Lorsqu’Emmanuel Macron annonce le 7 février 2021 qu’il ne suivra pas les injonctions des médecins et des experts demandant de reconfiner les Français, il prend une décision politique risquée mais responsable et courageuse. Il estime en effet qu’à ce stade de l’épidémie, la protection des plus exposés ne justifie pas l’impact économique, psychologique et social pour le plus grand nombre. S’il n’avait pas été protégé par son immunité présidentielle, il est probable que des plaintes auraient été déposées et que des juges auraient perquisitionné l’Elysée comme ce fut le cas pour le ministère de la Santé en pleine crise pandémique.
Un nouveau contre-pouvoir tétanisant
Le fait est là. Désormais toute décision politique prise par un élu ou par un fonctionnaire dans l’exercice de ses fonctions est passible d’une condamnation, soit juridique soit médiatique. Une des premières condamnations qui bouleversa la légitimité de l’Etat à décider fut l’affaire du sang contaminé. C’est à cette occasion que furent condamnés en 1992 quatre médecins du centre national de transfusion sanguine. Depuis cette affaire les fonctionnaires ne sont plus libres de faire valoir leur expertise et leur seul jugement dans la gestion d’une affaire qui relève de leur compétence. Ils doivent désormais veiller à appliquer le principe de précaution maximal des personnes, quel qu’en soit le coût pour la collectivité, au risque de se voir condamné par un tribunal pénal.
Ainsi l’état français garant de l’intérêt du plus grand nombre est désormais privé de la liberté de prendre en conscience les décisions qu’il estime les meilleures pour l’intérêt général. S’il ne peut prendre en considération un tant soit peu un groupe même très minoritaire il sera aussitôt attaqué par la justice et vilipendé par la sphère médiatique.
La judiciarisation et les injonctions médiatiques de notre société constituent désormais le contre-pouvoir omniprésent face auquel le politique doit se soumettre. Ce contre-pouvoir qui s’impose via les nombreuses chaines d’information et les réseaux sociaux infiltre la société et décide de ce qui est moral ou ne l’est pas. Décide de « ce qui est Bien » et de « ce qui est Mal »
Le paratonnerre des agences
Pour tenter de contourner ce contre-pouvoir et de justifier ses décisions, le politique s’est adjoint les services d’agences d’expertises dans tous les domaines. Des experts qui étudient, analysent, modélisent les questions techniques et produit des rapports et des avis d’experts. L’ANSM, l’ANSES sont deux agences qui produisent des avis scientifiques sur des questions de santé pour l’une et d’alimentaire pour l’autre. Ces agences mono-sujet ne sont pas politiques et n’assument que leur avis technique. Elles font valoir par principe le « doute scientifique » et le « principe de précaution » pour éviter de s’exposer aux contre-pouvoirs qui étendent leur droit de regard jusqu’aux profils des experts de ces agences. Celles-ci se protègent en choisissant le plus souvent des positions ultra sécuritaires, laissant les conséquences économiques et sociales à la collectivité. Le politique qui leur a délégué sa compétence d’expertise est coincée en retour par des avis souvent conservateurs. Certes il peut plus facilement défendre ses positions lorsque les contre-pouvoirs l’interpellent mais il se doit d’assumer seul les contreparties parfois exorbitantes de l’application du principe de précaution et de la sur-considération des minorités dans ses décisions.
OGM, Glyphosate, Nitrites : coupables idéaux ou victimes expiatoires ?
Citons quelques exemples qui sont devenus des tabous absolus alors que les données scientifiques disponibles et publiques sont pourtant bien établies :
– les OGM sont utilisés aux USA et dans nombre de pays agricoles depuis 30 ans sans que les risques brocardés au début (sans doute avec justesse) n’aient été constatés. Aucune preuve de maladie ni d’impact environnemental n’a été démontré à ce jour. Pourtant les OGM ont été stigmatisés dès leur origine comme symbole des abus de l’agriculture intensive et productive. Alors que les entreprises et les chercheurs français sont en pointe dans cette technologie d’avenir, aucune activité n’est possible en France du fait des oppositions hystériques. Les consommateurs européens ne peuvent bénéficier des innovations innombrables rendues possibles par la nouvelle génération d’OGM : les gènes édités. L’Académie de l’Agriculture s’en est même émue dans un communiqué de presse en juin 2022.
– Le Glyphosate. C’est une émission Cash Investigation qui a décidé que le glyphosate était un marqueur du Mal et qu’il empoisonnait les agriculteurs et les consommateurs. Ce phytosanitaire très pratique et très répandu rendait des services précieux à tous pour désherber (agriculteurs, jardiniers, collectivité, SNCF….). Après des années d’études complémentaires au niveau mondial le glyphosate a été déclaré non cancérigène et non perturbateur endocrinien par l’ANSES en juin 2022. Malheureusement on ne combat pas une croyance par des résultats scientifiques et les médias se sont bien gardé de diffuser l’information. Les politiques n’auront sans doute pas le courage d’affronter l’opinion publique et de réhabiliter par la loi le glyphosate.
– Les additifs alimentaires et le nitrite en particulier sont passés eux aussi dans le camp du mal à la suite, là encore, d’une émission de Cash investigation. Le scénario est désormais bien rodé : émission catastrophiste, lanceurs d’alerte en blouse blanche, questions anxiogènes sur l’innocuité de la molécule accusée, reprise en cœurs par les médias des risques potentiels et dénonciation des multinationales capitalistes cachées derrière « ces poisons », puis prise de position par certains politiques qui souhaitent en faire des marqueurs de clivage idéologique. Les industriels ne sont pas en reste puisqu’ils trouvent des moyens de supprimer certains de ces additifs et de ostensiblement l’alléguer par la mention « sans » sur les emballages de leurs produits.
Rappelons ici que tous les additifs ou phytosanitaires sur le marché sont réputés sans danger aux doses autorisées car ils ont été évalués par les Agences nationales ou européennes de sécurité des aliments et des produits phytosanitaires.
Ainsi des solutions techniques parfois très efficaces et très économiques sont sacrifiées au nom de l’idéologie et des besoins médiatiques de faire le buzz pour vendre. Les citoyens sont injustement et inutilement privés des nombreux progrès techniques qui tombent dans le camp du mal. Ils sont de surcroit abusivement inquiétés par d’hypothétiques dangers pour leur santé.
Des décideurs politiques éclairés par la science
Il est donc temps de réaffirmer la primauté des faits scientifiques sur les avis médiatiques et idéologiques. Pour ce faire il est impératif de rendre la liberté aux décideurs politiques de choisir les meilleures voies de progrès pour le bénéfice du plus grand nombre. C’est-à-dire en considérant les risques, les bénéfices, mais également le coût économique et social de leurs décisions. Il faut pour cela choisir à nouveau les meilleurs d’entre nous aux fonctions suprêmes de l’Etat et organiser leur protection juridique et médiatique. Même s’ils peuvent se tromper de bonne foi, ils seront toujours les mieux placés car les mieux informés pour évaluer le rapport bénéfice/risque et prendre des décisions éclairées au bénéfice du plus grand nombre.
Rappelons-nous que, face aux croyances et idéologies, l’éclairage des décisions politiques par les connaissances scientifiques et les faits rationnels n’est autre que la philosophie des lumières qui a porté si loin et si longtemps notre civilisation européenne.
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