Ou comment EDF maquille la faillite de la politique écolo des gouvernements successifs. Mais finalement, est-ce le maquillage d’une faillite ? Ou est-ce une politique pleinement assumée qu’on tenterait de nous imposer par idéologie et par étapes successives ? Explications.
La nouvelle offre EDF
Le groupe EDF a dans ses statuts « une obligation de service public » qui correspond à la satisfaction des besoins des clients 24h/24 et 365 jours/an. Néanmoins, depuis quelques semaines, le groupe EDF fait la promotion à ses clients professionnels vertueux d’une offre « d’effacement » (notez bien le vocabulaire employé). Néanmoins, notez bien aussi la subtilité. Prôner les économies d’énergie est une excellente initiative qui s’inscrirait dans des vertus éco-logiques indéniables, si cette offre était associée au terme « d’économie d’énergie. » Mais il ne s’agit pas d’économies d’énergie vertueuses parce que l’offre est ouverte dans un contexte particulier, la prévision du rationnement de l’électricité. Ce rationnement est-il subi par un contexte particulier ? Ou entre-t-il dans une logique politique d’ensemble ? Ou plutôt, se servirait-on du contexte comme une opportunité dans cette logique politique d’ensemble ?
C’est quoi un effacement ?
C’est une coupure de fourniture électrique du producteur envers le client qui se retrouve dans le noir complet. Cette coupure est le résultat d’un déséquilibre production / consommation, autrement dit lorsque la garantie du service au public ne peut plus être assurée. Comme l’électricité ne se stocke pas ou très peu, plus précisément la coupure intervient lorsque les moyens de production pilotables et aléatoirement intermittents des ENR ne peuvent pas produire ce dont les consommateurs ont besoin à l’instant présent.
EDF passe bien d’une logique de garantie de service au public 24h/24 365 jours/an qui a fait la fierté du groupe durant 43 ans avec le mix nucléaire / hydraulique, à la logique de gestion de la pénurie, voire d’organisation assumée de la pénurie. Mais plutôt qu’être subie, la coupure électrique est « acceptée » par le client puisque l’offre est contractualisée par un contrat signé des deux parties, avec une facturation avantageuse du kWh.
Ça passe évidemment mieux. Néanmoins, le résultat est le même, le client professionnel se retrouve dans le noir complet en dehors de toute programmation de son carnet de commande. Autrement dit, les salariés de l’entreprise concernée par « l’effacement » travailleront lorsque les moyens de production le permettront. Les clients de l’entreprise attendront le retour du service au public.
D’où vient ce changement de logique à la gestion de la pénurie ?
Il faut revenir au discours de l’idéologie écolo. Je dis dit bien « discours de l’idéologie écolo » et non d’un « discours de pragmatisme éco-logique ». La logique écolo prône un discours de récession notamment dans une phrase qui résume bien l’idée « la meilleure énergie est celle qu’on ne consomme pas ».
C’est bien un refus de toute forme de satisfaction des besoins. Le consommateur passe d’une logique de consommation, parce que le producteur garantit l’énergie dont il a besoin, à une logique de privation parce que le politique privilégie des moyens de production électrique aléatoirement intermittent qui ne permettent plus la garantie de satisfaction des besoins au moment où le consommateur en a besoin. Ce n’est pas une logique de préservation de la planète c’est une logique de changement radical de société.
« Radical » est le mot approprié puisque si vous ne faites pas preuve de sobriété, les politiques vous préparent les conditions qui imposent cette « sobriété ». Les politiques organisent le manque de production d’électricité en remplaçant les moyens de production pilotables bas carbone, qui modulent leur production en fonction des besoins, par des moyens de production bas carbone mais aléatoirement intermittents qui produisent quand il y a du vent et du soleil, indépendamment de la consommation des clients. D’ailleurs, Madame la ministre de l’écologie précédente, Mme Barbara Pompili, parlait bien de production 100% renouvelables et non de consommation satisfaite par 100% de production renouvelables. C’est à dire que le consommateur devra se satisfaire de consommer 100% d’électricité renouvelables à la hauteur de ce que les énergies renouvelables peuvent produire.
On consomme ce qui est possible de consommer quand c’est possible. C’est bien un changement « radical » de société imposé.
Après la fermeture des bureaux de postes dans les petites communes par exemple, on passe maintenant à l’échelle du pays ; fini le modèle français de service public de l’énergie électrique.
Mme la première ministre, Elisabeth Borne, l’a bien reprécisé récemment. Le slogan « je baisse, j’éteins, je décale » n’est pas une mesure pour passer l’hiver, mais une pratique, je la cite, « pour les 30 ans à venir ». Un changement de société alors qu’il est possible de faire autrement, le mix énergétique nucléaire / hydraulique l’a montré durant 43 ans.
Et les particuliers dans tout ça ?
