Bill Gates : une grande déconvenue
Il ne fait pas de doute que Bill Gates fasse partie des personnes qui ont marqué notre époque et continuent de le faire. Sa création et sa gestion de Microsoft auront des répercussions durables sur nos usages de l’informatique. Et puis, jeune retraité riche à milliards et à l’instar des grands magnats américains, il renvoie l’ascenseur par le truchement d’une fondation qu’il a créée avec son épouse et à laquelle il dédie la plupart de son temps et de son attention. Il faut beaucoup de mauvaise foi et de méfiance pour soupçonner de sombres intentions derrière ses œuvres philanthropiques ou même de fomenter des conspirations pour dominer le Monde. Ses actions pour la santé dans le tiers monde, en particulier par la vaccination, sont remarquables et son approche professionnelle, dépolitisée et non bureaucratique des problèmes de développement est rafraichissante.
Ceci étant dit, son dernier ouvrage « How to Avoid a Climate Disaster » (Comment éviter un désastre climatique ») est une déception, malgré le bon sens avec lequel il aborde les questions pratiques, énergétiques avant tout.
Il se révèle être le plus climato-crédule que l’on puisse imaginer, prenant pour argent comptant une corrélation simpliste entre température et émissions carbonées, et sans nuances quant à l’urgence et aux effets uniquement négatifs qu’aurait un réchauffement sur la vie humaine. Il a bien compris que chaque tonne de CO2 supplémentaire mise dans l’atmosphère soit une tonne de trop et qu’il faille l’éviter. Mais il ne fait que reproduire les exagérations du diagnostic, l’hypersensibilité que le climat aurait à la dose de CO2 et aussi la fausse menace d’un proche point de basculement (tipping point) qui nous renverserait bientôt. De même, il accepte sans broncher les projections les plus incroyables qui sont faites à l’aide de scénarios du pire pour sonner l’alarme et laver les cerveaux restés insensibles. Il en fait même trop car il agrège les émissions d’autres gaz dits à effet de serre tel que le méthane ou le protoxyde d’azote comme si leur stabilité dans l’atmosphère était la même que celle du CO2, faisant ainsi passer l’addition de 40 à 51 gigatonnes par année. Il ne sait pas non plus que, en fin de compte, le CO2 émis lors de la fabrication du ciment sera absorbé par la chaux utilisée pour faire le béton, avec un bilan nul à la clé. Et il affirme d’emblée, sans avoir pu le comprendre puisque c’est faux, que le cinquième du CO2 anthropique resterait encore dans l’atmosphère dans 10 000 ans alors que 55 % sont continument absorbés par les océans et la biomasse terrestre et que le temps de séjour moyen du CO2 dans l’air est de quatre années environ. Il ne tient pas compte non plus que les estimations de pertes économiques attribuables à un réchauffement de 3 °C ne seraient que de l’ordre de deux points de PIB (entre zéro et quatre), ce qui ne permet pas de justifier n’importe quelle politique climatique dispendieuse et inefficace.
La première déception est donc de constater le manque de sens critique et même le manque de culture technico-scientifique d’un informaticien devenu légende. Comme beaucoup, j’ai peut-être trop tendance à attribuer plus de qualités à des gens de qualité qu’ils n’en ont vraiment (alors qu’il est rare que la sottise d’un sot soit limitée). Il est devenu captif d’une élite scientifique et technique à laquelle il accorde toute sa confiance en gobant tout ce qui s’y raconte. Faisant lui-même partie de ce milieu, il devrait être moins naïf.
Ensuite se pose la question comportementale : il se montre fier d’avoir mis en place un réseau de milliardaires pour apporter leur soutien au Président Hollande à la veille de la COP21, lors de laquelle l’accord de Paris fut signé. Cela semble bien facile et peu responsable car leurs dizaines de milliards investis bravement dans des entreprises plus ou moins hasardeuses mais jouissant de protections et soutiens étatiques ne sont que des gouttes face aux milliers de milliards que des politiques climatiques(sic) vont détourner d’autres urgences sociales.
Cependant, il est bien au courant du défi que représente le remplacement des 85% de l’approvisionnement énergétique du monde qui aujourd’hui sont assurés par les carburants fossiles. Que ce soit par substitution ou par capture et stockage du CO2, les dimensions du problème sont au-delà du réalisable car ni les ressources ni même les solutions techniques sont à disposition. Il faut d’abord les découvrir.
