Les grandes questions environnementales (climat, biodiversité, pesticides, OGM, Covid-19, etc..) donnent lieu à de nombreuses controverses dans lesquelles sont impliqués des groupes sociaux porteurs de différents projets de sociétés. On assiste ainsi à un grand déballage d’affirmations plus ou moins validées, de spéculations hasardeuses, voire d’idées fausses et de croyances, autour de questions qui méritent à n’en pas douter qu’on y accorde beaucoup d’attention. Dans ce contexte, qui va pouvoir jouer le rôle de juge de paix entre les parties prenantes afin d’arbitrer les contentieux ?
L’idée selon laquelle il faut s’appuyer sur la science parce qu’elle est réputée rationnelle et donc qu’elle serait le garant de la « vérité » est assez largement répandue. Dans les débats on voit souvent brandir ces arguments d’autorité : « La science nous dit» … ou « il y a consensus parmi les scientifiques pour dire que… » ou encore « il est prouvé scientifiquement que … », etc…, laissant ainsi penser que la science ayant parlé, la messe serait dite. On postule donc que la science, comme le pape, est infaillible ? Et pourtant cette même société qui la plébiscite, quand cela l’arrange, est de plus en plus critique quant aux innovations qui en découlent, comme on l’a vu à propos des OGM.
Pourtant, cette image d’Epinal d’une science au-dessus de la mêlée, capable de dire le vrai et le faux, est loin d’être le reflet de la réalité et traduit une profonde méconnaissance du fonctionnement du monde de la recherche. D’une part, la science peut se tromper, comme ce fut le cas à diverses reprises. D’autre part, la quête de la connaissance et la recherche de causalités sur des sujets encore mal élucidés est un exercice difficile qui suppose observations, expériences, interprétations, etc. et souvent une remise en cause des premières hypothèses explicatives ! Ce qui apparait comme vérité aujourd’hui ne le sera pas nécessairement demain, de telle sorte que les « certitudes » sont souvent « relatives » chez les scientifiques.
La science peut se tromper…
Il y avait consensus au XVIIIe siècle pour dire que le monde avait été créé par Dieu. Les savants ne remettaient pas en cause le dogme créationniste et Linné, le savant suédois qui a introduit la classification binomiale des êtres vivants, disait clairement qu’il réalisait l’inventaire de l’œuvre de Dieu. La croyance en une nature immuable et parfaite reste encore vivace malgré toutes les évidences… De même on a cru longtemps en la génération spontanée. A la suite de nombreux débats entre les pro et les anti, Pasteur a mis un terme à cette croyance. Rappelons encore qu’il y avait consensus au début du XXe siècle pour réfuter la théorie de Wegener sur la dérive des continents qui sera pourtant à l’origine de la théorie de la tectonique des plaques quelques décennies plus tard.
En matière de climat, il n’ y a pas si longtemps, on ne parlait que des cycles solaires et de la théorie de Milancovitch. Depuis on a découvert le forçage anthropique ! Mais peut-on parler pour autant de consensus à propos du climat ? On peut en douter et le fait de frapper d’ostracisme tous ceux qui osent tenir des propos critiques par rapport à la pensée dominante a certes beaucoup contribué à enterrer le débat. Mais il subsiste, dans ce domaine comme dans d’autres, bien des zones d’ombre, comme le font remarquer, par exemple, des climato-réalistes (1) !. Toutes les opinions émises par d’autres scientifiques sont-elles irrecevables ?
Pourquoi peut-on parler d’incertitudes en science ?
