La tentative européenne de faire face au changement climatique et atteindre la neutralité carbone est sabotée par l’agro-business ?
Ce n’est pas mon affirmation. C’est la dernière série d’attaques de ceux qui remettent en question la politique européenne de la Ferme à la Fourchette (F2F), pourtant concoctée avec la contribution de groupes d’activistes verts.
Dans une dernière attaque, openDemocracy a titré « Comment le lobby de l’agriculture sabote le Green Deal Européen ». Le «Big Farming» forge des alliances néfastes pour bloquer le rôle nécessaire de l’agriculture dans la «transformation de l’Europe» en un bloc économique «climatiquement neutre» d’ici 2050.
Ce sont des accusations graves et radicales… et manifestement fausses. La plupart des politiciens du Continent adhèrent à l’objectif de réduire considérablement les émissions de gaz à effet de serre au cours des trois prochaines décennies. L’agriculture peut jouer un rôle stratégique. Mais des questions clés ont été soulevées sur la façon d’atteindre les grands objectifs de durabilité énoncés dans la politique F2F, car elle appelle à augmenter considérablement la production alimentaire tout en intensifiant l’agriculture biologique et en réduisant l’utilisation de pesticides synthétiques, le tout sans stratégie claire sur la façon de traiter les cultures et d’atteindre les objectifs de productivités. L’écart entre l’aspiration et l’action semble énorme.
Il est essentiel de réfléchir correctement sur ces problèmes, car l’influence politique mondiale de l’Europe est énorme. Il y a trop d’enjeux pour transformer ce défi sérieux en un match de foot politique. Plutôt que des critiques de l’agriculture conventionnelle, nous ferions mieux de nous en remettre à la science plutôt qu’à des insinuations et des hyperboles.
Le problème de l’insécurité alimentaire
En lisant le document F2F, j’ai été frappé par une idée. Bien que nous voyions parfois des scènes sur l’actualité d’enfants souffrants de malnutrition dans des pays lointains, la plupart des gens en Europe et dans les régions les plus riches du monde pensent que nous sommes sur la bonne voie pour résoudre ce qui a été pendant la plus grande partie de l’histoire humaine le principal défi de la vie: produire suffisamment nourriture pour une population mondiale croissante.
On nous dit que nous cultivons déjà suffisamment de nourriture pour nourrir tout le monde, mais une grande partie est gaspillée – 88 millions de tonnes de nourriture par an rien qu’en Europe. Donc, augmenter la production, nous disent certains militants, est en soi un gaspillage. Plutôt que d’augmenter la production alimentaire, ils soutiennent que nous devrions créer un «système agricole durable». Cette affirmation serait vraie si les gens pouvaient manger des statistiques. Mes ces « avocats verts » ne proposent aucun plan concret sur la façon dont nous pouvons transporter les restes de nourriture des ménages occidentaux, des restaurants et des épiceries vers les pays sous-développés.
Dans le monde réel, le plafonnement de la production alimentaire aux niveaux actuels, qui se produirait avec la diffusion de l’agriculture biologique, fonctionnerait si les récoltes n’étaient jamais perdues à la suite d’attaques de parasites dans les champs ou gâchées en stockage avant d’arriver sur le marché, si les énormes problèmes mondiaux auxquels sont confrontés le transport et la distribution disparaissaient comme par magie, et si nous assignions un précepteur alimentaire à chaque foyer, chaque ferme et chaque restaurant pour collecter les restes du monde après avoir consommé la quantité de calories qui nous était attribuée pour la journée.
Mais revenons à la réalité. La sécurité alimentaire est en train de devenir le problème numéro un de notre époque. L’objectif principal de F2F est de tout faire pour éloigner l’agriculture en Europe et dans le monde des méthodes conventionnelles qui reposent sur des outils de haute technologie tels que les pesticides, le génie génétique et des éléments clés de l’agriculture de précision.
Pourtant, de nombreuses personnes qui adhèrent aux mêmes objectifs de durabilité affirment que ces recommandations, prises dans leur ensemble, vont nous mener à la catastrophe. Elles ne feront pas qu’aggraver la faim, elles saperont également les objectifs environnementaux en matière de changement climatique.
