En ce moment ont lieu à Kobierzyce en Pologne des célébrations en l’honneur du centenaire des conférences données par Rudolf Steiner fondateur de l’anthroposophie dont est issue l’agriculture biodynamique. L’essayiste Arnaud Blaret, auteur des Intendants de Dieu, nous propose une lecture dans le texte de l’oeuvre de l’anthroposophe autrichien.
Centenaire de l’agriculture biodynamique : quelques points saillants sur le sujet.
Il est de bon ton aujourd’hui de comparer la biodynamie à l’astrologie. Bien à tort. C’est pire. Bien pire. Pour arriver à cette conclusion, je me suis livré à l’exercice peu couru de lire attentivement les fameuses conférences données par Rudolf Steiner en 1924, à la base de l’agriculture biodynamique. Et quelques autres en plus, tant qu’à faire (1). Le texte ci-dessous est un résumé très condensé de ces conférences, les citations littérales sont entre guillemets et la conclusion finale est de mon cru. Les sources sont des versions anglaises des originaux en allemand.
Science spirituelle
Le cœur de sa philosophie est sa science spirituelle. Principal « avantage » : elle ne doit pas être confirmée par l’expérience, car les choses spirituelles sont intrinsèquement vraies (2).
La méditation suffit (3). Et ça permet de voir n’importe quoi. Vraiment n’importe quoi.
Ainsi du mécanisme réel de la fécondation chez les plantes à fleurs (angiospermes). Pour Steiner, le mécanisme défendu par la science matérialiste, qu’il déteste, est radicalement faux.
« Car pour les plantes la Terre est la mère et les Cieux le père » (4). Rien de ce qui se produit en dehors de la terre ne peut donc être l’utérus de la plante. C’est une erreur colossale de croire que le principe femelle de la plante est dans le carpelle. Il est pris du cambium de la plante, qui est entre l’écorce et le bois et est amené dans le sol sous forme idéale.
Forme qui est la résultante du travail des ondines et des sylphes (5) qui l’apportent au sol où elle est gardée par les gnomes. Ce processus est assez différent de celui perçu par la science matérialiste.
Après être passée par la sphère des sylphes, la plante entre dans celle des esprits du feu – aussi appelés salamandres. Quand il fait suffisamment chaud, cette chaleur est rassemblée par les esprits du feu et apportée à la plante.
« Les ondines apportent l’action de l’éther (6) chimique aux plantes ; les sylphes, l’action de l’éther lumineux aux fleurs. Et le pollen fournit ce qu’on pourrait qualifier de petits avions permettant aux esprits du feu de porter la chaleur aux semences » (7). Ces esprits entretiennent une relation intense avec l’ensemble des insectes et plus particulièrement les papillons (8). Ils suivent les insectes de fleur en fleur en leur conférant une sorte d’aura. Ainsi chaque abeille semble entourée d’une aura qui est en fait un esprit du feu. Les insectes acquièrent ainsi le pouvoir de spiritualiser complètement la matière et de permettre à cette substance physique spiritualisée de rayonner dans l’espace cosmique. Partout la chaleur est collectée avec l’aide des étamines et est transportée par le pollen des anthères aux semences dans le carpelle. Et ce qui est formé dans le carpelle en son entièreté est l’élément mâle venu du cosmos. Ce n’est pas que le carpelle soit femelle et l’étamine mâle. En aucun cas la fertilisation ne se produit dans la fleur, mais seulement la préformation de la semence mâle. La fertilisation se produit quand la semence cosmique mâle, qui enflamme les esprits de la fleur est amenée au principe femelle qui a pénétré le sol comme un élément idéal.
Histoire de gnomes
La fertilisation résulte de l’action combinée des gnomes et des esprits du feu – les salamandres. « Les gnomes sont, en fait, les sages-femmes spirituelles des plantes » (5). La fertilisation se produit à l’intérieur de la Terre, en hiver.
Les gnomes peuvent être ironiques si on leur parle de logique. Pourquoi une chose aussi superflue qu’un entraînement de l’esprit ? «Les pensées sont déjà présentes. Les idées coulent vers les plantes. Pourquoi est-ce que les gens n’enfoncent pas leur nez dans la terre à la profondeur des racines des plantes pour laisser leur nez se pénétrer de ce que le soleil dit aux plantes ? Ils en apprendraient des choses ! » (9).
