Arrêté depuis le 16 mars dernier à cause du coronavirus, le chantier de restauration de Notre-Dame de Paris doit reprendre aujourd’hui, lundi 27 avril. Un an après l’incendie, European Scientist fait le bilan avec Suzana Demetrescu-Guenego, architecte indépendante spécialisée sur la restauration du Patrimoine.
The European Scientist : D’après vous, quel état des lieux peut-on faire après l’incendie de Notre Dame ?
Suzana Demetrescu-Guenego : On sait désormais que la structure est très affectée : la toiture a disparu et l’ancien échafaudage, toujours présent, rendu inutilisable, est difficile à déposer. Cela peut prêter à confusion en donnant l’image d’un chantier qui avance lentement. Cependant la situation actuelle montre que les mesures d’urgence ont bien été prises. L’édifice semble stabilisé après le choc subi, il doit rentrer en phase de « guérison » avant la reconstruction.
TES : A-t-on été suffisamment réactif ?
SDG : Oui, vu l’état des lieux, surtout concernant les mesures d’urgence : dépollution, pose des étaiements, purge des éléments instables, mise en place des témoins, etc…. Toutes ces mesures ont été prises à temps. Concernant la présence de l’échafaudage inutile, dont nous avons parlé, des solutions de démontage ont dû probablement être envisagées pour limiter tout dommage collatéral. Donner un délai de réalisation est une bonne approche en soi. Une durée de cinq ans semble courte, comme nous l’avions souligné à l’issue de l’incendie ; pour tenir ce délai il faudrait qu’on ait une finalité distincte du projet.
TES : Quid de la transparence du gouvernement ?
SDG : Compte tenu que Notre-Dame c’est un symbole de la France qui appartient à la conscience collective, elle fait partie du patrimoine de l’humanité, il serait utile de donner des informations officielles et communiquer sur les différentes étapes franchies et à venir via une plate-forme, par exemple.
TES : Quelles orientations ont été prises en terme architectural ? Un projet a-t-il été arrêté ?
SDG : Les informations présentées via les médias ont montré une volonté soit de reconstruction de la flèche à l’identique ou sous la forme d’un projet contemporain. On peut constater que le « geste architectural » reste à clarifier, avoir une vision sur la durée de réalisation est difficile à définir.
TES : Les ressources nécessaires pour les travaux (hommes et matériaux) seront-elles difficiles à obtenir ? Y a-t-il des difficultés particulières ?
SDG : Il y a toujours des moyens humains et techniques pour un édifice aussi exceptionnel. Les finances sont là : fonds publics et privés. Tout est question d’organisation et de management. La dépose de l’ancien échafaudage est une gageure. N’oublions pas qu’il s’agit d’un projet atypique qui mobilise des moyens modernes tout en devant préserver le caractère patrimonial.
TES : Quelles mesures ont été prises en réaction au Covid ?
SDG : Tous les chantiers architecturaux sont impactés par la crise. Sur les chantiers que je dirige, la première phase a été l’arrêt de chantier. Une analyse des risques a été faite par des organismes qui sont chargés de la sécurité et la protection de la santé sur les chantiers. Les entreprises ont intégré ces contraintes et apporté des solutions. Actuellement l’activité reprend, avec une réglementation stricte qui demande de respecter des consignes de sécurité très précises : porter des masques, maintenir l’hygiène, éviter la co-activité. Je ressens de la part des différents acteurs du bâtiment (entreprises, maitres d’ouvrage, maitre d’œuvre) une volonté de reprise des travaux et projets. Je souhaite que les chantiers de restauration par leur volonté et leurs moyens montrent l’exemple d’une société qui reprend confiance.