Il est temps que nous fassions le point sur l’insécurité alimentaire et sur la manière dont nous avons réussi à réduire la faim dans le monde au cours des 90 dernières années. Ce n’est qu’après la Seconde Guerre mondiale et l’adoption généralisée des technologies agricoles, notamment la manipulation génétique des plantes pour créer des cultures hybrides avancées, les pesticides chimiques modernes et les engrais synthétiques, que tout le monde en Europe – et pas seulement les classes supérieures – a pu manger à sa faim. Les souvenirs culturels de la faim s’estompent après quelques générations, mais au début du XXe siècle, la malnutrition était encore très répandue en Europe.
Aujourd’hui, les Nations unies estiment que 821 millions de personnes souffrent de la faim. Ce chiffre était en augmentation avant le COVID, mais la pandémie n’a fait qu’aggraver la situation. Chaque mois, 10 000 enfants supplémentaires meurent de malnutrition, car les exploitations agricoles sont coupées des marchés et l’aide alimentaire ne parvient plus aux populations qui meurent de faim.
Caption: Malnutrition in India, 2020 Global Nutrition Report
S’interroger sur l’agriculture et l’alimentation
Le nouveau coronavirus se présente comme le désastre du siècle, mais de nombreuses crises alimentaires et agricoles sévissent dans le monde. Le plus effrayantes passe au Moyen-Orient : une grande partie de l’Inde et l’Afrique de l’Est sont ravagés par une invasion de criquets pèlerins – une catastrophe de dimension biblique – qui détruit les récoltes. Ce fléau menace de famine quelque 22 millions de personnes rien qu’en Afrique. Et seul le déploiement à grande échelle d’insecticides a permis de la maîtriser.
Tout ceci nous ramène au plan « De la ferme à la fourchette ». L’objectif général, selon F2F, est de « réduire l’empreinte environnementale et climatique du système alimentaire de l’UE face au changement climatique et à la perte de bidoversité ».
C’est un manifeste impressionnant. Comme nous le disons aux USA, l’objectif général est une aspiration de type « tarte aux pommes » ; tout le monde y adhère. Mais c’est sur la manière d’atteindre cet objectif que F2F se trompe de chemin. Lorsque on se plonge dans les détails, en l’examinant avec les yeux de quelqu’un qui a lutté contre les défis de la durabilité pendant plus de 30 ans, on est profondément déçu. En fin de compte, toute la stratégie repose sur l’idée que nous pouvons aborder les problèmes de la sécurité alimentaire avec des stratégies agricoles qui appartiennent à des temps révolus, bien qu’elles soient terriblement à la mode. Le phénomène le plus révélateur : le principal outil pour transformer l’agriculture européenne est d’adopter l’agriculture et l’alimentation biologiques.
Et plus essentiel encore, F2F ne prévoit pas l’adoption de technologies agricoles et alimentaires de pointe, telles que des OGM issus de la transgenèse et de l’édition génétique CRISPR, qui offrent la seule suite d’outils qui ont fait leur preuve et permettent d’augmenter la production alimentaire tout en diminuant l’utilisation de produits chimiques inutiles.
Elle plaide même pour un système d’étiquetage des denrées alimentaires tel que le système Nutri-Score que la France promeut. Ce type de système d’étiquetage en « feu de signalisation » prétend contrôler l’assiette des Européens et repose sur un algorithme controversé qui dénigre certains types d’aliments comme étant malsains – en apposant une étiquette rouge – tout en donnant le feu vert à d’autres. Selon un certain nombre d’allégations nutritionnelles, le Nutri-Score donne un avantage à certaines catégories de denrées alimentaires par rapport à d’autres – par exemple, les aliments industriels français par rapport à des produits comme l’huile d’olive, l’un des éléments de base du régime méditerranéen sain.
F2F est rempli de « solutions » qui semblent excellentes sur le papier mais qui défient toute définition, comme la promotion d’une « bio-économie circulaire » et le développement d’une « usine de gestion intégrée des nutriments ». Il s’agit en fait surtout d’aspiration, de verbiage et de diabolisation de la technologie, alors que cela devrait être la science. Les militants écologistes, par exemple, estiment que les agriculteurs du monde entier devraient étendre le modèle mis en place en Europe, où l’agriculture biologique est presque une religion. Mais comme dans de nombreux cas, sous la surface des platitudes environnementales, la réalité est compliquée.
