Les nombreuses communications relatives à l’alimentation humaine focalisent désormais plus l’attention sur les impacts environnementaux liés à la production agricole qu’à la quantité à produire et à la qualité sanitaire des denrées agricoles.
Le bon équilibre des régimes alimentaires (produits végétaux et animaux inclus dans des repas variés) constitue pourtant un facteur déterminant pour la santé des populations et donc pour leur qualité de vie, leur longévité et les maladies chroniques liées à l’alimentation (obésité, diabète, pathologies cardiovasculaires…).
Or depuis peu l’alimentation n’est plus considérée qu’à travers les impacts environnementaux qu’elle occasionne. On découvre que pour nourrir 8 milliards d’êtres humains sur Terre il faut produire, transporter, transformer, réfrigérer, stocker distribuer des denrées agricoles et alimentaires en masse et que les impacts environnementaux associés sont significatifs.
A raison de 65 gr de protéines et 2500 kcal par jour pour chacun en moyenne, l’humanité a besoin chaque jour de 520 kt de protéines et plus de 2 1013 kcal.
L’Homme au sommet de la chaîne alimentaire et inclus dans les cycles immuables de la biosphère
Mais heureusement la nature étant bien faite, les nutriments nécessaires à la vie humaine font partie de cycles naturels. Ils ne sont donc pas détruits mais transformés grâce aux trois cycles principaux mus par l’énergie solaire.
Le cycle de l’azote transforme l’azote minéral (azote gazeux, nitrite ou nitrate) en azote organique (acides aminés). L’azote minéral assimilé par les végétaux, le premier maillon de la chaîne alimentaire, se transforme en azote organique sous forme d’acides aminés. Ces Acides aminés se diffusent dans toute la chaîne alimentaire via les animaux jusqu’à l’Homme pour aboutir à la formation des molécules fondamentales ultra complexes et ultra spécifiques : les protéines. Une fois qu’elles ont joué leur rôle biologique les protéines transformées en urée retournent dans la biosphère sous forme d’azote minéral perpétuant ce cycle infini.
Le cycle du carbone utilise l’énergie solaire et la photosynthèse pour consommer le CO2 (forme minérale du carbone), former les composés organiques riches en énergie et produire de l’oxygène. Ces molécules organiques servent majoritairement à fournir l’énergie aux êtres vivants qui la consument et rejettent du CO2 dans l’atmosphère. Exceptionnellement si cette biomasse organique n’a pas été consumée elle se retrouve sous forme de matière organique dans les sols ou sous forme fossilisée en charbon, en pétrole ou en gaz. Là aussi, tant que l’énergie solaire est disponible et que le CO2 est présent dans l’atmosphère le cycle est infini.
Le cycle de l’eau douce est la circulation continue de l’eau sur toute la planète. Grâce là aussi à l’énergie solaire l’eau circule sur la terre sous toutes ses formes (vapeur, pluie neige, rivière…) et constitue des réserves plus ou moins permanentes (nappes phréatiques, lacs, glaciers…). Une part de cette eau est présente dans les cellules des organismes vivants ce qui en fait un des composants principaux de la vie. L’eau n’est donc jamais détruite mais simplement consommées épurée et réintroduite dans le cycle du vivant.
Tous ces cycles sont immuables et existent depuis la nuit des temps de la vie terrestre soit 3,5 milliards d’années. Le CO2 autrefois majoritaire dans l’atmosphère a été petit à petit remplacé par de l’oxygène.
Comme tout organisme vivant, l’Homme participe à ces cycles naturels et sa survie en haut de la chaîne alimentaire suppose qu’il trouve les ressources nécessaires à celle-ci. La nature sauvage a permis à l’Homme chasseur-cueilleur de survivre au milieu d’une nature hostile puis, grâce à son organisation sociale et à son intelligence, de s’extraire de sa condition animale. Pour cela il a dû apprivoiser la nature et la rendre capable de produire suffisamment de ressources riches en énergie et en protéines pour le rassasier. Ce fut la naissance de l’agriculture et de l’élevage qui, dans chaque région du monde, a pris une forme particulière liée au climat, aux sols mais aussi à la culture, aux croyances et à l’organisation sociale. Cette agriculture vivrière a forgé les paysages et la culture locale mais aussi les habitudes alimentaires de chaque région du monde. La nature a donc bien été domestiquée par la main de l’Homme afin de lui permettre de vivre et de se reproduire sur la Terre.
La France terre agricole
En France cette domestication a débuté par les Gaulois et s’est intensifiée à partir du moyen âge quand les moines ont défriché les terres, asséché les marais, coupé les forêts afin de libérer des surfaces agricoles pour nourrir plus de monde et éloigner le spectre de la famine et de la disette. Cette disponibilité alimentaire accrue a permis une biodiversité nouvelle et la forte croissance de la population humaine en France.
Au 20 -ème siècle l’agriculture française s’est modernisée grâce aux sciences et aux technologies rendues disponibles par la révolution industrielle.
Dotée de conditions météorologiques, pédologiques et de relief particulièrement variées et favorables, la France est devenue une puissance agricole. Les politiques du 20 -ème siècles ont installé la mécanisation et l’intensification des productions agricoles faisant de la France un exportateur de référence dans le monde entier.
Du temps où la priorité était de nourrir les populations dans le monde, l’agriculture française constituait une force et était respectée, considérée et remerciée pour la nourriture qu’elle apportait aux populations du monde et pour la richesse qu’elle produisait au cœur du pays. Elle était une source de devises et dégageait un très fort excédent commercial. Les campagnes profitaient des retombées économiques de l’agriculture et les usines de transformation se développaient en bénéficiant de denrées de qualité.
