RTE, le réseau de transport d’électricité, et l’AIE, l’agence internationale de l’énergie, font état de scénarios allant jusqu’à 100% de renouvelables dont une large majorité d’intermittents en 2050. Qu’en est-il en pratique ?
Le réseau électrique pilotable aujourd’hui
Un réseau électrique qui permet aux consommateurs de disposer de l’énergie désirée en temps et en heures s’est construit au fil des années (un siècle) en Europe en se fondant sur une énergie pilotable, non intermittente donc, et des machines tournantes (les turbines des centrales à charbon, à gaz, nucléaires et hydrauliques) qui garantissent en outre la fréquence du réseau, clé de son efficacité et de sa robustesse au risque de « blackout ». L’AIE a par ailleurs indiqué dans nombre de scénarios que les pilotables (dont les bas carbones tels que l’hydraulique et le nucléaire) étaient indispensables pour la tenue des engagements climatiques en lien avec les objectifs de développement durable (ODD, SDG en Anglais) de l’ONU et en particulier du GIEC.
Comment peut-on alors avoir quelques scénarios sans ou avec peu de pilotable ?
Le réseau électrique « sans ou avec peu de pilotable » mais avec des « Si »
En effet,
- Si on considérait le doublement des capacités de stockage hydraulique (dont on se demande bien où on trouverait les sites),
- Si on y ajoutait la production d’hydrogène et de méthane par des procédés qui nécessitent une alimentation constante pour être efficaces tout au plus à 20% mais que par miracle on les pousse sur le papier bien au-delà de cette valeur crête y compris et surtout avec une alimentation électrique fortement fluctuante,
- Si la consommation des ménages et des industries avait le bon gout de suivre les évolutions du climat, y compris lors de ses variations subites,
- Si l’on pouvait multiplier les surfaces de capteurs solaires et d’éoliennes (au détriment des forêts, de l’environnement et des habitants situés près de ces installations),
- Si encore on utilisait l’argent public disponible à flot pour ces installations électrogènes, inutiles puisque notre électricité est déjà décarbonée, plutôt que de s’occuper de l’isolation des logements en priorité ce qui éliminerait à la fois de fortes émissions de CO2 et un poids important sur notre balance commerciale,
- Si tout le transport pouvait devenir électrique ou à base d’hydrogène même produit dans les conditions mentionnées auparavant,
- Si les matériaux pour la production des systèmes de captage (éoliennes et panneaux) avaient le bon goût d’être peu chers dans un futur plus ou moins lointain, (car on ne peut pas tout faire ! Mais, c’est vrai, ces scénarios ne s’intéressent pas aux ressources matérielles et monétaires)
- Si la gestion du démantèlement et des déchets des éoliennes et des panneaux ne posait pas de problème,
- Si les batteries venaient à se multiplier permettant un stockage massif de l’électricité, quand elle serait disponible, sur de parfois longue périodes (de l’ordre du mois en cas d’anticyclone froid hivernal)
- Si les simulateurs de fréquence en réseau étaient aptes et sans risque de piratage,
- Si les Français acceptaient la décroissance induite sans problème,
- Si comme écrit au début de l’étude, on ne considérait aucune des contraintes usuelles (économique, environnementale, etc.)
- Si, si, si…
Avec tous ces « Si », et en particulier ceux qui nous disent que la situation sera plus facile au cours du temps, comme l’industrie des éoliennes nous avait promis la fin des subventions (devenues inutiles) à l’horizon 2015 (elles n’ont jamais été aussi élevées qu’aujourd’hui, pompant sur le revenu des ménages et des entreprises et interdisant la mise en œuvre de l’isolation pour les logements les plus dispendieux faute de moyens). Bref, on rase gratis… demain !
La dure réalité du conditionnel
- Les matières premières avec la montée en régime des grandes nations (Chine et Inde) et de l’Afrique vont devenir plus chères, en particulier, la concurrence entre les différentes productions (téléphonie, informatique, batteries, panneaux solaires, éoliennes…) ayant besoin des terres rares va exacerber les prix d’autant que la Chine contrôle quasiment tout le marché. Il n’y aura pas de baisse des prix miraculeuse.
- L’équilibre entre la consommation croissante au niveau européen et la production devra être assuré à toute heure, imposant des solutions pilotables, (Car, même avec ces dernières, on a failli avoir un blackout couteux sur l’Europe le 8 janvier dernier du à l’absence de vent et de soleil – Moins de 3% de la production cumulée en France — et à la perte en Roumanie d’une partie de la production).
- La défiguration des paysages et le déboisement ne pourront plus (si tant est qu’ils l’aient été) être considérés écologiques par, a minima, les riverains des panneaux solaires et des éoliennes qui en subissent les nuisances.
- …
Bref, en sélectionnant certains scenarios plutôt que d’autres, RTE en particulier a pris sur elle de dévoyer l’analyse technique au profit d’un mandat politique malvenu. Le GIEC dans ses exercices d’analyse de scenarios n’a, à la dernière revue, que proposé moins de 1% de scénarios sans pilotable (nucléaire), c’est-à-dire que 99% des scenarios font appels au nucléaire, énergie décarbonée (6 g par kWh contre 400 pour le gaz par exemple). Pourquoi alors croire que le 1% restant serait salvateur ? La réponse est : par méconnaissance des contraintes et des enjeux notamment, sinon par dogmatisme.
L’éolien et le solaire ont leur place mais pas en France ou en Europe du nord mais bien par exemple en Afrique où ils permettent à des communautés de disposer d’énergie électrique là où il n’y en avait pas avant ou pour remplacer de multiples générateurs électriques alimentés en carburant fossile très émetteur de CO2.
En résumé, RTE a essayé d’abuser le public pour répondre à une demande du gouvernement, mais le public n’est pas dupe.