C’est totalement incroyable, mais en fait : les Pays-Bas (24), la Belgique (28), l’Irlande (29), l’Italie (31), le Portugal (36), la Suisse (41), l’Allemagne (44) et la France (47) – presque tous les pays d’Europe – utilisent beaucoup plus de pesticides toxiques par hectare de terre cultivée disponible que les États-Unis, qui se classent au 59e rang mondial.
Ces statistiques sont choquantes pour beaucoup, je le parierais, car il existe une idée fausse très répandue selon laquelle l’Europe est à la pointe de l’agriculture à faible impact environnemental. Voyons pourquoi il en est ainsi.
Mythes à propos de la chimie de synthèse
Dans le cadre de cette nouvelle équation de la durabilité, des voix s’élèvent pour réclamer une réduction de 50 % de l’utilisation des pesticides conventionnels, indépendamment de leur efficacité ou de leur toxicité. Pourquoi ? Cela n’a jamais été abordé scientifiquement. Il ne peut s’agir de préoccupations concernant la santé ou les impacts environnementaux. Beaucoup de gens, y compris, semble-t-il, les rédacteurs de F2F, ne se rendent même pas compte que l’agriculture biologique utilise des dizaines de produits chimiques synthétiques approuvés et des centaines de produits chimiques naturels.
Mais les pesticides synthétiques, qui sont le plus souvent utilisés par les agriculteurs conventionnels, ne sont-ils pas plus nocifs que les pesticides naturels ? De nombreuses personnes croient qu’il en est ainsi, et les groupes de défense de l’environnement ont basé leur collecte de fonds presque entièrement sur cette croyance répandue et une peur congénitale des produits chimiques. Mais la réponse de la science est « non ». Les produits chimiques les plus toxiques au monde sont naturels, et plus de 99 % des pesticides que nous consommons sont produits naturellement.
La science a fait beaucoup de chemin depuis l’introduction des produits chimiques agricoles synthétiques au milieu du siècle dernier. Au début, les produits chimiques bruts ont été progressivement éliminés. Sur le plan fonctionnel, les plus récents sont ciblés, conçus pour prévenir des maladies spécifiques des plantes, tuer les mauvaises herbes, et tuer ou repousser les insectes nuisibles sans nuire aux insectes bénéfiques, et c’est ce qu’ils font dans leur grande majorité.
La toxicité globale des pesticides synthétiques a diminué régulièrement au cours des décennies grâce aux progrès technologiques. Bien que des études épidémiologiques aient montré que certains pesticides ont des effets délétères, dans presque tous les cas, cela est basé sur des niveaux d’exposition que nous ne rencontrons pas dans le monde réel. Les niveaux globaux de toxicité par acre aux États-Unis ont commencé à diminuer de façon spectaculaire dans les années 1960, et ont de nouveau baissé avec l’introduction des cultures génétiquement modifiées dans les années 1990, bien que le volume d’utilisation des produits chimiques soit resté à peu près le même – principalement en raison de l’introduction de pesticides peu toxiques, comme le glyphosate.
Et l’édition du gène CRISPR est sur le point d’éliminer progressivement la plupart des produits chimiques hautement toxiques, et dans certains cas, les produits chimiques synthétiques, tout simplement. Mais l’agriculture biologique rejette les OGM, même ceux qui ont été conçus pour produire la bactérie naturelle repoussant les insectes, Bacillus thuringiensis (Bt), qui est largement utilisée dans les pulvérisations par l’agriculture biologique.
Ces technologies ont permis de réduire l’utilisation d’insecticides au Bangladesh de plus de 75 %, sauvant ainsi la santé et la vie de dizaines de milliers de femmes et d’enfants qui travaillent dans l’agriculture, et contribuant à une réduction de 90 % de l’utilisation d’insecticides depuis leur introduction dans les années 1990.