Un grand défi de la fin du XXe siècle a été la prise de conscience de l’extraordinaire complexité du monde : complexité des systèmes écologiques et des organismes vivants, complexité des sociétés humaines, complexité du système planétaire, etc. Dans le langage courant on a tendance à utiliser le terme complexe pour traduire la difficulté à bien appréhender l’objet d’étude… C’est en quelque sorte reconnaitre que c’est « compliqué » et que l’on a du mal à l’analyser. Mais dans le langage scientifique, complexité signifie que tout système est composé d’éléments qui interagissent entre eux sous des formes très variées, et dont la résultante n’est pas directement accessible au simple bon sens… Si nous avons longtemps vécu sur l’idée qu’à une cause correspond un effet, nous sommes maintenant confrontés dans de nombreux domaines au fait que la dynamique des systèmes dépend de multiples paramètres, et à la difficulté d’identifier leurs rôles respectifs. Sans compter le rôle fondamental que jouent les phénomènes aléatoires dans la dynamique des systèmes écologiques comme nous l’a rappelé Jacque Monod (2).
On rejoint ainsi ce que le physicien Werner Heisenberg appelait le principe d’incertitude (ou principe d’indéterminations (3) ) qui peut se résumer sur le plan philosophique par : dans la vie comme en mécanique quantique, nous ne pouvons être surs de rien. Une conséquence est que de nombreux débats autour d’hypothèses contradictoires résultent des difficultés d’interprétation d’observations réalisées dans des contextes où les échelles de temps et d’espace sont emboitées, les effets peuvent être différés, et dont on ignore les possibles synergies entre paramètres. Ce phénomène est particulièrement bien connu dans le domaine de l’épidémiologie : un symptôme peut être le résultat de multiples causes sans que l’on arrive le plus souvent à identifier lesquelles jouent un rôle déterminant. Un tel système peut être assimilé à une boite noire dans la mesure où nous avons de grandes difficultés à comprendre les mécanismes intimes de son fonctionnement.
Dans le débat sur la pollinisation et la mortalité des abeilles, il est évident que si les insecticides jouent un rôle ils ne sont pas les seuls en cause, contrairement aux allégations de certains mouvements militants (4). Mais on focalise l’opinion sur le rôle négatif des pesticides, en passant sous silence les autres paramètres en cause. Une démarche purement à charge, contraire à la déontologie scientifique qui est de rechercher les causes sans idée préconçue…
Nous sommes confrontés à « la non-pertinence de notre mode de connaissance et d’enseignement, qui nous apprend à séparer (les objets de leur environnement, les disciplines les unes des autres), et non à relier ce qui pourtant est « tissé ensemble ». L’intelligence qui ne sait que séparer brise le complexe du monde en fragments disjoints, fractionne les problèmes. Du coup, plus les problèmes deviennent multidimensionnels, plus il y a incapacité à penser leur multi-dimensionnalisé; plus les problèmes deviennent planétaires, plus ils deviennent impensés. Incapable d’envisager le contexte et le complexe planétaire, l’intelligence devient aveugle et irresponsable » E. Morin – Relier les connaissances, 1999, p.8.
Il faut souligner également que la recherche des rapports de causalité dans de tels contextes suppose que l’on puisse disposer d’observations de bonne qualité sur de nombreux paramètres susceptibles d’avoir un impact pendant de longues périodes. Les fameuses séries d’observation à long terme dont rêvent tous les naturalistes et qui font si souvent défaut. D’une part, cela coûte trop cher, parait-il…, d’autre part, il faut du temps pour accumuler de l’information exploitable, et ce n’est pas rentable en matière de publication ! Alors qu’il existe dans le domaine de la climatologie, de l’astronomie, ou de la géophysique des observatoires et du personnel dédiés aux mesures à long terme, il n’y a rien d’équivalent dans le domaine des sciences du vivant.
On pourrait encore ajouter que de nombreux travaux ont mis en évidence le rôle des phénomènes aléatoires dans la dynamique des systèmes. La nature ne fonctionne pas à l’image d’une machine et la démarche mécaniste et déterministe du fonctionnement des systèmes écologiques qui a longtemps prévalu est périmée. Le corollaire est évident : il est difficile dans ce contexte de prévoir l’évolution à moyen et long terme car nous n’avons pas la boite à outils pour le faire. Pourtant certains « scientifiques ». ne résistent pas à la tentation de jouer les pythies…
Les observateurs que nous sommes sont donc confrontés à de grandes difficultés pour analyser et interpréter les données souvent disparates et incomplètes dont nous disposons. Beaucoup de méta-analyses quand on les examine de près, font état de la difficulté de disposer de données sur les paramètres jugés importants et concluent traditionnellement par la nécessité de poursuivre, voire d’intensifier les recherches ! Les conclusions généralement prudentes des scientifiques sont en revanche souvent traduites sous forme caricaturale et alarmiste par les médias.
