Haute-valeur environnementale, Eco-Score, Planet-Score, SENS… les labels se multiplient et le consommateur est de plus en plus dubitatif pour ne pas dire totalement perdu derrière ces références. Philippe Stoop, ingénieur agricole, membre de l’Académie Française d’Agriculture, auteur de nombreuses publications dans nos colonnes a regardé en détail les manoeuvres et autres manipulations qui se cachaient derrière ce ballet d’étiquetage.
Les consommateurs soucieux de choisir des aliments éco-responsables ont de quoi avoir le tournis : les controverses autour des cotations ou certifications environnementales ne cessent de se multiplier, et les accusations de greenwashing volent bas. Jusqu’à présent, il s’agissait surtout d’une guerre médiatique, dont nous avons déjà rendu compte dans European Scientist. Mais le conflit est monté d’un cran ces dernières semaines, avec le lancement quasi simultané de deux offensives juridiques :
- Le 22 janvier, un collectif comprenant la FNAB (Fédération Nationale de l’Agriculture Biologique), Synabio (le syndicat des entreprises du bio), Générations Futures, UFC – Que choisir, Bio Consommacteurs, le Réseau Environnement Santé, et Agir pour l’Environnement, a saisi le Conseil d’Etat à propos de la certification HVE (Haute Valeur Environnementale), créée par le Gouvernement dans la foulée du Grenelle de l’Environnement, pour « faire reconnaître la tromperie du consommateur qui dure depuis plus de 10 ans et mettre un terme au greenwashing entretenu par cette mention ».
- Dans un communiqué de presse publié le 25 janvier (1), l’IFOAM (International Federation of Organic Agriculture Mouvements) et ses adhérents français (entre autres, la FNAB, Synabio, ainsi que l’Institut Technique de l’Agriculture Biologique et Nature et Progrès), ont annoncé avoir saisi le Tribunal Judiciaire de Paris pour « demander la cessation de l’usage d’un affichage environnemental des produits du secteur de l’alimentation considéré comme déloyal à l’égard de la production biologique et déceptif pour les consommateurs ». Quel est donc cet affichage déloyal et trompeur? Tout simplement l’Eco-Score, mis au point par l’ADEME (Agence de l’Environnement et de la Maitrise de l’Energie), à partir de la base de données Agribalyse, alimentée par les travaux de l’INRAE !
Avant d’examiner le fond du débat, notons que, dans les deux cas, il s’agit d’actions juridiques assez inédites : des acteurs économiques (en l’occurrence de l’agriculture bio) qui demandent la suppression de cotations ou certifications environnementales mises au point par le gouvernement ou par une agence publique, parce qu’elles défavoriseraient leurs produits ! Venant de tout autre secteur économique, ce serait perçu comme du lobbying éhonté, mais chut ! Chacun sait qu’il n’y a pas de lobby bio. Examinons donc un peu les arguments de ces attaques parfaitement désintéressées.
Planet score contre Eco-score
La campagne contre l’Eco-Score est la plus récente et la plus structurée. C’est aussi la plus éclairante pour comprendre les ressorts communs à ces deux campagnes de dénigrement des agences publiques.
En fait, le principe même d’une cotation environnementale des aliments est depuis longtemps un sujet urticant pour le monde du bio. Par définition, il suppose de faire un bilan de l’impact environnemental des pratiques agricoles, en le ramenant aux quantités produites, et non à l’hectare cultivé. Or c’est précisément ce que les partisans du bio ont essayé d’éviter aussi longtemps que possible. En effet, s’il est évident que l’agriculture bio impacte moins l’environnement à surface égale que l’agriculture conventionnelle, c’est beaucoup moins clair quand on ramène cet impact aux quantités d’aliment produites. Bien sûr, l’agriculture conventionnelle utilise plus d’intrants, dont l’empreinte environnementale s’intègre dans celle des aliments qu’elle produit. Mais, dès les années 2000, les premières analyses de cycle de vie (ACV) réalisées sur les productions agricoles ont commencé à montrer que l’empreinte carbone de ces intrants était généralement plus que compensée par les augmentations de rendement qu’ils permettent ; par contre, de par ses faibles rendements, et son refus du désherbage chimique, le bio nécessite plus de passages d’outils coûteux en fuel, et sur une plus grande surface, qu’une production conventionnelle.