L’abandon des produits chimiques naturels et organiques toxiques devrait s’accélérer considérablement grâce aux progrès de l’édition génétique et à d’autres innovations technologiques qui pourraient éliminer les produits chimiques nocifs. Mais ils sont accros à une « technologie » vieille d’un siècle, voire plus, même si les conséquences sur la santé et l’environnement peuvent être catastrophiques.
Prenons l’exemple du sulfate de cuivre, utilisé par les agriculteurs biologiques, en particulier dans l’industrie viticole, et par certains agriculteurs conventionnels pour limiter les champignons sur les raisins de cuve. Il est très toxique et fonctionne très bien. Malheureusement, il tue également des insectes utiles et est cancérigène pour l’homme. Voici à quoi ressemble l’Europe « biologique ». Seul un lobbying fort de la part du lobby industriel bio de l’UE, le même qui a contribué à l’élaboration de la stratégie « de la ferme à la table », a permis d’éviter que le sulfate de cuivre ne soit interdit par l’Union européenne en raison « du problème qu’il pose pour la santé publique ou l’environnement », selon l’Autorité européenne de sécurité des aliments.
Le sulfate de cuivre est également beaucoup plus toxique que l’herbicide glyphosate dont l’utilisation a déclenché des paroxysmes d’hystérie dans toute l’Europe. Le glyphosate est moins toxique que le sel et a été évalué sain par 18 grandes organisations mondiales de santé et de sécurité environnementale, dont quatre en Europe.
Bien que le glyphosate représente en poids un quart des herbicides appliqués sur le maïs, il ne représente qu’un dixième d’un pour cent du risque de toxicité chronique associé à la suppression des mauvaises herbes dans le maïs. En d’autres termes: les 74% restants des herbicides représentaient 99,9% du risque de toxicité chronique dans la lutte contre les mauvaises herbes pour le maïs. Ou pour le dire autrement, retirer le glyphosate du tableau pourrait augmenter le risque de toxicité dans le maïs de 26%, 43% dans le soja et 45% dans le coton. Pourtant, les groupes écologistes veulent l’interdire, ce qui contredit directement les objectifs scientifiques de F2F et du Green Deal.
Comment réussir à produire une agriculture durable
F2F fait reculer la durabilité. Plutôt que de fixer un objectif – une agriculture durable qui se traduit par une augmentation de la production alimentaire tout en modérant les intrants – et de déterminer quels sont les outils les plus efficaces, F2F privilégie une méthode qui semblent permettre la réalisation des propositions qu’elle soutient. L’agriculture biologique est présentée à la fois comme un objectif européen – F2F propose de plus que tripler sa mise en œuvre en dix ans – et comme un modèle mondial, mais elle est dépourvue de spécificités exploitables et capable de réduire la toxicité.
Ce qui nous amène aux problèmes les plus flagrants du fantasme « de la ferme à la fourchette ». Que se passerait-il si un pays – disons le Royaume-Uni – adoptait pleinement l’agriculture biologique, objectif ultime des partisans du Green Deal ? Comme il ne reste presque plus de terres arables dans le monde, le passage à l’agriculture biologique entraînerait un déplacement de la production vers le monde en développement, ce qui conduirait à la coupe à blanc des forêts pour créer davantage de terres agricoles. En substance, l’UE exporterait vers les régions les plus pauvres du monde ses « externalités » environnementales, comme disent les économistes, tout cela en raison de son obsession sur le bio.
C’est exactement la question posée et à laquelle répondent les chercheurs d’une étude de pointe publiée l’année dernière dans la prestigieuse revue Nature Communications, qui compare l’agriculture conventionnelle et biologique et son impact sur les émissions de carbone. Comme le secteur biologique lui-même le reconnaît, ils ont constaté que l’agriculture biologique est jusqu’à 40 % moins productive que l’agriculture conventionnelle. Le passage de l’agriculture conventionnelle à l’agriculture biologique entraînerait une augmentation de 20 à 70 % des émissions de gaz à effet de serre dans l’atmosphère par rapport à l’agriculture conventionnelle.
Pour répondre à la demande alimentaire actuelle (qui devrait en fait augmenter régulièrement dans les années à venir) et combler ce déficit de 40 %, l’équipe de recherche indépendante a constaté que le Royaume-Uni devrait augmenter considérablement ses importations de denrées alimentaires.