La contradiction fait partie du débat scientifique
Le fait de contester une théorie majoritaire à un moment donné n’est pas une hérésie, mais un élément du débat scientifique. La découverte de la « vérité » ne se construit pas nécessairement par consensus mais par aller-retour (on pourrait dire essai-erreur) entre un modèle explicatif et les faits observés. La démarche scientifique se nourrit donc d’interrogations, d’esprit critique, et de doutes. Il est possible que d’autres observations dans un autre contexte donnent des résultats différents… d’où des interprétations différentes ! Et la vérité n’est généralement dans aucun camp !
La réfutabilité (ou falsifiabilité) est un concept introduit par Karl Popper (5) qui est considéré comme le fondement de l’épistémologie scientifique. Toute hypothèse, toute affirmation doit pouvoir être réfutable, c’est-à-dire qu’elle doit pouvoir se prêter au jeu de la contestation pour tester sa robustesse. Si une hypothèse concurrente se révèle plus apte à décrire un phénomène, elle prendra la place de la précédente. Autrement dit, la démarche scientifique est de s’assurer de la correspondance entre les faits et les théories qui essaient de les interpréter.
A certain moment la connaissance d’un phénomène peut se stabiliser, même si des incertitudes demeurent et en l’absence d’hypothèse alternative crédible. Mais il n’est jamais exclu que les progrès technologiques où l’acquisition de nouvelles connaissances permettront de progresser à nouveau.
(A suivre)
(1) Que vaut le consensus sur le climat ? https://www.contrepoints.org/2019/09/29/354477-que-vaut-le-consensus-sur-le-climat
(2) Monod J., Le hasard et la nécessité, éditions du Seuil, coll. « Points »
(3) https://etienneklein.fr/peut-on-comprendre-dou-provient-lefficacite-des-mathematiques-en-physique/
(5) Popper K., Conjectures et réfutations, La Croissances du savoir scientifique, Paris, Payot, 1985.
Lire la deuxième partie
Bonjour
Merci pour votre article sur lequel je suis globalement en phase, sauf sur deux points:
1) Le plus important: certes consensus scientifique ne veut pas dire vérité, et les exemples que vous donnez en témoignent. Pour autant *lorsqu’il existe* un tel consensus est notre meilleure référence et il est beaucoup moins risqué d’y adhérer que de croire n’importe quel expert auto-proclamé qui s’y oppose au motif que le consensus s’est souvent trompé dans le passé: tout le monde ne s’appelle pas Galilée! Votre mise au point risque d’encourager le grand relativisme qui n’écoute la science que lorsque cela l’arrange (OGM, nucléaire, etc)…
2) Un point de détail: le principe d’indétermination d’Heisenberg ne dit pas que l’on ne peut être sûr de rien car les choses sont trop complexes ou que nos capacités de mesure sont limitées. C’est structurellement qu’une particule n’a pas une position et une vitesse déterminées simultanément. Cette indétermination fondamentale (« ontologique ») est propre à la nature des choses et non pas à nos limites en tant qu’observateur. Je vous renvoie sur ce thème aux conférence d’Etienne Klein, par exemple celle ci: https://www.dailymotion.com/video/x27oilm#:~:text=R%C3%A9compens%C3%A9%20d'un%20prix%20Nobel,un%20principe%20%C3%A9nonc%C3%A9%20en%201927.&text=Explications%20d'Etienne%20Klein%2C%20physicien,Commissariat%20%C3%A0%20l'%C3%A9nergie%20atomique.
Ce n’est que récemment que l’idée d’un nécessaire consensus scientifique est apparue.