Pendant longtemps, les pressions politiques ont réussi à étouffer ce sujet. En 2015, le sénateur EELV Joël Labbé avait réclamé bruyamment une évaluation sur « les externalités négatives de l’agriculture conventionnelle, et les aménités positives au niveau économique, social et environnemental de l’agriculture bio » (on appréciera la partialité parfaitement assumée de ce cahier des charges). Demande que le Ministre de l’Agriculture de l’époque, Stéphane Le Foll, avait pleinement satisfaite, en acceptant l’année suivante un rapport co-rédigé par l’ITAB, dont le postulat de départ était que la comparaison entre bio et conventionnel serait faite à l’hectare cultivé (2). A partir de là, la messe était dite…
Malheureusement, cet artifice de calcul ne pouvait être appliqué à une notation environnementale des aliments. C’est donc à reculons, et avec une ferme volonté de les surveiller comme le lait sur le feu, que les acteurs du bio, par l’intermédiaire de l’ITAB, se sont associés aux travaux de l’ADEME et de l’INRAE, pour la construction de la base de données Agribalyse sur les ACV des produits alimentaires les plus courants, en y greffant un projet spécifique intitulé ACV-Bio, destiné à traiter des problématiques spécifiques au bio. La presse scientifique à comité de lecture étant plus difficile à contrôler que des rapports ministériels dans le contexte du duopole entre l’Agriculture et l’Environnement, ils n’ont pu empêcher la publication début 2020 d’un article fort embarrassant dans Nature Sustainability, intitulé « Vers une meilleure représentation de l’agriculture biologique par les ACV »(3). Co-rédigé par l’un des acteurs INRAE du projet ACV -Bio, cette publication défendait certes le point de vue bio, en affirmant la nécessité de faire évoluer la méthode ACV pour l’évaluer correctement, en particulier en prenant plus en compte les impacts sur la biodiversité. Mais son argumentation revenait à reconnaître officiellement que l’empreinte carbone des aliments bio est généralement plus élevée que celle de leur équivalent conventionnel. La réaction ne s’est pas fait attendre, avec la publication fin 2020 d’une note incendiaire de l’ITAB contre la base de données Agribalyse de l’ADEME, et de façon générale contre le principe même de l’ACV (Analyse de Cycle de Vie), que nous avons évoquée à l’époque dans European Scientist. Le schisme avec l’ADEME étant consommé, l’ITAB avait alors annoncé le développement d’un « Planet-Score », concurrent à l’Eco-Score calculé par l’ADEME à partir des indicateurs calculés dans Agribalyse, et mieux adapté selon lui aux enjeux environnementaux globaux.
Sur le fond, il n’est pas choquant qu’un score environnemental des aliments fasse débat. En effet, une notation environnementale globale nécessite d’agréger des indicateurs très variés, qui n’ont pas d’unités comparables. Agribalyse calcule pour chaque aliment 16 indicateurs aussi variés que l’impact climatique (en équivalent C02), l’eutrophisation des eaux douces (en quantité de phosphore émis), la présence de substances cancérigènes (dans une unité abstraite), etc… Il va de soi que le Score Unique, qui synthétise tous ces impacts, nécessite une pondération de tous ces indicateurs, qui a forcément un côté subjectif, voire arbitraire. Et il est logique que tout produit ou mode de production s’estimant désavantagé par ce Score Unique soit tenté de proposer un autre mode de calcul…
Le Planet Score affirme reprendre les données d’Agribalyse en les complétant par d’autres indicateurs, en particulier sur la biodiversité et les méthodes d’élevage. Il attribue au final à chaque aliment un score global (de A à E, en reprenant un code visuel proche de celui du Nutri-Score), et 3 notes intermédiaires sur le même principe, respectivement pour les pesticides, l’impact sur la biodiversité et l’impact sur le climat, plus une cotation sur le mode d’élevage pour les produits animaux. Nous ne nous prononcerons pas sur le bien-fondé de ces indicateurs, puisqu’au moment où nous écrivons cet article (27 février 2023), le détail de la méthode, bien qu’annoncé depuis le 14 décembre, n’est toujours pas disponible (4). Faute de connaître le détail des calculs, on peut quand même avoir quelques réserves de principe sur la nature même de certains indicateurs :
- Le nombre des pesticides employés n’est pas en soi un indicateur d’impact sanitaire ou environnemental, celui-ci étant très différent d’un pesticide à l’autre (qu’il s’agisse de produits de synthèse ou de « pesticides bio »). Si la note « Pesticides » intégrait au moins les 3 indicateurs d’impact des pesticides inclus dans Agribalyse, cela pourrait avoir du sens. Mais il est permis d’en douter, quand on voit les exemples fournis sur le site Planet Score : les fruits bios, sur lesquels le sulfate de Cuivre, un produit au bilan environnemental très médiocre, est très utilisé, ont néanmoins la meilleure note sur ce score. Il est donc très probable que cette note « pesticides » est un critère de notation purement ad hoc, où les produits bio ont automatiquement la meilleure note, et les produits conventionnels sont plus ou moins mal notés en fonction du nombre de pesticides de synthèse utilisés.