« Cela a un impact lié à l’environnement, en ajoutant des kilomètres de plantations potentiellement inutiles et des émissions de gaz à effet de serre à nos systèmes alimentaires », a déclaré Philip Jones, de l’Université de Reading, l’un des auteurs de l’étude révolutionnaire.
Selon une analyse de la BBC, « en raison d’une productivité nettement inférieure dans d’autres pays, cela nécessiterait cinq fois la superficie de terres actuellement utilisées pour l’alimentation en Angleterre et au Pays de Galles, ce qui consommerait 6 millions d’hectares de terres supplémentaires ».
Production bio et gaz à effet de serre
Les questions au sujet de F2F se multiplient de façon exponentielle lorsque l’on considère les émissions de gaz à effet de serre. Les préoccupations croissantes concernant le changement climatique – et on estime qu’un tiers des émissions de gaz à effet de serre proviennent de l’agriculture – ont contribué à alimenter le marché des aliments biologiques, qui est perçu comme réduisant les impacts environnementaux. De nombreux scientifiques contestent ces affirmations.
L’une des premières avancées majeures de l’agriculture biologique a été l’utilisation du compost pour promouvoir la santé des sols. Mais il y a des compromis en matière de durabilité. Pendant le processus de compostage, du méthane est émis, un gaz à effet de serre 30 fois plus puissant que le dioxyde de carbone. Le méthane est également libéré en quantités catastrophiques par les flatulences de vaches, le principal générateur de déchets organiques à utiliser comme engrais dans les fermes biologiques. Le bétail est déjà accusé de générer près de 20% de gaz à effet de serre en plus en termes d’équivalence carbone par rapport à la conduite automobile. L’utilisation d’engrais organique entraîne souvent la libération d’oxyde nitreux, un gaz à effet de serre très puissant.
Les agriculteurs biologiques dépendent également beaucoup plus du travail du sol que leurs homologues conventionnels. De nombreux agriculteurs conventionnels sont passés à des pratiques sans labour, sur crête et paillis (labour réduit du sol), facilitées par l’utilisation de cultures OGM, car le travail du sol contribue à l’érosion du sol et à la libération de gaz à effet de serre. Les pratiques de semis direct permettent à la structure du sol de rester intacte, protégeant ainsi les micro-organismes, champignons et bactéries bénéfiques. Il économise également l’eau, réduit l’érosion et le travail inutile pour conduire des machines à cracher du carbone si courantes dans l’agriculture biologique à grande échelle. L’utilisation de l’agriculture sans labour a fortement augmenté au cours des deux dernières décennies aux États-Unis, parallèlement à la croissance de la culture des OGM, qui représente plus de 35 pour cent des terres cultivées.
Une étude estime que l’utilisation de l’herbicide glyphosate en conjonction avec du maïs et du soja OGM résistant au glyphosate a permis d’éviter 41 milliards de livres de CO2 provenant des rejets dans l’atmosphère entre 1996 et 2013. Une étude réalisée en 2016 par des chercheurs de l’Université Purdue a révélé que les émissions de gaz à effet de serre agricoles augmenteraient de près de 14% s’il y avait une interdiction des OGM dans les pays qui les utilisent actuellement. Ces chiffres aident à expliquer pourquoi les États-Unis sont si loin devant l’Europe en matière de réduction des pesticides toxiques.
Dépasser de la Ferme à la Fourchette : comment prioriser l’agriculture durable plutôt que l’idéologie
Si les partisans de la stratégie de la ferme à la fourchette prennent au sérieux leur désir d ’« exporter »le modèle de l’agriculture biologique vers le reste du monde», ils doivent réévaluer sobrement l’impact de leur stratégie d’augmentation du carbone. Les idées d’agriculture urbaine et de production locale ou le retour de l’agriculture mondiale à des méthodes agricoles plus «naturelles» à faible rendement, à forte intensité de terres et vulnérables aux maladies – sont les fantasmes d’une société aisée. L’agriculture biologique est comme un achat impulsif, et une prise de décision aussi peu soutenue n’a pas sa place dans un document qui prétend aborder sérieusement les énormes défis auxquels le monde est confronté.
