’hiver, qui limite les investissements dans les sources d’énergie à haute émission, rétrécit notre marge de manœuvre pour choisir une stratégie énergétique dans la mesure où nos centrales au charbon sont très âgées. Afin de maintenir les centrales au charbon, qui sous-tendent notre sécurité énergétique, dans le système de production d’énergie, nous sommes obligés à nous doter d’une nouvelle source d’énergie qui permettra de réduire les émissions moyennes de CO2 issues de la production. Une telle source est l’énergie nucléaire puisqu’elle peut être intégrée dans notre système énergétique sans engendrer des coûts liés aux émissions. L’atome peut sauver l’industrie charbonnière nationale, tout en permettant de maintenir des dizaines de milliers d’emplois dans le secteur minier. Ceci est essentiel pour préserver notre indépendance énergétique.
Quand le vent ne souffle pas
Les sources d’énergie renouvelables, dont surtout le solaire et le vent, sont exemptes d’émissions tout comme que l’énergie nucléaire. Cependant, la production d’électricité dans les centrales éoliennes ou solaires dépend des conditions météorologiques. Pendant la canicule de cet été en Pologne, la demande en électricité a battu des records. Les températures extrêmes ont créé localement une menace pour la sécurité de l’approvisionnement en énergie. Comme il n’y avait pas de vent, la capacité installée dans les parcs éoliens ne pouvait pas être utilisée pour remédier à la situation. Au mois de juillet dernier, les parcs éoliens ne fournissaient que 4 pour cent de l’énergie consommée, et pendant de nombreux jours, l’indice tombait à zéro. Seule 14 pour cent en moyenne de la capacité éolienne installée a été utilisée. Aux heures de pointe, toutes les sources d’énergie tournaient à plein régime, mais nous avons dû recourir à d’importantes importations quand même.
L’énergie renouvelable ne peut pas être stockée à grande échelle ; elle doit être utilisée au moment de la production. Pour garantir la stabilité de l’exploitation des renouvelables, il faut installer les capacités de production supplémentaires comme réserve en cas de changement des conditions météorologiques. Les centrales au gaz jouent ici un rôle crucial. C’est pourquoi nous voyons de telles opportunités dans le projet Baltic Pipe, un nouveau couloir d’approvisionnement en gaz pour notre région. Cependant, il faut se rendre compte qu’une centrale à gaz de 1 000 MW consomme annuellement plus d’un milliard de mètres cubes de gaz, un produit dont 75 pour cent nous achetons à l’étranger à des prix variés et périodiquement élevés. Une centrale au gaz est moins chère à construire, mais beaucoup plus chère à exploiter par rapport à l’unité nucléaire. De plus, elle reste plus vulnérable aux risques externes. Le combustible nucléaire peut être stocké pendant plus de 10 ans car un réacteur nucléaire n’a besoin que de deux camions de combustible par an. En revanche, une unité de charbon nécessite environ 200 wagons de charbon par jour et le gaz naturel doit être brûlé sans arrêt.
La renaissance de l’atome
Il existe 23 réacteurs nucléaires dans un rayon de 300 km de la Pologne, dont 16 dans les pays du Groupe de Visegrad. La Pologne est le seul membre du V4 à ne pas utiliser cette source d’énergie. La Hongrie, la République tchèque et la Slovaquie augmentent leur capacités de génération nucléaire. La renaissance de l’atome se poursuit. Il existe 455 unités nucléaires dans le monde entier et 55 autres sont en construction. Au cours des deux derniers mois, les premiers réacteurs de la troisième/troisième+ génération ont été mis en service, les pays asiatiques en développement rapide étant en tête de peloton. Selon l’Agence internationale de l’Energie (AIE), il sera impossible d’atteindre des objectifs climatiques sans développer davantage l’énergie nucléaire.