- Quant au principe même d’une note sur la biodiversité, contrairement aux apparences, sa pertinence n’a rien d’évident quand il s’agit de noter un produit alimentaire. Les études sur la biodiversité montrent bien que l’impact global de l’agriculture sur la faune et la flore dépend avant tout de la variété du paysage agricole (variété des cultures, présence de surfaces non productives comme les haies ou la jachères), et du mode d’entretien du sol. C’est donc une question de système de culture, que l’on peut difficilement rattacher à un produit donné (colza ou blé). Sur ce sujet, il y aurait plus de sens à donner une note qui dépende simplement du mode de culture (agriculture bio, conventionnelle, ou de conservation), et s’applique de la même façon à tous les produits issus de ce mode de production. Mais dans ce cas, faisons-le honnêtement : le bio (et de façon générale les systèmes extensifs) est bien sûr favorable à la faune et la flore à l’intérieur des parcelles, mais il n’a qu’un impact minime sur la biodiversité des espaces naturels qui les entourent (5). De plus, cet effet positif est contrebalancé par le fait qu’à cause de ses faibles rendements, le bio nécessite plus de surfaces agricoles pour produire la même quantité que l’agriculture conventionnelle… surfaces agricoles dont la biodiversité, même en bio, est bien inférieure à celle de tout espace naturel. Or les études quantitatives sur la biodiversité des parcelles agricoles montrent bien qu’en Europe, la balance de ces deux effets est en défaveur du bio pour une large majorité des espèces animales et végétales (6). Un indicateur pour la biodiversité devrait donc prendre en compte l’effet positif du bio à l’intérieur des parcelles, mais aussi le combiner à l’effet négatif dû au différentiel de rendement entre bio et conventionnel (quantifié par l’indicateur « utilisation des sols » dans Agribalyse). Une fois encore, faute de connaître les détails de la méthodologie du Planet Score, nous ne savons pas si cette notion d’« utilisation des sols » est prise en compte. Mais le fait que, sur les exemples présentés, les produits bio aient systématiquement une note biodiversité très favorable, ne laisse guère de doutes sur le fait que cette dimension soit ignorée : il ne s’agit donc que d’une note sur la biodiversité agricole très locale, à l’intérieur des parcelles, et non sur la biodiversité globale, à l’échelle des paysages.
Répétons-le ici encore : une évaluation environnementale des produits agricoles nécessite d’arbitrer entre des exigences contradictoires, et difficiles à hiérarchiser. Il est donc normal que l’Eco-Score puisse être discuté et même challengé, à condition que ce soit sur des bases méthodologiques objectives et transparentes. Ce n’est pas le cas pour l’instant, tant que la méthode Planet Score n’est pas publiée avec le même niveau de détail que la méthodologie Agribalyse.
Malgré cette opacité du Planet Score, la bienveillance avec laquelle ses critiques contre l’Eco-Score ont été exposées dans la presse est stupéfiante. La situation est le pendant exact des polémiques surgies lors du lancement du Nutri-Score, étiquetage nutritionnel développé avec l’appui du Ministère de la Santé, et critiqué alors par la grande distribution et les industries agroalimentaires, qui leur préféraient leurs propres score SENS et Nutri-Repères. Bien que les arguments de ces industriels soient recevables, leur démarche avait été majoritairement présentée et condamnée comme une démarche de lobbying, au détriment de la santé publique. Rien de tel cette fois-ci, bien que les critiques contre le score « officiel » Eco-Score soient bien plus virulentes que celles qui avaient frappé le Nutri-Score à cette époque.