Présentant un point simple d’apparence et intéressant pour sortir du débat sur le coût social du carbone ou autres ratiocinations, il introduit un calcul de ce qu’il appelle Green Premium, c’est-à-dire ce qu’il en coûte pour ajouter la solution « zéro carbone » au coût actuel d’un produit ou d’un service. Pour qu’un changement vaille la peine d’être introduit, il faut que ce surcoût soit modeste, idéalement même négatif, pour trouver des investisseurs. Il pédale néanmoins dans la choucroute en faisant de bizarres comparaisons entre prix du marché et coût de réalisation, par exemple celui du kWh payé par le consommateur et le coût supplémentaire pour le verdir. Ainsi, avec des estimations correspondant à l’état actuel de la technique, il faudrait payer une prime de 141 % pour un advanced biofuel en sus du prix actuel du kérosène utilisé dans l’aviation, et pour ce qu’il nomme un electrofuel (issu d’électrochimie faisant intervenir l’hydrogène comme réactif) la prime serait de 296%. Donc, un carburant utilisable dans un avion d’aujourd’hui coûterait de deux et demi à quatre fois plus cher que le kérosène.
Les magiciens verts diront qu’il n’y a qu’à le faire puisque ce serait bon pour la planète, mais Bill Gates, lui, n’oublie pas que des investissements si peu attractifs n’auront pas preneurs et que, par-dessus le marché, l’énergie utilisée pour les fabriquer ne serait pas si verte non plus tant que le réseau électrique, l’industrie et les transports dépendent toujours du charbon, du pétrole et du gaz.
C’est pourquoi, et avec raison, il se fait l’avocat de plus et de meilleurs investissements en recherche et développement, rappelant aussi que les fonds publics y ont toujours joué un rôle important, bien qu’il ne faille pas oublier que des projets militaires furent souvent la source de progrès décisifs, le projet Manhattan (bombe A) ou l’internet par exemple.
Il se fait aussi l’avocat d’une hausse artificielle du prix des carburants fossiles, soi-disant pour compenser les externalités négatives, ce qui réduirait la prime verte à payer donc inciterait à opérer des changements. C’est pourtant trompeur car la facture totale resterait sans amélioration. À ce stade, on comprend que, même riche à milliards, il ne se rend pas compte que ce jeu à somme nulle est une illusion économique qui passerait par les mains prestidigitatrices des trésors publics et dont profiteraient d’abord les stipendiés officiels et les habituels suceurs de subventions et avantages fiscaux aux dépends du simple contribuable.
Il a bien compris que ce sont des rendements énergétiques clairement améliorés et des usages réduits de ressources dont il y a besoin. Adopter aujourd’hui les mauvaises solutions que l’on connait entraîne trois conséquences négatives : leur coûts excessifs (Green Premium à son maximum), la formation d’une infrastructure qui, parce que mauvaise, deviendra vite obsolète mais que personne ne voudra ou pourra changer (démonter ces éoliennes…), et surtout un manque d’agressivité pour pousser la R&D à dépasser ses limites car on se déclarera fier et satisfait d’avoir agi, bien que se reposant sur des lauriers boiteux.
C’est avec une bonne dose d’ironie que, s’en rend-il compte, Bill Gates suggère que, s’il y a effectivement crise climatique, nous devrons nous adapter et la supporter aussi longtemps qu’il faudra pour faire les découvertes espérées, et ce sans que le ciel nous tombe sur la tête d’ici là.
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Alors que nos médecins généralistes sont empêchés de prescrire des cachets d’ivermectine, alors qu’on compte 2,5 millions de morts du covid, alors que la France s’est endettée de 450 milliards d’euros… Bill et Melinda Gates ont tranquillement investi 19 millions dans le labo Montpelliérain Medincell pour distribuer de l’ivermectine sous forme de piqure à destination des gentils pays du tiers monde. On leur donnera aussi des contraceptifs par la même « injection ». Et puis un vaccin « oral » contre le choléra causé par l’ « environnement climatique », comme à Haiti, soyons fous.
Quelques points ou l’information, il me semble, ne me parait pas correctement citée et exploitée dans votre article, ce qui fausse votre message :
– Vous utilisez le termes « effets uniquement négatifs qu’aurait un réchauffement sur la vie humaine » qui sous-entend qu’il y aurait des effets positifs. Pouvez-vous nous dire quels sont les effets positifs plus intéressants que les graves effets négatifs qu’aurait un réchauffement ?
– D’après un article publié dans la revue Nature Geoscience, la fabrication des ciments serait responsable de 5% des émissions anthropiques de carbone et la dégradation de ces mêmes ciments pour la période 1930-2013 compense environ 43% des émissions. La balance reste donc négative et le bilan n’est pas nul comme vous l’écrivez.
– Certes les océans absorbent les émissions carbone, mais vous oubliez un point essentiel : cette absorption est responsable de l’acidification des océans qui a augmenté de 30% environ depuis le début de la révolution industrielle. Cette acidification a des impacts délétères pour les écosystèmes marins et la régression ou disparition de certaines espèces consommées par l’Homme aurait des conséquences sur la sécurité alimentaire.