On peut également se poser la question suivante. Pourquoi cette offre s’adresse-t-elle aux seuls clients professionnels. Il est clair que la consommation d’un professionnel est supérieure à la consommation d’un particulier. Lorsque les moyens de production ne suffisent plus à garantir les besoins, il est plus efficace de couper un gros consommateur d’électricité pour tenter de rétablir l’équilibre. Cependant, si l’hiver prochain est rigoureux et que la consommation est forte, la nuit sans soleil et en anticyclone sans vent, les moyens pilotables restant disponibles ne pourront pas faire face à la consommation. Le manque de production des moyens pilotables est le résultat de plusieurs facteurs
- décision politique d’arrêt de moyens de production bas carbone en parfait état de marche comme Fessenheim qu’on tente de remplacer par des moyens de production aléatoirement intermittents,
- la pénurie de gaz à cause de notre dépendance au gaz russe dans un contexte de guerre en Ukraine,
- le manque conjoncturel de disponibilité du parc nucléaire à cause de la découverte de corrosion sur certaines parties de certains réacteurs, les plus récents, qui nécessitent des réparations. Mais comme la logique est de réduire à 50% la production nucléaire, la situation conjoncturelle du parc nucléaire n’est qu’un avant goût de ce que la politique énergétique depuis 10 ans nous réserve.
Le froid ne s’arrêtant pas à la frontière, il est très probable que nos voisins soient aussi confrontés à la même problématique de difficulté pour satisfaire les besoins des consommateurs. La solidarité énergétique européenne trouvera ses limites. Le gestionnaire de réseau RTE n’aura pas d’autres solutions que de couper aussi les consommateurs particuliers pour tenter d’éviter ce qu’on appelle un black out, la déconnexion automatique des moyens de production sur un déséquilibre qui s’aggraverait ; le fameux écroulement du réseau par château de cartes, comme ce fût le cas le 9 Août 2019 dans toute la partie sud du Royaume Uni avec 40% d’énergies renouvelables non pilotables couplées sur le réseau.
RTE et ENEDIS ont anticipé les scénarios du pire, en cas d’hiver rigoureux, en prévoyant, dès l’été dernier, les régions françaises les plus à risques ; celles qui manquent de moyens locaux de production et qui peuvent se retrouver avec une surcharge des lignes électriques de transport. Les gestionnaires de transport et de distribution d’électricité ont prévu des scénarios de coupures électriques tournantes le temps que l’équilibre production / consommation se rétablisse. Les coupures seront tournantes, c’est à dire que les coupures seront limitées dans le temps pour chaque consommateur, 2h environ, pour en limiter l’impact. Ces situations se rencontreront lorsque la consommation sera forte, c’est à dire essentiellement en semaine, surtout le lundi matin à la reprise économique du pays, entre 6h et 9h où généralement il faut trouver l’équivalent de puissance de 15 centrales nucléaires pour satisfaire les besoins de la France. Ce sera le cas particulièrement le soir à 19h, lorsque Mr et Mme Michu font chauffer la soupe. Ils devront « baisser, éteindre voire décaler ». Si ces situations de noir complet se répètent chez les particuliers, il est clair qu’elles revêtiront un enjeu social important vis à vis de la politique écolo des 10 dernières années.
Les politiques au pouvoir devraient se rappeler que lorsque Sapiens ne satisfait plus ses besoins vitaux, sa réaction est vive.
En conclusion et pour tenter de répondre aux questions initiales, est-ce le maquillage d’une faillite ? Ou est-ce une politique pleinement assumée qu’on tenterait de nous imposer par idéologie et par étapes successives ? On répond à ces questions suivant si on est attaché à la garantie de service au public, c’est à dire à la satisfaction des besoins des clients. Ou si on s’inscrit dans un nouveau monde fait de satisfaction de ses besoins « quand c’est possible » et donc de privation assumée des besoins vitaux aujourd’hui ; comme manger chaud, se chauffer, se déplacer, travailler, jouir de ses loisirs, aller sur internet, recharger et utiliser son téléphone portable etc. « quand c’est possible ! »
L’offre d’effacement du groupe EDF porte aujourd’hui sur les entreprises. C’état une mesure exceptionnelle de gestion d’un aléa ponctuel. C’est devenu le résultat de la politique écolo de l’énergie. Avec cette offre sur les entreprises, c’est une première étape. Qu’en sera-t-il demain pour les particuliers ? Le compteur Linky permettra de mesurer la consommation des particuliers. Dans la logique de sobriété ou de privation des besoins, les gestionnaires de réseaux pourront donc faire la différence entre les clients dits « vertueux » et les autres. Pour quelle utilisation ? Pour quel monde et quel avenir de nos enfants ? Quand un programme politique prévoit un changement radical de société avec des règles collectives imposées, on est dans l’ajout d’un « isme » à l’objectif louable qu’est l’écologie. L’écologisme.
Image par Briam Cute de Pixabay
A lire également
La terrible loi de Brandolini et le mythe du 100% renouvelable
Peut-on encore sauver l’indépendance énergétique française ?
Procrastination nucléaire : Non assistance à filière en danger !
Les gouvernements européens abandonnent le Traité de la charte sur l’énergie
Crise énergétique en Europe : et si l’on rangeait les couteaux dans les tiroirs ?
Etat de l’union vs mauvais état de la transition… l’interview de Samuel Furfari