C’est par la création du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) qu’il a été demandé qu’une synthèse mondiale soit faite sur une question qui semblait, à l’origine du moins, être d’ordre scientifique.
Parler de « consensus » climatique est une distorsion de la vérité : on peut très bien faire partie de la cohorte identifiée comme étant d’avis qu’un réchauffement est en cours, que des émissions de gaz à effet de serre ont une origine humaine, et que par le phénomène de forçage radiatif elles participent à ce réchauffement et, en même temps, ne pas être du tout d’accord avec les inférences qui sont faites, pour la plupart subjectives et arbitraires, et qui conduisent à des politiques climatiques futiles, inefficaces, ruineuse et injustes (accord de Paris et ses COP suivantes).
La science n’est pas en cause, son mésusage l’est. Les experts du GIEC le savent, et leur instrumentalisation politique fait problème.
Un équivalent au GIEC a aussi été créé pour la biodiversité dont il ne faut pas non plus attendre de consensus scientifique.
Faire dire la science par un collège d’expert n’est pas une bonne méthode car cela suppose que ce soit possible, surtout dans des domaines si complexes et multidimensionnels.
Les autres sciences, en tout cas les dures qui s’exposent à la vérification et à la réfutation, n’ont jamais fait l’objet de telle revue officielle (même au Vatican). Ce sont les sociétés scientifiques spécialisées qui en débattent et desquelles sortent les connaissances communément admises faute de meilleures. Cela prend le temps qu’il faut, en toute indépendance de contingences politico-sociales qui peuvent surgir à court terme.
« Consensus scientifique » est une expression scabreuse et équivoque, à éviter ou même à bannir.
Je suis d’accord avec vous, le consensus est un artifice mais qui sert d’argument d’autorité pour certains groupes sociaux…
c’est vrai qu’il est a priori plus facile pour les sciences dites dures de s’entendre sur l’état de la science
mais dans le cas de l’environnement, les émotions, les croyances, les idéologies, rebattent complètement les cartes. La science n’est pas en cause, elle est même souvent marginalisée
la question alors: peut-on trouver un juge de paix?
Pour le premier point vous mettez le doigt sur un point particulièrement délicat et que je résumerais ainsi : au nom de la bonne cause faut-il se taire ? Faut il donner à l’extérieur l’impression que la science est rigoureuse, alors que, dans mon domaine tout au moins, on mélange souvent science et idéologies ?
Un exemple : les mouvements militants font l’apologie des zones humides pour encourager leur préservation. Elles seraient parées de toutes les vertus… sauf que :ce sont des émetteurs de gaz à effet de serre, et surtout des réacteurs de maladies parasitaires… On l’a un peu oublié en France depuis qu’on en a beaucoup supprimées, mais en Afrique c’est le cas. Or dans les réunions internationales auxquelles j’ai participé, quand on traite des zones humides, on élude systématiquement ces questions ?? qui pourraient ternir le discours sur la préservation. Un scientifique doit-il se taire ? En réalité beaucoup ne remettent pas en cause ce discours militant qui leur permet d’obtenir des financements !
Catherine Larrère (dans » la nature la science et le sacré » ), pose la question : si tout est instable, et que la nature change en permanence, comment « distinguer ce qui est bon (les équilibres naturels) et ce qui est mauvais (les déséquilibres introduits par les actions humaine) ». Elle veut dire par là que nous sommes attachés à une vision fixiste de la nature, alors que cette dernière est en réalité dynamique. Nos politiques basées sur des normes sont donc obsolètes.. quels sont alors les repères ? D’une démarche déterministe de l’écologie des années 1970, nous passons à la reconnaissance de l’aléatoire et de l’incertitude. On peut effectivement en arriver à dire que l’on peut faire n’importe quoi… et il nous faut trouver de nouveaux repères… pas simple mais c’est le challenge! Doit-on continuer pour autant à élaborer des politiques environnementales sur des bases périmées ?