Mais avec la logique, disent les gnomes, on ne peut avoir que des morceaux et des pièces de connaissance. Les gnomes sont en fait les porteurs des idées de l’univers depuis le cosmos jusqu’à l’intérieur de la terre, qu’ils n’aiment pas. Car elle menace sans cesse de les forcer à prendre une forme qui leur fait peur : celle des amphibiens. Tout particulièrement celle des grenouilles et des crapauds. L’antipathie des gnomes pour tout ce qui est terrestre force les plantes à n’avoir que leurs racines dans la terre (9).
Les ondines, en revanche, sont très sensibles à tout ce qui a la nature d’un poisson, car la forme des poissons est une menace pour elles. Elles n’ont pas la clarté d’esprit des gnomes car elles rêvent. Incessamment. Elles rêvent de chimie. Elles rêvent leur propre existence. Ce faisant elles relâchent et lient, unissent et séparent les éléments de l’air qu’elles introduisent mystérieusement dans les plantes (10).
La terre doit ses pouvoirs de répulsion et d’impulsion à l’antipathie des gnomes et des ondines envers les amphibiens et les poissons. Quand la lumière et la chaleur descendent sur la Terre, c’est l’expression d’un pouvoir de sympathie, le pouvoir de l’amour des sylphes, porté à travers les airs au pouvoir sacrificateur des esprits du feu. «La densité, le magnétisme et la gravité s’unissent alors dans leur pouvoir ascendant avec le pouvoir descendant de l’amour et du sacrifice. La plante tire son développement de cette rencontre. La vie végétale est la collaboration de l’amour, du sacrifice, de la gravité et du magnétisme à l’échelle mondiale» (11).
Zodiaque
Pour lutter contre les ravageurs, Steiner condamne les méthodes inhumaines comme la strychnine. Puis propose ceci : d’abord capturer une jeune souris et l’écorcher. Il faut que Vénus soit à ce moment dans le signe du Scorpion. Zodiaque signifie cercle animal. Pour combattre les ravageurs il faut donc tenir compte des étoiles fixes du zodiaque. Il faut savoir reconnaître l’influence des étoiles sans devenir superstitieux. Bien des choses qui étaient matière de connaissance ont dégénéré dans la superstition. Il faut que ce soit de la connaissance acquise par la voie spirituelle et non seulement les sens physiques. Il faut brûler la peau de souris quand Vénus est dans la constellation du Scorpion. Ce qui est détruit par le feu contient le négatif des forces reproductrices de la souris. Prévoir suffisamment de souris pour avoir assez de cendres. Les répandre ensuite sur le champ. «Si tout le monde procède ainsi dans le voisinage, l’effet sera certainement dramatique» (12).
Pourquoi certaines personnes obtiennent de francs succès dans la culture des fleurs dans les bacs accrochés à leurs fenêtres et d’autres pas? C’est certainement le résultat d’une influence personnelle. Elle peut simplement provenir du fait de la pratique de la méditation. « En effet, la personne qui médite est différemment relatée à l’azote, qui contient l’imagination ». Elle se positionne alors différemment face à la croissance des plantes.
« La question de savoir si l’on peut combattre les parasites par la concentration mentale est délicate. Il n’y a aucun doute que cela peut être fait si c’est fait correctement. Il faut le faire en harmonie avec la nature, comme un tout ». Surtout entre mi-janvier et mi-février cela peut avoir de l’effet. (13).
Excès de pommes de terre
La nature est pour Steiner plus sage que l’homme ; quand les hommes étaient moins intellectuels, ils étaient plus sages. C’est le problème du matérialisme : les gens sont devenus beaucoup plus intellectuels(14).
Un des facteurs ayant rendu les hommes et les animaux matérialistes est un excès de consommation de pommes de terre, un aliment qui a tendance à rendre le cerveau indépendant des autres organes (15).
Car dans le domaine de la physiologie aussi, Steiner pense que la science spirituelle a permis d’établir des vérités qui, encore aujourd’hui, échappent à la science matérialiste.
Ainsi, le cerveau est pour lui le produit des éliminations – par les reins, les intestins, etc… Elles n’ont pas seulement pour but d’éliminer ce qu’elles rejettent parce que le processus passe aussi au spirituel. Un élément spirituel se lève dans la sphère inférieure de l’être humain qui ressemble à la nature physique du cerveau dans la sphère supérieure. Car nous avons deux cerveaux : un cerveau physique dans la sphère supérieure, un cerveau spirituel dans l’inférieure. Le processus inférieur reste bloqué en chemin. « Si on pouvait mener à son terme le processus de transformation des produits de l’élimination, il mènerait à la création de matière cérébrale » (16). Le cerveau est le produit évolué des éliminations.