Aujourd’hui les denrées agricoles tout comme les médicaments sont transportés sur tout le globe ce qui rend possible une croissance effrénée de la population mondiale.
En France comme ailleurs, l’agriculture a dû passer du modèle vivrier au modèle industriel afin de nourrir les villes ouvrières gourmandes en main d’œuvre mais aussi les zones géographiques du globe qui ne bénéficient pas des bonnes conditions ou des compétences agricoles. Dans ce contexte de compétition mondiale de l’agriculture, la France, par sa culture agricole et gastronomique a su conserver jusqu’à aujourd’hui un modèle à la fois familial, productif et durable, gérant le patrimoine foncier et la fertilité des sols avec une préoccupation permanente de l’avenir.
Ce n’est pas le cas dans d’autres pays où l’agriculture constitue une industrie à fort besoins en capitaux et où les pratiques sont inacceptables si l’on considère la durabilité c’est-à-dire la préservation des moyens de production dans le temps. On voit en effet aux USA ou au Brésil des pratiques qui mettent en péril à la fois la fertilité des sols et la qualité des produits (déforestation massive, désherbage sans labour, aucun amendement de matière organique, limitation des rotations, hormones de croissance en élevage, traitements antibiotiques de croissance…). Si ces pratiques extrêmes existent dans certains lieux, elles n’existent ni en France ni en Europe et il est regrettable que nombre de discours dégradent l’image de l’agriculture européenne en se basant sur ces pratiques abusives.
Les idées reçues en agriculture
Tout en intensifiant la productivité de son agriculture la France a conservé un modèle agricole durable et familiale. Durant toutes ces années des améliorations des pratiques ont été conduites pour réduire les effets négatifs : sélections variétales plus résistantes, molécules phytosanitaires beaucoup plus spécifiques et nettement moins nocives pour l’environnement, réduction des engrais en excès par des progrès dans l’analyse des sols et de la maitrise des épandages, amélioration des pratiques vétérinaires pour éliminer les résidus dans les produits et les réduire dans l’environnement.
Les alertes des ONG sur les pollutions de l’agriculture française sont largement teintées d’idéologie et présentent un tableau apocalyptique à dessein. Certes des progrès pour réduire les externalités négatives et améliorer la protection des sols sont possibles et engagés. Les exploitations familiales en France prennent en considération la durabilité des pratiques agricoles qui sont extrêmement encadrées par les nomes et les administrations.
Mais nous sommes rentrés dans un contexte quasi religieux d’adoration de la Nature idéale. Dans ce contexte, les discours sur la perte de biodiversité, la pollution par les résidus de phytosanitaires ou de médicaments vétérinaires sont très largement exagérés et même catastrophistes. Pourtant si on en croit les données scientifiques présentées et analysées très précisément par l’Académie de l’Agriculture, la situation en France est très loin de ce constat alarmiste. (Ouvrage de 2019 : Idées reçues en Agriculture).
Cette ambiance de fin du monde a fait évoluer les priorités de la Recherche Agricole et des politiques publiques. Désormais le progrès pour une agriculture plus productive et de bonne qualité sanitaire a cédé la place à l’agroécologie, l’agriculture pour la transition écologique. Ainsi les scientifiques ont cessé de réfléchir aux moyens pour l’efficacité des productions pour se concentrer sur les externalités négatives de l’agriculture et de l’élevage. Des moyens importants ont été détournés des sciences dures pour être réorientées vers des disciplines morales (sociologie, éthologie, écologie, respect animal…) dans lesquelles on évalue l’intention et la moralité des moyens plus que les effets obtenus et donc l’efficacité. On impose des contraintes pour répondre aux angoisses anthropologiques dénommées « attentes sociétales » et on abandonne la mesure rigoureuse des résultats sur des indicateurs objectifs. On s’attaque à des symboles (glyphosates, OGM, néonicotinoïdes) sans vouloir mesurer les effets sur la durabilité et sur l’économie agricole.
Autrefois considérés comme les nourriciers des Hommes, les agriculteurs sont devenus aux yeux des urbains, des pollueurs et des tortionnaires d’animaux d’élevage (tout comme les abatteurs et les bouchers). Tous ces professionnels ne comprennent pas ce basculement et souffrent terriblement de cette injustice et de cette inculture de masse. Les données démontrent pourtant qu’ils ont fondamentalement amélioré la durabilité de leurs pratiques durant les 3 dernières décennies mais ils sont inaudibles dans un débat religieux où la croyance prime sur les faits.
Désormais des ONG et des Think-Thank se sont autoproclamés expert en politiques agricole et ont abandonné tout ambition pour une grande agriculture nourricière et exportatrice. Ils présentent des scénarios de décroissance pour l’élevage et pour l’agriculture afin de laisser place à biodiversité et aux terres sauvages. Nourrir l’Homme n’étant plus un enjeu ils refusent d’exporter et sont prêts à importer les denrées agricoles qu’on ne produirait plus chez nous.
L’agriculture dans le contexte de la déconstruction
Dans ce contexte de déconstruction et de remise en question généralisée, l’agriculture française est attaquée par une nouvelle génération d’urbains coupés de la nature et de la terre.
Les paysans ont su depuis des siècles produire en France les denrées agricoles dont nous avions besoin grâce à une technicité toujours croissante. Malgré l’adversité les agriculteurs misent sur la durabilité, les innovations et les techniques agricoles pour continuer à réduire les externalités négatives de la production sans décroissance ni baisse de qualité.
L’agriculture française constitue plus que jamais un enjeu stratégique pour notre autonomie alimentaire et pour la qualité sanitaire et nutritionnelle de notre alimentation.