Je suis vraiment déçu par les notions promues par F2F. Ils ne traitent pas de la véritable complexité de l’alimentation et de l’agriculture; ils sont dépourvus de nuances et d’une compréhension scientifique des compromis environnementaux et économiques. Les produits chimiques synthétiques ne sont qu’une partie de l’équation de durabilité. L’éco-responsabilité a des significations différentes en fonction des experts. Les émissions de gaz à effet de serre? La productivité par acre? L’utilisation des terres? Une agriculture à forte intensité de main-d’œuvre vs agriculture mécanisée? Ces facteurs et d’autres devraient faire partie d’une évaluation complexe et fondée sur la valeur de ce qui constitue la durabilité agricole.
Nous pourrions en fait commencer à résoudre de nombreux défis si nous arrêtions de choisir des méthodes basées sur des notions superficielles de durabilité et que nous nous tournions plutôt vers les résultats et les objectifs. Voulons-nous nous sentir vertueux ou résoudre des problèmes de la vie réelle ? La technologie moderne offre avant tout des solutions : l’édition de gènes qui peut rendre les plantes plus résistantes aux maladies, à la sécheresse et aux ravageurs ; plus efficaces en azote (ce qui signifie qu’ils auraient besoin de moins voire pas du tout d’engrais chimique) ; plus sûr (arachides sans les protéines nocives qui peuvent tuer; blé sans gluten qui est mortel pour les personnes atteintes de la maladie cœliaque) ; plus sains (cultures contenant des oméga 3 sains pour le cœur). Les avantages sont infinis – si nous ne réglementons pas à mort cette technologie prometteuse.
Il n’est peut-être pas à la mode de le dire, en particulier en Europe, mais nous continuerons d’avoir besoin de pesticides chimiques ciblés. Beaucoup d’entre eux. Complété par une nouvelle gamme de produits génétiquement modifiés basés sur la biologie synthétique avec peu ou pas d’empreinte toxique.
La toxicité des pesticides modernes a chuté de 98% depuis les années 1960 et diminue chaque année. La toxicité des pesticides organiques a chuté de zéro pour cent depuis 1960. Devrions-nous être judicieux et prudents à l’avenir ? Oui. Mais écoutons la science ici, et non l’alarmisme chimiophobe, quand il s’agit de définir la politique de production agricole.
Nous avons besoin d’un système alimentaire efficace, productif, écologiquement durable et capable de fournir des aliments nutritifs avec une empreinte environnementale de plus en plus minuscule. Cela ne peut arriver que si cela est basé sur la réalité et non sur un vœu pieux.
Jon Entine est fondateur et directeur exécutif du projet à but non lucratif Geneticliterracyproject, www.geneticliterracyproject.org , une organisation de sensibilisation éducative axée sur l’éducation du public sur la biomédecine et la biotechnologie agricole et la durabilité. Jon est également connu pour ses recherches et ses écrits sur la responsabilité sociale des entreprises et la durabilité environnementale, et a été rédacteur américain pendant 15 ans de la publication britannique Ethical Corporation. Twitter: @jonentine.com.
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A lire cet article on ne peut qu’acquiescer sur le fond de la réflexion qui confronte l’agriculture biologique « de masse » à l’agriculture chimique….
Pourtant, lorsqu’on veut tirer des conclusions, on se doit d’aller examiner toutes les pistes. Hors ici je ne vois nulle part qu’on parle de l’agro-écologie qui se veut être un nouveau modèle agricole et répondrait en grande partie au problème de volume de production par ha de terres agricoles, et permettrait de respecter la « terre » (érosion, productivité, etc).
Je pense que le Green deal essaie de tracer une ligne directrice à suivre et que la place aux techniques exactes qui seront utilisées pour éviter les problèmes dont vous faites mentions, seront aussi remises en cause…
Merci pour cet article qui remet en perspective certains idéaux ou fausses idées mais ne voyez pas tout en noir et blanc sur ce Green Deal. Voyez-y plutôt un plan en construction, imparfait certes, mais qui au-moins trace une volonté de « divorce » avec la société industrielle moderne telle qu’on l’a connue jusqu’aujourd’hui.