Un règlement européen sur mesure pour le bio
Il est vrai que la plainte déposée par l’IFOAM et ses affidés contre l’EcoScore ne met guère en avant des arguments scientifiques, mais plus prosaïquement le droit de la concurrence. De façon inattendue, c’est avant tout la marque Eco-Score que l’IFOAM attaque, en invoquant la réglementation. En fait c’est le principal scoop de cette mascarade médiatique : elle révèle au grand jour l’existence d’un article ahurissant d’un obscur règlement européen, passé inaperçu jusqu’à présent, l’article 30 du règlement UE n°2018/848, qui porte sur l’« Utilisation de termes faisant référence à la production biologique ». Quand on s’y reporte, on découvre avec stupéfaction que la plainte de l’IFOAM est partiellement fondée en droit, et a donc de sérieuses chances d’aboutir : en effet, cet article accorde aux produits bios l’exclusivité de l’utilisation pour leur dénomination des préfixes « bio » (ce qui se comprend), mais aussi « éco » ! C’est ce qui autorise l’IFOAM à affirmer que le nom de l’Eco-Score pourrait être trompeur pour le consommateur, en entrainant une confusion avec les produits bio. Cette interprétation est pour le moins tirée par les cheveux, mais les intégristes du bio osent tout, c’est même à cela qu’on les reconnait. Et ils auraient tort de s’en priver, si la justice leur est aussi favorable que l’exécutif. En lisant un texte de loi pareil, on croit d’abord à un coup de poker d’un lobbyiste audacieux, qui aurait tenté de glisser cette énormité dans un texte copié/collé tel quel par un parlementaire distrait.
Mais puisqu’il est bien connu qu’il n’y a pas de lobby bio, il faut en conclure que c’est bien le législateur qui a décidé, en toute conscience, que les produits bios étaient les seuls à pouvoir revendiquer un caractère éco-responsable !
Certification HVE : faut-il souffrir pour être vert ?
La saisine contre la certification HVE (Haute Valeur Environnementale) relève du même état d’esprit. Cette certification des exploitations agricoles a été mise en place par le Ministère de l’Agriculture dans la foulée du Grenelle de l’Environnement, pour permettre la valorisation des productions conformes aux principes de l’agroécologie. Jusqu’à cette année, il en existait deux variantes :
- L’option A, dite approche thématique, qui évalue 4 familles d’indicateurs : biodiversité, stratégie phytosanitaire, gestion de la fertilisation et de l’irrigation
- L’option B, dite approche globale, qui portait sur deux indicateurs : surfaces favorables à la biodiversité (infrastructures agroécologiques, ou prairies permanentes, et un ratio coût des intrants/chiffre d’affaires)
Comme toute certification environnementale, HVE peut bien sûr être discutée, en particulier son option B, avec son indicateur intrants/CA, très simpliste, et dont la pertinence environnementale est pour le moins discutable (mais dont il faut toutefois rappeler qu’il n’avait pas été proposé par le « lobby agro-industriel »… mais par France Nature Environnement !) (8). Toutefois, ce problème de l’option B est réglé, puisqu’elle est arrêtée depuis le 1er janvier 2023, et était de toute façon très minoritaire (9). Ce n’est donc pas cette option B qui peut justifier la saisine de janvier 2023, et il parait plus difficile de contester les fondements de l’option A. En fait, le principal reproche que lui font les plaignants, en s’appuyant sur une étude de l’Office Français de la Biodiversité(10), est que cette certification serait trop facile à obtenir. Le relent judéo-chrétien de cette critique pourrait faire sourire (faut-il nécessairement souffrir pour être éco-responsable ?), mais s’appuie aussi sur une constatation « objective » : les pratiques des exploitations HVE différeraient peu des pratiques moyennes en France. Toutefois, cette analyse est fortement biaisée par le poids très important des filières viticulture et arboriculture, où l’agriculture raisonnée est déjà très fortement implantée, comme le montrait dès 2010 le rapport Ecophyto R&D. Il est donc exact que la HVE est assez facile à obtenir pour les exploitations viticoles et arboricoles… mais c’est parce que celles-ci étaient déjà engagées depuis longtemps dans les démarches d’agriculture raisonnée ! Pour les Grandes Cultures et la polyculture-élevage, même l’OFB reconnait qu’il y un progrès significatif entre les pratiques des exploitations HVE et la moyenne nationale. Quant aux exploitations viticoles certifiées en option B, qui plombent les résultats présentés par l’OFB, elle ne pourront prolonger leur certification (à renouveler tous les 3 ans) que si elles passent à l’option A plus exigeante.