Pour le second point, merci pour les précisions je vais consulter le site
Il faut faire attention que le principe d’incertitude n’est pas du tout la même chose que l’incertitude sur les systèmes complexes, en particulier ceux qui ont un comportement chaotique. Le comportement d’un système quantique (de tous ceux dont on peut résoudre les équations) est parfaitement prédictible en moyenne avec une incertitude de 1/N**0.5, où N est le nombre d’échantillons. C’est pourquoi la MQ est une certitude scientifique.
On sait aussi qu’un problème à plus de 3 corps ne peux pas être résolu exactement en général. Cela aussi est une certitude.
D’une manière générale, c’est l’aptitude d’une théorie à prédire des effets futurs qui fait sa valeur et non nécessairement je ne sais quel consensus. Dans les temps anciens, jusqu’à Newton grosso modo, les « savants » se moquaient de l’accord avec l’expérience. On ne peut donc pas prendre les erreurs de leurs conceptions pour une évolution de la science puisque cela n’en était pas. Les médecins ont saigné (et zigouille) leurs patients pendant des siècles sans la moindre base scientifique. Encore en 1799 Georges Washington a été prélevé de 4 litres de sang pour soigner un rhume, ce qui l’a promptement envoyé ad patres… C’etait une conception Aristotelienne des humeurs qui n’était pas de la Science. Du temps de Wegener, sa proposition etait mise en doute certes car on considérait que ce n’était qu’une hypothèse. De la même manière que l’on considère aujourd’hui que la supersymétrie ou la théorie des cordes ne sont pas prouvées. L’analyse des fonds marins a prouvé la dérive des continents et depuis c’est une certitude scientifique. La mécanique Newtonnienne (certes complétée plus tard par la Relativité) n’est pas remise en question pas plus que les équations de Maxwell ou la mécanique quantique. La Science énonce des certitudes ! C’est à dire que l’on peut prédire, avec la précision de mesure de l’époque, l’évolution du système considéré. Quand il n’y en a pas, ce n’est pas de la Science. Ce sont des hypothèses séduisantes et qui peuvent rendre des services. Les méthodes sont scientifiques, mais le résultat ne l’est pas nécessairement (cas de la météo). Certes le grand public ne comprends pas cela. Mais il ne comprend pas grand chose…malheureusement
>> En matière de climat, il n’ y a pas si longtemps, on ne parlait que des cycles solaires et de la théorie de Milancovitch. Depuis on a découvert le forçage anthropique ! Mais peut-on parler pour autant de consensus à propos du climat ?
Petite précision pour commencer, on écrit Milanković ou Milankovitch et non pas Milancovitch.
Ensuite, l’idée d’exprimer la température de la Terre en faisant un équilibre des flux d’énergie par unité de surface apparaît pour la première fois chez Dines (1917). Cette idée est en quelque sorte l’origine du concept de forçage radiatif. Ramanathan en 1975 sera le premier à utiliser le nom de forçage radiatif et d’en produire une définition à jour avec les connaissances acquises au fil des décennies.
En comparaison, Milanković publia sa théorie en 1930 et elle sera reconnue qu’en 1976 avec le travail de Hays, Imbrie et Shackleton. Vous noterez que ce papier de 1976 explique déjà que les paramètres de Milanković suggèrent que la Terre devrait se refroidir au lieu de se réchauffer.
Aussi étonnant qu’il puisse vous y paraître, la recherche sur le CO2 et son rôle sur le climat est vieille. Dans les années 50, le physicien Gilbert Norman Plass a été le premier à remettre sur le devant de la scène la théorie d’Arrhenius et de Callendar qui avait été un peu oubliée avec la seconde guerre mondiale. On en parlait suffisamment à l’époque pour qu’un documentaire de Frank Baxter et Frank Capra, intitulé « The Unchained Gooddess » et diffusé à la télévision en 1958 évoque déjà la possibilité d’un réchauffement néfaste à cause des émissions de CO2. De même en 1965, le comité scientifique du président américain avait écrit un rapport intitulé “Restoring the Quality of Our Environment” où plusieurs pages sont consacrées au réchauffement climatique induit par l’Homme.
