Juriste de formation, auteur du blog pseudo-écologie, véritable touche à tout, Alexandre Baumann a pour principaux centres d’intérêts le marketing digital, l’innovation et l’écologie. Il est l’auteur de plusieurs ouvrages dont notamment « Le côté obscur de la raison, L’antéconcept », « Effondrement, burn-out et échec scolaire. Le danger des agrégats » et « Économie du militantisme. Le paradoxe du cancer militant. » trois ouvrages publiés chez l’Harmattan.
En 2021, il a publié Agribashing, une violence qui s’ignore chez VA Editions. Voici comment il explique ce nouvel ouvrage :
« En étudiant la greentech, j’ai constaté quelque chose d’assez bizarre : les agriculteurs n’aimaient pas trop les « écologistes », leur reprochant de « l’agribashing ». Au début je croyais à une sorte de malentendu entre « urbains » et « ruraux », qu’il suffirait de rétablir la communication pour résoudre le problème. Puis j’ai creusé le sujet … J’ai découvert une désinformation terrifiante, tendant à asservir l’agriculture et écrasant les agriculteurs, ainsi que tout un écosystème entrepreneurial autour. Surtout, à travers cette étude, j’ai découvert que l’écologie politique n’avait, aujourd’hui en France, rien d’écologique et tout de politique.
A l’occasion de l’été European Scientist diffuse les bonnes feuilles d’ouvrages en lien avec la politique scientifique. Voici un extrait de l’ouvrage d’Alexandre Baumann intitulé « L’Agribashing: une violence qui s’ignore » (VA édition, 2021)
Chapitre 3. Le discours agribashiste
Aux origines du mépris
Derrière ces nombreuses formes de violences, on voit apparaître tout un discours qui prétend les légitimer.
C’est explicite dans le cas des faucheurs volontaires : ce serait pour protéger la nature qu’ils feraient ces exactions. De même, les intrusions seraient « justifiées » par l’importance de dénoncer les dérives de l’élevage industriel.
On le voit aussi à travers les expressions de mépris sur les réseaux sociaux (tout ce qu’il y a derrière les accusations d’être des « empoisonneurs ») ou même dans le complotisme de la classe politique.
Globalement, on peut dégager 3 grands thèmes aux discours agribashistes :
• la condamnation de ce qu’ils appellent l’agriculture productiviste
• la valorisation de l’agriculture biologique, d’une agroécologie et des circuits courts
• le rejet de l’élevage (industriel)
Ces grands thèmes vont constituer le cœur de la justification, son squelette. Ces thématiques sont traversées par quatre tendances : la (pseudo) écologie, l’anticapitalisme, l’hygiénisme et l’antispécisme.
(…)
III. Contre l’élevage (surtout industriel)
Entre considérations écologiques et éthiques
On a ici une dissension dans l’agribashing . Les antispécistes vont être opposés à toute forme d’élevage, alors que vous allez trouver beaucoup d’agribashistes qui vont simplement être opposés à l’élevage industriel. Par exemple, un député européen EELV a tweeté que « La viande de synthèse n’est pas une solution écologique. L’élevage extensif est un partenaire de la biodiversité. »
Toutefois, ils se rejoignent contre l’élevage dit « industriel » .
Les risques sanitaires
L’élevage industriel ferait courir des risques sanitaires à la population en permettant le développement de zoonoses (maladies passant de l’animal à l’homme) et le développement de bactéries résistantes aux antibiotiques.
En effet, les élevages intensifs se caractériseraient par une forte proximité des bêtes, favorisant le développement d’infections à grande échelle. Cela, d’autant plus que le bétail serait globalement en mauvaise santé, ne pouvant se livrer à ses activités physiques naturelles et étant « détenu » dans des conditions déplorables (cf. les reportages de L.214).
Pour éviter les infections, les éleveurs feraient consommer aux animaux de grandes quantités d’antibiotiques à titre préventif, favorisant le développement de bactéries résistantes.
Cette mauvaise santé des élevages aboutirait à la transmission à l’homme de maladies, comme on a pu le voir avec la vache folle ou bien la grippe aviaire.
C’est un thème qui a eu beaucoup de succès récemment. D’une part, parce que la Covid-19 est une zoonose, qui aurait en plus été causée par la consommation d’un animal (ce qui renforce l’argumentaire antispéciste) ; et d’autre part, car plusieurs abattoirs ont été des « clusters » de diffusion de la Covid-19.
Le poids environnemental
Le poids environnemental de l’élevage est résumé par un article du Monde : « Pourquoi la viande est-elle si nocive pour la planète ? » (Dagorn 2018)
La viande pèserait lourd dans les émissions de gaz à effets de serre. Un rapport de la FAO « publié en 2013, estime que l’élevage de bétail dans le monde était responsable, en 2005, de 14,5 % des émissions de gaz à effet de serre d’origine anthropique ».
Les déjections animales causeraient la pollution de cours d’eau, entraînant leur eutrophisation (développement d’algues qui étouffent la vie aquatique) et le développement de bactéries toxiques.
En outre, l’élevage mobiliserait aussi une large part de la consommation d’eau de l’humanité : il faudrait 13 500 litres d’eau pour produire 1 kg de bœuf.
C’est un poids qui résulte notamment de la quantité de nourriture que consomment les animaux : 40 % de la production de blé serait consommée par du bétail, soit assez pour nourrir 3,5 milliards d’humains en plus.
« Pour chaque kilo produit en élevage industriel, ce sont de 10 kg à 25 kg de céréales qui sont consommés. »
Enfin, la viande serait gourmande en terres :
« La FAO estime que 70 % de la surface agricole mondiale est utilisée soit pour le pâturage du bétail, soit pour la production de céréales destinées à les nourrir.
Le manque de terres agricoles pousse aussi à la déforestation : 91 % des terres “récupérées” dans la forêt amazonienne servent ainsi aux pâturages ou à la production de soja qui nourrira plus tard le bétail. Et moins de forêt, c’est moins d’émissions de dioxyde de carbone absorbées. »
Ces impacts environnementaux seraient d’autant moins justifiés que leur rentabilité est moindre que la culture de végétaux : l’élevage compterait pour la moitié de l’émission de GES de l’alimentation alors qu’il n’apporterait que 20 % des calories.
Pour aller plus loin :
• FAO (2006), « Livestock’s Long Shadow »
• Gary Dagorn (2018), « Pourquoi la viande est-elle si nocive pour la planète ? », Le Monde, Les décodeurs, 11 décembre 2018
Bien-être animal
L’élevage intensif aurait des standards déplorables en termes de bien-être animal.
Lors de l’élevage, les animaux seraient traités comme des choses et limités à un espace minimal.
Ces dérives seraient encore pires lors de l’abattage, où le bétail ne serait même plus traité comme une chose, mais comme une carcasse en devenir. Ainsi,
• les poulets sont suspendus la tête en bas ;
• l’abattage est rarement instantané, laissant la bête souffrir inutilement.
Cela serait régulièrement démontré par les vidéos de l’association L.214.
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