La Lancet publie une étude dont les conclusions sont en fait trompeuses et grevées d’interprétations douteuses (1). Ce nouvel assaut hygiéniste a eu un grand écho médiatique en raison de sa publication par une revue médicale réputée, cette fois bien peu regardante sur la justification de ses conclusions.
Cette étude a compulsé (« méta-analysé ») 694 (!) anciennes études qui donnaient des résultats différents de la leur, mais dont la qualité a été systématiquement disqualifiée par les auteurs du document actuel. Ils ont fabriqué une véritable usine à gaz statistique, avec un très grand nombre de données, la plupart issues d’estimations ou de chiffres tirés de statistiques de 195 pays… toutes fiables ? Toutes ces variables ont-elles-mêmes une marge d’erreur non négligeable qui fait que, cumulées, les conclusions tirées sont pour le moins discutables.
Ces 694 anciennes (1996 à 2015) études ont donc ciblé des populations très diverses de par le monde, aux habitudes de consommation complètement différentes sans différencier le vin, la bière ou les alcools forts, ce qui est pourtant un élément déterminant dans l’estimation du risque pour la santé. Donc une étude de plus inapplicable pour le continent européen qui consomme relativement plus de vin, produit qui, à une dose raisonnable de 2-3 dl/jour, a un effet protecteur prouvé au moins pour le système cardiovasculaire.
De même elle attribue à l’alcool, selon des données discutables et sans aucune référence à la quantité ingérée, de très nombreux décès, dont de nombreux cancers et 22 autres maladies! Les auteurs admettent dans leurs conclusions qu’une de leurs faiblesses est justement qu’ils ne savent pas comment les gens consomment ces doses moyennes calculées. Or c’est précisément le nœud du problème : boire en une fois une quantité importante d’alcool et avoir un accident ou un coma éthylique ou consommer chaque jour 1-2 dl de vin a des conséquences complètement différentes sur la santé.
L’étude admet quand même un bénéfice pour les maladies cardio-vasculaires mais seulement après 60 ans (ce qui n’est pas étonnant, vu que cela correspond au pic de fréquence de ces affections). Mais ce bénéfice serait annulé par les autres risques.
Tout ce travail pour conclure, comme l’a fait un commentateur de cette étude (2), que par rapport à la mortalité des abstinents (914 morts /100’000 personnes/année), boire 10 g d’alcool par jour fait « monter » ce nombre à 918, soit une augmentation de la mortalité de 0.004 %…. Et la presse du monde entier de relayer que boire de l’alcool est dangereux dès la première goutte, alors que c’est une généralisation complètement spéculative. Sans nier les problèmes majeurs de la consommation abusive de l’alcool, on pourrait juste rappeler la mortalité autrement plus importante des accidents de la route, du tabagisme, des overdoses de drogues, des suicides, des meurtres, sans parler de la faim dans le monde et des conflits armés.
En Suisse, par exemple, les zélateurs de la prévention se trompent une fois de plus de cible et même le représentant du service d’alcoologie du CHUV avait de la peine à rester politiquement correct dans son interview à la RTS, comparant le risque défini dans cette étude à celui qu’on prend en conduisant sa voiture. C’est tout dire.
En bref une étude monstrueuse par le volume des données (traitées purement statistiquement), mais inutile et fallacieuse. L’OMS (qui l’a soutenue) et Bill Gates (qui l’a financée) feraient mieux fait d’investir dans d’autres domaines plus prioritaires…
1: https://doi.org/10.1016/S0140-6736(18)31310-2
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