En fait, le vrai grief des plaignants contre la HVE est clair : cette certification a l’outrecuidance de reconnaître que l’écoresponsabilité n’est pas l’exclusivité de la filière bio. Ce péché originel de la HVE a encore été aggravé récemment par l’application française de la réforme de la PAC, dans laquelle la HVE donnera droit, tout comme la certification bio, aux aides de l’écorégime européen. Une pareille « concurrence » est insupportable, pour une filière qui avait réussi à obtenir le monopole médiatique de la vertu environnementale, même si ses prétentions dans ce domaine sont de plus en plus battues en brèche par l’avancée des études scientifiques d’impact.
La politique de terre brûlée du non-lobby bio
La presse militante nous assure régulièrement qu’il n’y a pas de lobby bio. Ces deux démarches juridiques nous montrent pourtant que les ONG environnementalistes, et les organisations de la production et de la distribution bio, constituent un « non-lobby » particulièrement efficace sur le plan politique, qui obtient des règlements européens rédigés sur mesure, et défend son monopole médiatique en dénigrant toutes les certifications environnementales qui font de l’ombre à son label, même celles créées par les pouvoirs publics. En brandissant continuellement le chiffon rouge du greenwashing, sans la moindre justification scientifique sérieuse, ils déconsidèrent non seulement tous les acteurs de l’agriculture conventionnelle, mais au bout du compte toute l’agriculture, ainsi que les agences gouvernementales (Agence sanitaires, ADEME) qui sont en charge de l’évaluation environnementale, indépendamment de tout intérêt commercial (y compris celui des filières bio).
La complaisance avec laquelle cette politique de terre brûlée irresponsable est relayée dans les médias finit par bloquer tout débat rationnel sur la politique agroécologique.
Cette stratégie de destruction de valeur environnementale porte ses fruits : la HVE commence aussi à être critiquée aussi par certains de ses labellisés, qui n’y trouvent pas la valorisation qu’ils attendaient pour leurs efforts environnementaux. C’est le cas en particulier chez les viticulteurs : certains gros négociants en vin avaient demandé à leurs producteurs de passer HVE, avec en contrepartie des primes initialement intéressantes…mais qui ont fondu comme neige au soleil en quelques années, le label HVE n’étant pas suffisamment reconnu par les consommateurs, en partie à cause de son image trop brouillée.
Le risque de retour de bâton n’est pourtant pas négligeable, surtout au moment où le bio lui-même peine à maintenir des revenus corrects pour ses producteurs. A la base, beaucoup d’entre eux sont d’ailleurs bien plus raisonnables que les instances qui prétendent les représenter. Ils reconnaissent la complémentarité de l’approche HVE par rapport à la certification bio (11), dont ils ressentent de plus en plus que le développement à marche forcée menace leur propre équilibre économique. Espérons (sans trop y croire) que ces deux coups d’éclat juridiques ne sont que le dernier baroud d’honneur d’une guéguerre qui tire tout le monde agricole vers le bas.
Notes
(1) IFOAMEU_policy_press-release_FR_legalcase-ecoscore_20230125_FINAL.pdf (organicseurope.bio)
(2) Le bio c’est bon : c’est l’ITAB qui le dit… | ForumPhyto
(4) Ressources Planet-score – planet-score
(5) Cf : Gains to species diversity in organically farmed fields are not propagated at the farm level | Nature Communications, qui montre que l’écart de biodiversité entre exploitations bio et conventionnelles n’est que de 4,5% en faveur du bio.
(7) https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/PDF/?uri=CELEX:32018R0848&from=FR , page 37
(11) Vignerons certifiés bio et HVE… et alors ? (vitisphere.com)
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