La sécurité
Les chances d’un accident majeur dans le dernier réacteur de la troisième/troisième+ génération sont inférieures à 1 : 400 000 000, alors que le risque qu’un homme soit frappé par la foudre est de 1: 3 000. L’énergie nucléaire est stable et sûre. En Pologne, nous sommes en mesure de traiter les déchets radioactifs, dont l’exemple est le dépôt de déchets radioactifs de Różan en service en toute sécurité depuis plus de 50 ans. Le fait que personne ne soit mort des suites d’une exposition aux radiations à Fukushima peine à faire son chemin dans l’opinion publique.
L’économie innovante
Le déploiement de l’énergie nucléaire est un investissement dans le savoir-faire technique polonais et dans une économie fondée sur la connaissance. L’industrie nucléaire se caractérise par des normes de sécurité très élevées et des exigences techniques comparables à celles de l’industrie aérospatiale. Le secteur nucléaire est étroitement lié au développement des installations scientifiques et de recherche. En Pologne, nous avons un réacteur nucléaire de recherche appelé « Maria », ainsi que les centres renommés avec l’expérience dans ce domaine. La Pologne est également le premier producteur mondial de produits radiopharmaceutiques utilisés dans les diagnostics et les thérapies oncologiques, représentant un cinquième de la production mondiale de molybdène 99, le plus important isotope médical.
Pour l’industrie polonaise, l’énergie nucléaire offre une possibilité de mettre en œuvre les projets à la pointe de la technologie susceptibles de contribuer à la création d’emplois stables et de grande valeur au niveau de l’ensemble de l’économie. Le développement du secteur nucléaire en Pologne pourrait également être un facteur d’accélération du transfert de technologies et du développement de nombreuses industries parentes utilisant des rayonnements ionisants.
L’analyse du potentiel industriel de la Pologne réalisée par le ministère de l’Énergie montre que les entreprises polonaises ont une expérience de la mise en œuvre et de la fourniture de composants pour les centrales nucléaires. Le catalogue « Industrie polonaise de l’énergie nucléaire » publié par le ministère de l’Énergie répertorie plus de 300 entités compétentes dans le domaine de l’énergie nucléaire. 25 entreprises polonaises ont participé à la construction de l’unité 3 de la centrale nucléaire d’Olkiluoto en Finlande. Des entrepreneurs polonais ont également travaillé pour des centrales nucléaires en Russie, en Ukraine, au Japon et au Mexique.
Nouvelles technologies
Le nucléaire ne concerne pas seulement la production d’électricité. L’équipe désignée par moi-même a recommandé l’initiation des travaux sur la mise en œuvre en Pologne des réacteurs à haute température (HTR) de la dernière, quatrième génération, générant la chaleur industrielle. Les réacteurs de ce type sont de petites installations thermiques qui desservent les industries utilisant une chaleur supérieure à 500 degrés Celsius. Cette technologie nous placerait à l’avant-garde des pays développant les technologies nucléaires les plus avancées, et de tels réacteurs pourraient devenir notre produit d’exportation.
Le réacteur HTR est également prometteur pour une autre raison. Permettant d’obtenir une température de 1 000 degrés Celsius, il pourrait être utilisé pour produire le carburant du futur – l’hydrogène. Ce serait un saut de civilisation pour notre pays.
L’atome polonais
Il est vrai que le nucléaire coûte cher au stade de l’investissement. Cependant, le nucléaire est l’énergie la moins chère, notamment en raison de son coût faible de combustible, de sa longue durée de vie (jusqu’à 80 ans) et de son absence d’émission. Le combustible et les émissions de CO2 représentent 70 à 80% du coût de production d’électricité dans une centrale à gaz, contre 10% seulement dans une centrale nucléaire. La hausse récente des prix des quotas d’émission de CO2 met en évidence cette différence en faveur de l’atome.
Le ministère de l’Énergie a préparé un amendement au Programme d’Energie nucléaire polonais, qui sera soumis au Conseil des ministres d’ici la fin de 2018.
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