Références:
– Dines, W. H. (1917). The heat balance of the atmosphere. Quarterly Journal of the Royal Meteorological Society, 43(182), 151-158.
– Ramanathan, V. (1975). Greenhouse effect due to chlorofluorocarbons: Climatic implications. Science, 50-52.
– Milankovitch, M. (1930). Mathematische klimalehre und astronomische theorie der klimaschwankungen. Handbuch der Klimatologie 1.
– Hays, J. D., Imbrie, J., & Shackleton, N. J. (1976). Variations in the Earth’s orbit: pacemaker of the ice ages. science, 194(4270), 1121-1132.
– Plass, G.N., 1956, Carbon Dioxide and the Climate, American Scientist 44, p. 302–16.
– Tukey, J. W. (1965). Restoring the Quality of Our Environment: Report. White House.
Question pour M. Lévêque, considérez-vous vraiment l’association des Climato-Réalistes comme une source de critique neutre et sans motivation politique?
De mon point de vue, cette association est fortement liée à la sphère du militantisme libertarien/libéral et les articles de l’association sont très souvent truffés d’éléments de langage propres à la communication politique.
Ce n’est pas anodin car aux Etats-Unis, un discours pseudoscientifique a été propagé par deux énormes think tanks à obédience libérale: le Cato Institute et le Heartland Institute. Ces deux think tanks ont notamment lutté contre la réglementation du tabac et maintenant ils s’attaquent à la question du réchauffement climatique. Le problème c’est que le Cato Institute figure parmi les contributeurs de Contrepoints et Libéraux.org.
Si on regarde les principaux dirigeants de l’association des Climato-Réalistes, il y a Benoit Rittaud qui s’est rendu personnellement aux conférences « climatosceptiques » organisées par le Heartland Institute. On a aussi Christian Gerondeau qui est membre du Global Warming Policy Foundation, un think tank ayant des liens avec les industries minières et pétrolières. Ces deux personnes ont par ailleurs exprimé plusieurs fois leur sensibilité politique, qu’on peut considérer comme un libéralisme assez poussé.
Donc personnellement je n’arrive pas à les considérer comme neutre sur la question. Pour moi c’est du même niveau qu’Extinction Rebellion.
M. Lévêque, si ça vous intéresse toujours, je rajoute un complément à mon premier message au sujet de l’ancienneté du sujet (le CO2 et son rôle sur le climat). J’ai découvert que Roger Revelle, un géophysicien, s’était exprimé au congrès américain en 1957 sur le risque d’un réchauffement climatique et d’une désertification progressive d’une partie de la Californie et du Texas. Le texte de son intervention ici:
https://babel.hathitrust.org/cgi/pt?id=mdp.39015036820101&view=1up&seq=384
La méthodologie du GIEC est ascientifique : Loin de la pratique consistant à observer et répertorier des faits, puis à chercher des corrélations entre eux suggérant des tendances permettant d’en tirer une loi, avant d’en vérifier les tenants et aboutissants lors d’expérimentations renouvelables, en soumettant son raisonnement et ses résultats à ses pairs… Méthode scientifique classique, hors physique quantique…
Les gens du GIEC assènent des axiomes se renforçant les uns les autres, ne retenant que les données les confortant, et écartant ou marginalisant celles incompatibles avec leurs conclusions prédéterminées ! Et ceci aboutit à un paradigme présenté comme irréfragable.
D’autant plus que le GIEC est devenu un club privé où l’on se coopte entre réchauffistes. Et dans certains pays dont la France, les pouvoirs politiques et la pression médiatique prétendent imposer une vérité scientifique officielle. Tout cela rappelle le géocentrisme, la phrénologie ou le lyssenkisme.
Or on n’impose pas une théorie prétendue scientifique à coup d’anathèmes et d’excommunications décidées par des inquisiteurs dont les plus virulents (les politiciens et les journalistes) souffrent d’un double déficit de bagage scientifique et de culture historique.