Parce que les gnomes et les ondines existent, il existe des forces capables de générer des parasites dans la sphère inférieure de notre organisme ; simultanément, ils sont capables de métamorphoser le produit de nos éliminations en matière cérébrale.
« Il serait absolument impossible pour nous d’avoir un cerveau si le monde n’était pas ordonné de telle sorte que les gnomes et les ondines existent » (16).
La place manque ici pour me permettre développer ce fait de la plus haute importance.
Chacun pourra se retrouver ou non dans cette vision onirique et mystique de notre agriculture. Je ne m’y retrouve personnellement pas du tout.
(1) Conférences données du 7 au 16 juin 1924 à Koberwitz, Silésie allemande. Aujourd’hui Kobierzyce en Pologne.
Cet article contient aussi quelques idées tirées de conférences données à Helsinki les 3 et 4 avril 1912 et à Dornach (Suisse) du19 octobre au 11 novembre 1923.
Sources :
– George Adams, Agriculture Course, Rudolph Steiner Press, 2018.
– Hugh J. Courtney, What is Biodynamics?, SteinerBooks, 2005.
(2) Il ne doute cependant pas que ses vérités spirituelles seraient vérifiées par l’expérience : « Nos scientifiques ont tous fait l’erreur de vouloir vérifier les vérités de la science spirituelle par des méthodes externes. Cela s’est même produit au sein de la Société Anthroposophique, où les gens devraient savoir que les choses peuvent être intrinsèquement vraies. Mais pour progresser à notre époque, nous devons vérifier les choses extérieurement; nous devons faire des compromis. En principe, ces compromis ne sont pas nécessaires. »
Rudolf Steiner, sixième lecture sur l’agriculture, Koberwitz, 14 juin 1924.
Hugh J. Courtney, What is Biodynamics?, SteinerBooks, 2005, p167
(3) Hugh J. Courtney, What is Biodynamics?, SteinerBooks, 2005, p45. Introduction à la première lecture sur les êtres spirituels, Helsinki 3 avril 1912.
(4) Pour tout ce processus de fertilisation : Rudolf Steiner, septième lecture sur l’harmonie du mot créateur, Dornach 2 novembre 1923.
Hugh J. Courtney, What is Biodynamics?, SteinerBooks, 2005, p86.
(5) Pour Steiner, les gnomes, ondines, sylphes et salamandres, représentant respectivement la terre, l’eau, l’air et le feu sont une classe d’esprits inférieurs. Les esprits supérieurs tels que séraphins, chérubins, anges et archanges ne s’occupent pas d’agriculture.
(6) Il s’agit ici d’une sorte de principe vital.
(7) Rudolf Steiner, deuxième lecture sur l’harmonie du mot créateur, Dornach 2 novembre 1923. Hugh J. Courtney, What is Biodynamics?, SteinerBooks, 2005, p85
(8) Idem (4) p76.
(9) Idem p79-80
(10) Idem p81.
(11) Idem p89-90.
(12) Rudolf Steiner, sixième lecture sur l’agriculture, Koberwitz, 14 juin 1924.
Hugh J. Courtney, What is Biodynamics?, SteinerBooks, 2005, p168-170.
(13) Rudolf Steiner, quatrième lecture sur l’agriculture, Koberwitz, 12 juin 1924.
Hugh J. Courtney, What is Biodynamics?, SteinerBooks, 2005, p130-131.
(14) Rudolf Steiner, septième lecture sur l’agriculture, Koberwitz, 15 juin 1924,
George Adams, Agriculture Course, Rudolph Steiner Press, 2018, p130-131.
(15) Rudolf Steiner, huitième lecture sur l’agriculture, Koberwitz, 16 juin 1924,
George Adams, Agriculture Course, Rudolph Steiner Press, 2018, p149.
(16) Rudolf Steiner, huitième lecture sur l’harmonie du mot créateur, Dornach 3 novembre 1923. Hugh J. Courtney, What is Biodynamics?, SteinerBooks, 2005, p101-102.
By Otto Rietmann – Abbildung übernommen aus Wolfgang G. Vögele, Der andere Rudolf Steiner – Augenzeugenbrichte, Interviews, Karikaturen, 2005, S. 116, Public Domain, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=1528429
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