Puisque l’heure est à la déclaration des intérêts, disons immédiatement que je suis un des auteurs du livre que je vais évoquer maintenant. J’en suis aussi un des deux coordinateurs, et tous les droits d’auteur sont versées à l’Académie d’Agriculture de France, et non pas à moi-même.
Cela étant clair, il y a lieu d’expliquer le projet qui nous a mobilisés pendant un long moment, à titre bénévole ainsi que je l’ai dit. Le constat de base est le désarroi du public, exposé à de trop nombreux médias alarmistes. Aujourd’hui, le public a le sentiment faux que son alimentation l’empoisonne, alors que deux faits essentiels sont à rappeler incessamment : d’une part, nous sommes la première génération à ne pas avoir connu de famine, et, d’autre part, jamais notre alimentation n’a été aussi surveillée et sans doute aussi saine.
Surtout, il y a lieu de dépasser les messages des marchand de cauchemars et ceux des idéologues qui profitent des peurs à leurs fins personnelles. Certains, même, sous prétexte de protéger les citoyens contre une industrie alimentaire qui voudrait les faire tomber dans ses filets, multiplie les manigances pour les faire tomber dans les leurs. Comme toujours, le premier conseil que l’on devrait donner à nos concitoyens est de se demander, lorsqu’il reçoit une information : qui la donne ? qui a intérêt à la donner ? et pourquoi ? C’est seulement ensuite que l’on pourra éventuellement accepter ladite formation, et sans doute pas l’accepter avec confiance, mais plutôt en la croisant avec d’autres, venues d’autres sources.
Il y a donc un gros travail d’information à faire pour arriver à des idées claires et justes, et il n’est pas sûr que le public puisse lui-même séparer le bon grain de l’ivraie, de sorte qu’il nous a paru utile que 25 membres de l’Académie d’agriculture de France examinent nombre des questions compliquées qui se posent aujourd’hui à propos de notre alimentation, que ces académiciens fassent le travail de recherche bibliographique qu’ils ont bien appris à faire pendant toute leur carrière, et qu’ils produisent des synthèses à l’attention de tous.
Voilà donc ce livre décrit : cent questions qui fâchent, cent synthèses qui permettent de se faire une idée juste, fût-elle révisable.
Révisable ? Je prends un exemple traité dans le livre : faut-il avoir peur du mercure ? Dans l’absolu, il faut évidemment avoir peur du mercure, car la médecine a bien établi sa dangerosité. Mais on a toujours intérêt à ne pas confondre le danger et le risque. Oui le mercure est dangereux, mais la question n’est pas là ; elle est d’éviter les risques, et les législations actuelles ont cette fonction. Le monde tel qu’il est aujourd’hui, avec les réglementations en vigueur aujourd’hui, expose citoyen à des concentrations au mercure décidées au terme de longues études, qu’il faut signaler, à défaut de les détailler.
Des évolutions de nos pratiques, de nos modes de vie, pourraient faire évoluer les expositions, et conduire à des modifications des réglementations. Et c’est la raison pour laquelle je dis que certains -seulement certains- de nos chapitres sont révisables. Mais, pas dans l’immédiat pour autant, de sorte que nous aurons le temps de lire tranquillement l’ensemble de ce livre. Et j’ajoute que la constante progression des connaissances ne doit pas faire tomber dans un relativisme naïf et fautif : oui, les connaissances évoluent, mais quand même, le détail ne sape pas le gros.
D’autres exemples de ce qu’apporte le livre ? J’ai dit qu’il y avait cent réponses à cent questions.
– Les prescriptions alimentaires religieuses ont-elles des bases physiologiques ?
– Que faire en cas d’intoxication alimentaire ?
– Quelle eau doivent utiliser les femmes enceintes ?
– Quels sont les signes de qualité ? Pourquoi nous arrêtons-nous de manger ?
– Sait-on assez qu’il n’y a pas d’acides gras dans les huiles ?
– Y aura-t-il assez ingrédients alimentaires pour nourrir le monde en 2050 ?
On le voit, c’est un énorme chantier, qui a mobilisé des experts parmi les meilleurs, comme l’indique le titre choisi par l’éditeur : Le grand livre de notre alimentation. Et l’éditeur a eu signaler que l’éditeur a eu raison d’écrire « par 25 experts », car effectivement, les personnalités qui ont été élues à l’Académie d’agriculture de France, dont je rappelle qu’elle est sous la protection du président de la République, l’ont été effectivement pour une compétence reconnue nationalement et internationalement.
J’insiste encore un peu pour dire que si les auteurs ont parfois travaillé avec industrie, c’est moins à des fins d’enrichissement personnel que pour contribuer au développement national, dans sa composante alimentaire. D’ailleurs, on aura intérêt de bien dire qu’un expert n’est pas un expert s’il n’a pas travaillé avec l’industrie alimentaire, et s’il en méconnait les mécanismes. Et puis, nos auteurs savent très largement dépassé les intérêts éventuels, et, d’autre part, l’on pourra être sûr que les critiques qui seront faites éventuellement à ce livre le seront par des personnes qui, elles, ont des intérêts cachés, ou sont mus par de l’idéologie.
Pour ce qui me concerne, comme pour beaucoup de mes confrères et consœurs, ma préoccupation est que la collectivité nationale prenne, notamment à propos de l’alimentation, des décisions rationnelles, lucides, fondées sur des faits, et non sur des peurs et des fantasmes. Nous devons avoir le courage de dire que les plus graves menaces sur notre santé sont le tabac ou l’alcool, les excès alimentaire, la sédentarité… Il faut avoir le courage de dire que des viandes grillées au barbecue, ce que l’on a vu tout l’été dans les jardins, apportent environ 2000 fois plus de benzopyrènes cancérogènes qu’il n’en est admis par la réglementation dans les poissons fumés commercialisés (par l’industrie ou l’artisanat)… Contre les vrais fléaux, ce n’est pas le bâton qu’il faut mais l’Ecole, encore l’Ecole, toujours l’Ecole, avec une belle coloration collaboration entre les professeurs et les cuisiniers des cantines scolaires.