Afin de proposer une alternative crédible à l’agriculture intensive, modèle hérité des années 60 aux conséquences environnementales désastreuses, le gouvernement gagnerait à sensibiliser les professionnels du secteur à l’agriculture de précision. Un modèle d’« agriculture 2.0 » au sein duquel le drone est appelé à jouer un rôle central.
Aujourd’hui, tout converge vers la remise en question de nos modes de pensée économique. Les résultats des élections européennes, qui ont consacré dans certains pays, dont la France, l’émergence d’une conscience écologique sérieuse, le montrent bien. Les citoyens, et les jeunes en particulier, toujours plus informés grâce à des canaux d’information personnalisés, interrogent de plus en plus nos vieux moyens de production. Avec, à la clé, le désir de consommer de manière plus durable, éthique et écologique. L’agriculture, à la croisée des enjeux de notre temps, doit avoir un rôle à jouer dans ce changement de paradigme.
Planification
D’une part, le secteur agricole est l’une des principales causes de pollution de l’air en Europe. En France – le pays fournit 18 % de l’agriculture européenne –, il est responsable de 89 % des émissions nationales de protoxyde d’azote (N2O), produites surtout lors des épandages d’engrais azotés et d’effluents d’élevage. Or ce gaz, émis en faible quantité dans l’atmosphère, contribue 298 fois plus que le dioxyde de carbone à l’effet de serre. Et, par conséquent, au réchauffement climatique. D’après une étude du Commissariat général au développement durable publiée en 2016, les diffusions agricoles de protoxyde d’azote seraient ainsi responsables de 10 % des émissions nationales de gaz à effet de serre.
D’autre part, avec une augmentation de 30 % du nombre d’individus sur la planète d’ici 2050 – qui en comptera dès lors près de 10 milliards –, les besoins en nourriture ne cesseront d’être exponentiels ces prochaines décennies. Un réel problème, si l’on part du principe que l’agriculture intensive, pensée dans les années 60 pour répondre à la démographie galopante, est à l’origine de l’utilisation de ces produits chimiques désastreux pour l’environnement. Mais également pour la santé des agriculteurs et des riverains. Ce modèle agricole, mû par la course à la rentabilité, a par exemple provoqué une hausse de la pollution aux nitrates et aux phosphates dans les terres et les eaux. Ce qui a d’ailleurs valu à la France d’être épinglée à deux reprises par la justice européenne…
En 2019, le consommateur a son mot à dire. Les Etats ne peuvent plus ignorer les appels répétés à davantage de responsabilité écologique. Et pour répondre à ces enjeux environnementaux, sociétaux et de durabilité, l’agriculture peut (et doit) compter sur les nouvelles technologies, méthodes d’information, de production et de gestion. Depuis quelques années, un concept tend ainsi à concurrencer l’agriculture intensive. L’ « agriculture de précision », bien plus moderne et adaptée aux enjeux actuels, permet aux agriculteurs, grâce aux progrès effectués dans le domaine du positionnement géographique par satellite, de posséder une vision réaliste de leurs terrains. Et les aide à planifier de manière optimale leurs exploitations.
Sensibilisation
Exemple concret : l’agriculture de précision devrait entraîner un moindre gaspillage d’engrais. Car les méthodes « à l’emporte-pièce » majoritairement employées, pour l’épandage d’azote (manufacturé ou organique) notamment, peuvent engendrer jusqu’à 50 % de pertes, comme le rappelait le Commissariat général au développement durable en 2016. Soit 600 000 tonnes de gaz qui se volatilisent dans l’air et 900 000 dans l’eau. Des conséquences indésirables – tant d’un point de vue environnemental que sanitaire, voire alimentaire – qui peuvent être aujourd’hui évitées grâce à des concepts dits « intelligents », basés sur l’utilisation des nouvelles technologies, comme les drones.
Petite révolution dans le monde agricole, l’ « aéronef télépiloté », selon le jargon employé par le ministère de la Transition écologique et solidaire, permet effectivement de surveiller, détecter, cartographier les petites et grandes surfaces, mais également calculer les doses (d’engrais, de graines, etc.) très rapidement, avec précision, grâce à des capteurs et des algorithmes ultra pointus. La France serait loin d’être la première à recourir à ce type d’engins, usités un peu partout dans le monde – et pour tout type de métiers. En l’occurrence, s’agissant de l’agriculture, les drones peuvent être utilisés pour améliorer les systèmes d’irrigation et les rendements agricoles. Au profit, par conséquent, de l’environnement aussi bien que de l’exploitant.
C’est pourquoi il semble primordial de s’emparer du sujet dans l’Hexagone. Les politiques compétents doivent sensibiliser les professionnels du secteur aux enjeux de l’agriculture de précision, et à ceux de l’utilisation des drones en particulier. Pourquoi ne pas proposer, par exemple, des formations aux modèles agricoles « intelligents » ? Ou nouer des partenariats entre l’Etat et les entrepreneurs qui innovent ? L’entrée de plain-pied dans une « agriculture 2.0 », à rebours du modèle intensif qui prévaut aujourd’hui, aurait en tout cas le mérite de répondre à l’appel « vert » issu des urnes européennes.